
MENSONGES, IGNORANCE ET AMALGAMES SUR LA QUALIFICATION DU REGIME POLITIQUE EN VIGUEUR EN RDC ET SUR SON FONCTIONNEMENT »
I. Concernant les rapports entre le Président de la République et le Premier ministre
Depuis quelques temps, plusieurs papiers circulent sur les réseaux sociaux au sujet de la qualification du régime politique qui est en vigueur en République démocratique du Congo. Tout le monde veut lui donner un nom, certains estimant que c’est le régime dans lequel le Président a tous les pouvoirs, d’autres soutenant en revanche que c’est celui dans lequel le Premier ministre est le tout puissant.
A notre avis, il y a beaucoup trop de passions versées dans ce débat. Chacun veut dire ce qui pourrait satisfaire son camp. Les uns et les autres prennent des photos du régime politique institué par la Constitution du 18 février 2006 sous une seule facette ou un seul angle, ce qui est une approche bien insuffisante pour identifier véritablement le régime mis en place par le constituant de 2006.
En effet, pour rester dans la panoplie des régimes « classiques » enseignés, en tout cas connus en RDC, tel qu’il est prévu par la constitution du 18 février 2006, le régime politique congolais a le plus souvent été présenté comme un régime semi-présidentiel ; tandis que et nous l’avons souvent dit, s’il est semi-présidentiel cela signifie qu’il pourrait tout aussi bien être dit « semi-parlementaire », parce que ce qui est qualifié semi-telle chose est nécessairement en même temps semi-autre chose, en quelque sorte à mi-chemin entre les deux. On pourrait en déduire que parmi ses propriétés il y a si clairement celle d’être un régime d’équilibre.
En effet, l’idée d’équilibre a hanté les législateurs zaïro-congolais depuis 1990 lorsqu’a été introduit, à la suite de la « démocratisation » du 24 avril 1990. La réforme du 05 juillet 1990 prévoyait un Premier ministre à la tête d’un gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale, parallèlement à un Président, représentant la Nation, garant de l’indépendance, de l’intégrité et de la sécurité du territoire et qui « peut » présider le conseil des ministres, chef suprême des forces armées. De plus pour la première fois et contrairement aux constitutions de 1964 et de 1967, le Président n’est plus explicitement désigné comme « chef du pouvoir exécutif » et ne détermine et ne conduit plus la politique de l’Etat, tandis que c’est le gouvernement qui « conduit la politique » qu’il « détermine en accord avec le Président de la République». Mais, à l’époque, la dictature encore dans les airs et on peut dire intuitu personae par rapport au Maréchal, n’a pas pu permettre une autonomie complète du gouvernement par rapport au Président, parce c’est ce dernier qui nomme et révoque, sans restriction ni encadrement quelconque, le Premier ministre, et nomme et peut révoquer les membres du gouvernement sur la proposition du Premier ministre, établissant ainsi une sorte d’orléanisme installant un système bigarré de double responsabilité. Depuis, la hantise du constituant a toujours été de, en quelque sorte, éviter un président tout puissant, toujours en référence au maréchal Mobutu, le plus grand écart étant atteint par le projet de la CNS, et d’établir un certain équilibre entre le Président et le gouvernement d’une part et, d’autre part, entre l’exécutif et le législatif.
Elaborée au lendemain d’une atroce guerre fratricide, élaborée entre les forces politiques dont les plus importantes étaient justement les anciens belligérants, anciens ennemis au cours de ladite guerre, la constitution du 18 février 2006 fut, en plus, marquée par un climat de méfiance entre ces derniers, notamment à l’égard du régime de Kinshasa de Joseph Kabila alors combattu par les forces et mouvements rebelles devenus les forces politiques les plus déterminantes avec celle de Kabila. Pour éviter un président aux pouvoirs exorbitants, l’équilibre recherché fut obtenu par la mise en place de mécanismes de collaboration, de consultation et de lutte contre l’arbitraire. C’est la raison d’être du nombre important des décisions du Président de la République qui doivent être soumises au contreseing du Premier ministre, qui doivent être discutées et adoptées en Conseil des ministres, etc., faisant que le Président de la République ne dispose que de peu de compétences qu’il exerce en propre sans une sorte de concours d’une autre institution, qu’l s’agisse de pouvoirs de la période normale ou de pouvoirs exceptionnels de l’état d’urgence ou de l’état de siège par exemple. De telle sorte que l’on peut en conclure que le régime de cette constitution est celui qui réalise ce que disait Montesquieu, afin que « le pouvoir arrête le pouvoir », ici, chaque institution étant limitée par d’autres et aucune ne pouvant à elle seule détenir ou exercer tous les pouvoirs ou, même, des pouvoirs trop déséquilibrés au détriment des autres, non seulement dans l’optique classique de la séparation des pouvoirs mais aussi au sein de l’exécutif entre le Président de la République et le chef du gouvernement qu’est le Premier ministre.
De vaines, oiseuses et ridicules querelles entre « spécialistes ». Ici, une mise au point s’impose. Toutes les qualifications qu’on attribue aux différents régimes constitutionnels, régime parlementaire, régime présidentiel, semi-présidentiel, d’assemblée, ou toute autre qualification, ne sont que les produits des commentaires de la doctrine, aucune constitution, à commencer par les plus vieilles, n’ayant jamais en aucune de ses dispositions, consacrée telle ou telle qualification. C’est pourquoi les bagarres auxquelles on assiste sur la place de Kinshasa, devenues presque des pugilats ou combat de coqs, ne sont que bêtises ou, quand elles ont un contenu présenté rationnellement, des querelles doctrinales, rien de plus ; en tout cas nous nous avons appris de nôtre maître que nous ne devons pas mourir pour ces clichés qu’on expose au titre de la pédagogie aux étudiants de première année de droit, clichés qui, dans les universités des réseaux sociaux de Kinshasa, sont les critères par lesquels certains obscurs s’autoproclament ou, dans le pays des aveugles le borgne étant roi, se font consacrer les plus grands ceci et cela. Cette mise au point me permet d’oser la double affirmation que voici.
Primo que, dans ses caractéristiques générales, ce régime peut globalement être dit « semi-présidentiel », en même temps que, dans l’optique indiquée ci-dessus, il doit pouvoir être dit « semi-parlementaire » ; cette précision, on le verra, a son importance, grande, notamment dans l’examen du fonctionnement actuel de notre régime constitutionnel. Secundo que, nous ne sommes pas obligés de prendre partie dans la querelle récente autour de ce qui a été appelé « régime primo-ministériel ». Toutefois nous nous devons de préciser que c’est sans aucun doute par ignorance que certains ont proclamé avec des injures et évidemment sans argumentation juridique que cette expression était une invention qui n’existe pas, j’ai même vu qu’en cela ces critiques étaient accompagnés par des étudiants, sans doute soumis à un certain enseignement ; la vérité c’est que cette qualification existe bel et bien, consacrée dans la doctrine, et qu’elle pourrait, toujours en doctrine, être utilisée pour désigner certaines formes de régimes soit à la lecture de la constitution soit au regard de leur fonctionnement sous l’influence de certaines conditions ou de certaines circonstances liées au contexte politique du moment concerné.
Régime constitutionnel et contexte politique.
Nous précisons d’emblée que ce contexte que nous appelons « politique » n’est pas, ici, simple synonyme de réalités ou réalisme politique ou un ensemble de simples faits politiques, liés au jeu de politiciens.
Pour ne pas faire trop long, nous ne prendrons que l’hypothèse concernant le fonctionnement actuel de notre régime constitutionnel au regard, notamment, des résultats des élections ayant présidé à l’élection et à la mise en place des institutions congolaises actuelles, il s’agit donc d’une situation en application du droit électoral. Il s’agit précisément de l’influence particulière et déterminante des résultats électoraux de décembre 2018 d’où sont sortis le Président de la République d’une part et, d’autre part le Parlement dont émane le chef du gouvernement.
En effet, à la différence des élections antérieures, celles de décembre 2018 ont débouché sur, à l’aide des expériences d’autres pays passant pour être nos modèles favoris, ce qu’on appelle la « cohabitation » où le Président de la République se trouve face à une majorité parlementaire qui est issue d’une famille politique différente de la sienne. Dans cette hypothèse, une bonne doctrine observe que, dans le cas de ce régime appelé communément appelé « semi-présidentiel », et c’est là la raison pour laquelle, outre la logique que j’ai exposée, j’ai tenu à affirmer qu’il pouvait également être considéré comme « semi-parlementaire ».
C’est ce qui explique que lorsque le Président et la majorité parlementaire sont du même bord politique, s’affirment et prédominent les traits « présidentialistes », le régime se présentant alors comme de prédominance présidentielle, le Président, appuyé par cette majorité parlementaire qui est aussi la sienne, est conforté, jouant le rôle moteur de l’initiative des politiques publiques qui ainsi reflètent sa vision et ses options notamment celles présentées lors de la campagne électorale et qui deviennent en fait le programme de l’Etat. Il a un ascendant essentiellement politique sur le Premier ministre, lequel est en fait au service des options présidentielles. Ces aspects sont encore plus soulignés en France où le choix du Premier ministre et du gouvernement procèdent du seul Président, c’est un choix discrétionnaire de celui-ci, que la Constitution ne soumet à aucune condition d’aucune espèce. De plus, en France, c’est le Président qui « détermine la politique de la Nation » que le gouvernement est appelé à seulement « conduire ». C’est le gouvernement du Président, on dira facilement et presque toujours le Premier ministre ou le gouvernement du général de Gaulle, de Pompidou, de Giscard, de Mitterrand, de Chirac, de Hollande ou de Macron.
Tandis que lorsqu’on assiste à ce que nous avons appelé « cohabitation », le régime voit se révéler et s’imposer ses caractéristiques « parlementaristes », et connaît une prévalence parlementaire, avec un gouvernement de la majorité parlementaire dont la composition échappe au Président, sauf une certaine révérence qui lui est faite quand la majorité parlementaire évitera de lui imposer des ministres « incompatibles » avec lui, sans possibilité d’y faire introduire même le moindre demi-ministre, sans possibilité de réaliser et encore moins imposer ses promesses de campagne électorale, tandis que le programme appliqué est celui de la majorité parlementaire, l’existence et le maintien des membres du gouvernements ne dépendant pas de lui, non seulement juridiquement parce qu’il ne peut les révoquer, mais même politiquement dans la mesure où il ne peut unilatéralement influencer, etc. Même en France où, on l’a vu, le Président procède discrétionnairement au choix du Premier ministre et du gouvernement, le président de la Cohabitation ne peut rien faire d’autre, malgré tout, alors que la constitution ne l’y oblige pas, que nommer un Premier ministre issu de la majorité parlementaire, Mitterrand ayant d’ailleurs dans un premier temps nommé E. Balladur qui n’était pas le chef de la majorité parlementaire« gaulliste », mais il fut contraint par les conditions politiques d’appeler J. Chirac, chef de la majorité.
Le Président ne peut y jouer que le rôle de « arbitre » dans le sens de notre article 68 de la Constitution et de l’article de la constitution française.
La France a connu trois fois ce système, deux sous la présidence Mitterrand, successivement avec E. Balladur et avec J. Chirac comme Premier ministre et une fois sous la présidence Chirac, avec L. Jospin comme Premier ministre. Dans son « Les leçons du pouvoir », l’ancien président français François Hollande, explique très bien ce fonctionnement où le président est affaibli par cette divergence des majorités tandis que le Premier ministre voit se révéler son rôle de chef du gouvernement et de la majorité parlementaire, le Président « réduit à un rôle d’arbitre ou, au pire, de spectateur engagé ». Mitterrand s’étant même plaint de n’être plus qu’une machine à signer les ordonnances conçues par le gouvernement de la majorité parlementaire. Tandis que toute la doctrine française du droit constitutionnel, depuis qu’est apparu ce phénomène de cohabitation, enseigne largement ces situations (voir tous les ouvrages français de droit constitutionnel) ; c’est à se demander à quoi se nourrissent les « spécialistes » de chez-nous.
Ainsi, l’influence du Président de la République ou du Premier ministre dans le fonctionnement des institutions politiques et administratives mises en place par la constitution du 18 février 2006 dépend grandement des rapports que le Président de la République a avec la majorité parlementaire selon qu’ils sont de la même famille politique ou non.
Telle est la complexité de notre système, mais aussi sa simplicité qui a permis aux Français d’appliquer la constitution de la Ve République sans accroc, sans doute sur fond d’une culture constitutionnelle civilisée, qui a encore peut-être des difficultés à s’affirmer chez-nous. C’est cette réalité que beaucoup ignorent, enclins à croire, prenant leurs vessies pour des lanternes, qu’en toute circonstance le Président de la République est, en régime semi-présidentiel, omnipotent, au-delà même de ce qu’il est en régime présidentiel. Une autre ignorance a éclaté au grand jour quand les affidés de coups d’état constitutionnels se réfèrent à la France. A ce sujet notre mimétisme a connu des limites, parce que le président congolais institué par notre constitution n’est pas le même que la constitution française institue en France : de façon générale les auteurs intellectuels de la Constitution française, de Gaulle et Debré, ont voulu que le Président soit « la clé de voûte des institutions », le centre et le cœur de l’Etat ; par ailleurs nous avons dit que le président français est maître discrétionnaire de la nomination de son Premier ministre et de son gouvernement, il n’est même pas obligé constitutionnellement de le nommer au sein de la majorité parlementaire ; mais si le fait majoritaire a joué au profit du président c’est lors de la correspondance entre sa majorité, cette circonstance expliquant également pourquoi, alors même que la constitution ne lui permet pas de révoquer le Premier ministre, le président français a des leviers politiques importants par lesquels il peut conduire le Premier ministre à la démission, il peut ainsi comme on dit « le démissionner », mais cela ne peut jouer et n’a joué qu’en période de concordance des deux majorités, pas dans le cas contraire de cohabitation. Le président français détermine la politique de la Nation, c’est donc lui le moteur, tandis que le gouvernement n’apparaît que comme l’exécutant de la politique du président, tandis que chez-nous la détermination de la politique de l’Etat figure parmi les attributions du gouvernement même s’il est ajouté que ce dernier « détermine la politique de l’Etat en concertation avec le Président de la République », logiquement le moteur n’est pas si évidemment le Président. En fait ce n’est donc pas tant en raison de son élection au suffrage universel direct que par certaines de ces prérogatives que se manifeste et s’explique la prééminence du Président français, de fait dans plusieurs pays, à l’instar de l’Autriche, le Président de la République est élu au suffrage universel direct sans avoir ces pouvoirs étendus ni même la prééminence politique.
II. Certaines prérogatives controversées du Président de la République
Dans ma pensée ce ne sont pas ces compétences en elles-mêmes qui sont controversées mais plutôt le niveau et la substance de la compréhension qu’en ont et des commentaires qu’en font certains spécialistes de la science des réseaux sociaux. En effet, indépendamment même des circonstances que je viens d’évoquer (cohabitation, etc.), le Président de la République dispose, de par la constitution, des pouvoirs qu’on ne peut ni contester ni nier, qu’il dispose ou pas de la majorité parlementaire. En même temps, il ne dispose pas non plus des pouvoirs qu’on veut lui attribuer, surtout lorsqu’il évolue dans le contexte où il n’a pas de majorité parlementaire.
En premier, concernant le pouvoir de dissoudre l’assemblée nationale. La Constitution reconnaît au Président de la République le pouvoir de dissoudre l’assemblée nationale et cela ne peut pas lui être dénié. Cependant, il ne peut exercer ce pouvoir que pour arbitrer une crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale ; qu’on relise seulement et simplement l’article 148 de notre constitution. Par ailleurs, ce pouvoir est soumis au contreseing du Premier ministre. A cet égard, la situation est très différente de ce qu’elle est en France où le pouvoir de dissolution de l’article 12 n’est pas soumis à l’existence d’un conflit quelconque ; de plus il n’est pas soumis au contreseing du Premier ministre ; il s’agit d’un de ces pouvoirs discrétionnaires du Président de la République. Tandis que, en France, le président peut dissoudre pour des raisons, entendues personnellement par lui, d’opportunité politique, pour se garantir une majorité plus confortable ; ceci joua un vilain tour au Président Chirac qui vit sa majorité disparaître lors des élections consécutives à la dissolution de l’Assemblée nationale alors que le gouvernement dirigé par A. Juppé était soutenu par une majorité parlementaire certaine et sûre, ce qui amena le gouvernement Jospin avec la victoire du Parti socialiste. A la différence de ce qui se passe ainsi en France, le rôle de la dissolution et la conséquence recherchée de la dissolution de l’assemblée dans la constitution congolaise n’est donc pas de constituer une majorité favorable au Président de la République mais bien de résoudre une crise entre le gouvernement et l’Assemblée nationale.
Concernant ses rapports avec le Premier ministre, le Président ne peut pas démettre le Premier ministre ; ce dernier ne peut quitter ses fonctions que par le vote d’une motion de censure ou par la remise par lui de sa démission au Président de la République. Il est vrai que lorsque le régime semi-présidentiel est dans l’hypothèse de la prédominance présidentielle avec la concordance de majorités, parce que le Président de la République est en même temps Chef de la majorité parlementaire, être en accord avec lui c’est également être en accord avec l’assemblée et les relations se confondent au point que, lorsqu’il entre en disgrâce avec le Président de la République, le Premier ministre a peu de chance de continuer à jouir de la confiance de la majorité et il ne peut que se démettre et dans cette hypothèse qu’on a entendu la phrase « le Premier ministre, ça se soumet ou ça se démet », que certains reprennent en RDC, sans que ce soit la même situation.. C’est donc en cas de coïncidence de majorité présidentielle et parlementaire que l’on peut, sur le plan politique et non pas juridique, parler de confiance vis-à-vis du Président de la République, qui peut conduire le premier ministre à démissionner ou exiger qu’il démissionne. Dans les conditions de cohabitation le Président de la République ne peut ni démettre le Premier ministre, ni le contraindre à la démission. Il n’est donc pas question de faire du régime politique congolais un régime inversé dans lequel, au lieu d’avoir la confiance du parlement, les membres du gouvernement sont tenus d’avoir la confiance du Président de la République.
Quant à la fameuse hypothèse de retrait de l’ordonnance de nomination du Premier ministre évoquée ces derniers temps il faut faire remarquer c’est la plus ignoble de toutes les idées qui sont mises sur la place publique. Car, ses auteurs affirment bien, et ils ont raison, que les actes administratifs peuvent être retirés ou rapportés, encore que cette possibilité pouvoir ne peut pas être utilisé par celui-là même qui avait pris l’acte administratif pour s’attribuer un quelconque avantage ou pour se soustraire d’une situation difficile. Ces sera un véritable abus de droit. Mais, ce qui est ignoble est dans cette thèse, c’est d’invoquer un régime des actes administratifs pour l’appliquer à un acte hautement politique que toute la doctrine en droit administratif qualifie d’« acte de gouvernement ». En effet, certains actes pris par certaines autorités administratives échappent au régime des actes administratifs à cause de leur caractère hautement politique. Ainsi, l’ordonnance de nomination du Premier ministre n’est pas un acte administratif et ne peut être soumise au régime des actes administratifs.
La nomination d’un informateur. Certains reconnaissent que certes le Président de la République ne peut pas révoquer le Premier ministre mais qu’il peut nommer un « informateur » aux fins de conduire à la nomination d’un autre Premier ministre. Aux termes de l’article 78 : (Alinéa 1er) « Le Président de la République nom me le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. » (Alinéa 2) « Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue en vue d’identifier une coalition. » L’entendement du concepteur et rédacteur de cette disposition, auteur des présentes lignes, est que celui qu’imparfaitement on appelle « informateur », est désigné uniquement lorsqu’une majorité parlementaire devant former et soutenir un gouvernement n’existe pas. Il est désigné non pas pour procéder au recrutement des députés pour constituer une nouvelle majorité, par le débauchage.
L’informateur n’est pas le débaucheur en chef. Il est chargé d’une mission d’information pour voir si, en l’absence d’un parti ou d’une coalition majoritaire, certains groupes non encore associés jusque-là peuvent s’assembler en une coalition majoritaire aux fins de former le gouvernement ; ce n’est pas lui qui fabrique une majorité mais il consulte des groupes, non des individus, et tente d’obtenir leur rapprochement pour qu’ils se mettent ensemble. Dans le cas présent, il existe une majorité constituée par le CACH et le FCC, cette coalition s’est faite pour ensemble gouverner, ayant formé un gouvernement qu’elle soutient tout en soutenant le Président de la République. Dans l’hypothèse aventureuse de la dislocation de cette coalition, le FCC à lui seul constitue un groupe majoritaire pouvant former et soutenir un gouvernement, dans cette hypothèse qui conduirait à la cohabitation. De beaux esprits, tatillons sur les mots et experts de débats oiseux, estiment que seul un « regroupement politique » peut jouer un tel rôle, que le FCC ni même le CACH ne sont pas reconnus à ce titre par l’autorité compétente. Faux raisonnement pour la cause, en exigeant que chacun de ces groupes aurait dû se constituer avant les élections et avoir des candidats CACH ou FCC. Mais, même s’ils n’ont pas investi comme tel des candidats, ils ont été constitués avant les élections entre des partis ou regroupements politiques, eux reconnus, pour aller ensemble aux élections ainsi que véritables coalitions préexistantes ; la constitution ou la loi n’a rien à faire avec l’existence de coalitions, les autoriser ou les reconnaître.
Aux termes du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ces regroupements ont opté de s’assembler et, dans cette optique, ceux ayant créé le FCC avant les élections justement pour cela, ont rassemblé une majorité d’élus, composés de tous les élus des regroupements et partis ayant fondé le FCC à cette fin ; sinon pour quelle raison ces regroupements auraient formé le CACH ou le FCC pour aller aux élections en alliés et ne pas se rassembler après ; l’accord FCC-CACH lui-même, rendu public récemment, comportait un engagement des deux à reconnaître que le FCC avait la majorité parlementaire. On ne voit aucune logique dans ce vil juridisme abstrait exacerbé et tatillon dans lequel sont aujourd’hui versés les Congolais.
Il n’y a aucun sens à charger quelqu’un d’une mission d’information alors qu’existe un gouvernement et un Premier ministre, toujours en place, et toujours soutenu par une majorité parlementaire. Quelle serait sa mission dans ce cas ? Détruire, par le débauchage, la majorité existante pour en constituer une autre ? Cela n’est pas la raison d’être de cette disposition en rapport avec la mission d’information, pas plus que cela n’est reconnu en Belgique où existe comme véritable institution d’informateur sur nomination par le Roi, nullement pour trouver une majorité au profit du Roi. Il faut nécessairement que le gouvernement soit renversé ou ait démissionné pour, alors que la majorité qui le soutenait n’existerait plus, qu’on ait besoin de rechercher une nouvelle majorité aux fins de former un autre gouvernement.
Notre mentor a eu à affirmer à la télévision que, avec tout le respect qu’on doit aux présidents du monde entier, aucun n’est obligé de cumuler des titres et diplômes universitaires, et il n’est aucun besoin qu’il en soit ainsi ; j’ai été, lors de l’élaboration de la constitution, de ceux qui ne voyaient aucune raison de soumettre les candidats à la présidence à des conditions de très hautes études ; les chefs d’Etats, leaders et hommes politiques expérimentés, n’ont pas à être des savants, mais autour d’eux se précipitent diverses catégories de « savants » et autres spécialistes, leur responsabilité est grande quand, auréolés de ces titres, ils mentent aux chefs et, pour leurs petits intérêts, les induisent en erreur, les poussant dans des voies périlleuses pour le développement économique et social et pour la paix sociale et la sécurité de la Nation, au mur de la contestation et de l’instabilité institutionnelle permanentes.
Pour les Affinités Scientifiques Auguste Mampuya Forever - ASAMAF
Maître Tresor LUNGUNE KIDIMBA