04 janvier 1959 – 04 janvier 2015 : Les Congolais se souviennent des émeutes à la place YMCA

Lundi 5 janvier 2015 - 08:38

En réalité, d’après l’Agence Belga, une réunion de l’Abako, tenue dans un bâtiment de l’YMCA à Kinshasa, a donné lieu à des échauffourées entre les participants à la réunion et la police. L’incident se fut produit le 04 janvier dans la commune de Kalamu.
Peu après 20 heures, des détachements de la Force publique en état d’alerte reçurent l’ordre d’intervenir pour dégager notamment l’avenue Kasavubu, ex-Baudouin. Toutes les issues vers la cité furent rapidement bloquées par des barrages de la police militaire.
Des pillages de magasins
C’est à 23 heures, que M. Tordeur, premier bourgmestre de Léopoldville, avait réuni une conférence de presse. A l’issue de cette conférence de presse, il déclara qu’à la suite d’une réunion organisée par l’Abako, certains incidents se sont produits dans la cité indigène. Ces incidents ont été exploités par des éléments troubles. Des manifestants se sont livrés au pillage de magasins et de maisons dans la cité indigène. Par la suite, il déclara qu’il n’y avait pas de blessés graves et que la Force publique n’avait pas dû ouvrir le feu. Il précisa toutefois qu’il n’avait pas encore reçu de rapport.
L’avis de M. Pinzi
Pour Monsieur Pinzi, il avait appris que les incidents de Léopoldville ont pour point de départ l’intention exprimée par la section Abako de Kalamu d’organiser une réunion pour présenter un comité récemment créé à M. Pinzi, bourgmestre de la commune de Kalamu qui venait de rentrer d’un voyage en Belgique. « La manifestation ayant été décommandée, cette décision fut mal accueillie par de nombreux membres d’Abako venus de différentes communes. Une bagarre éclata, opposant certains manifestants au gérant du home », avait-il déclaré. Pour mettre fin à cette bagarre, l’appel avait été fait à la police qui s’efforça en vain de dégager les lieux.
A ce moment, M. Pinzi s’adressa aux manifestants pour les calmer, mais n’y réussit pas. Par la suite, il avait déclaré qu’à son avis, l’extension des incidents était due à une intervention trop rapide du service de l’ordre. « Encore que toute l’affaire se soit déroulée sur le territoire de ma commune, avait dit M. Pinzi, personne ne m’a alerté en ma qualité de bourgmestre. Déjà dimanche matin, des milliers des Congolais s’étaient assemblés devant la maison communale de Kalamu. Ils voulaient que je fasse une déclaration sur les résultats de mon récent séjour en Belgique. J’ai déclaré que je ne prendrais pas parole avant d’avoir vu le gouverneur général. La foule se dispersa calmement. Je suis convaincu qu’il en aurait été de même si j’avais pu m’adresser à temps aux manifestants de l’Abako réunis l’après-midi au foyer de l’YMCA.
Calme virtuellement rétabli
Dans l’ensemble des secteurs où ont eu lieu les incidents, quelques pillards et quelques membres du service d’ordre ont été blessés. Des arrestations ont été opérées parmi les pillards. Cependant, le lundi matin, on apprenait que 28 européens avaient reçu des soins à l’hôpital. Du côté des Congolais, on ne dispose pas encore de chiffres précis.
Par ailleurs, si les incidents ont eu comme point de départ la réunion de l’Abako, tenue au foyer de l’YMCA de Kalamu, les dirigeants du YMCA précisaient qu’en fait ils ont été victimes d’une violation de domicile car, ils n’avaient pas donné d’autorisation à l’Abako. La réunion était déjà terminée lorsque certains éléments de la foule s’en prirent à deux véhicules de la police, gardés par les chauffeurs. « Les voitures furent renversées et incendiées. Ce geste donna naissance au mouvement de pillage dans le quartier de Foncobel, actuellement Kimbangu, quartier de commerçants européens situé en plein cœur de la cité indigène. Il y aurait eu 17 magasins portugais saccagés ou pillés dans ce quartier. Certaines boutiques furent incendiées », avait déclaré M. Pinzi.
Après les désordres à Foncobel, les manifestants, évalués à plusieurs milliers, repoussèrent le service d’ordre qui se retira jusqu’à la hauteur du zoo de Léopoldville. C’est là que la police, après les sommations d’usage dut finalement ouvrir le feu. Plus tard, des détachements de la force publique ont dégagé le quartier. La force publique s’était rendue aussi dans le quartier de Foncobel pour délivrer certains ménages portugais qui n’avaient pas voulu quitter leurs maisons et s’étaient défendus avec des fusils de chasse contre les pillards.
Dans le courant de la nuit, des mouvements sporadiques ont encore eu lieu en différents endroits des communes de la capitale. La Force Publique avait fait usage de ses armes pour disperser de petits groupes.
Ainsi, naquirent les martyrs de l’indépendance à cette date du 04 janvier 1959, dont le Président Joseph Kasavubu n’a jamais fait allusion dans ses discours depuis ses prises de fonctions comme président de la République. Il semble, que c’est Patrice Emery Lumumba qui avait fait cadeau à Kasavubu personnellement, juste pour se souvenir de tous les Congolais morts pour la cause de la Nation, et non une date particulière à l’Abako.