Tribune de l’Association des Penseurs du Sankuru, en sigle APS.
Depuis l’élection controversée du gouverneur Joseph-Stéphane Mukumadi à la tête de la province du Sankuru, cette entité qui a donné au pays son premier Héros National Patrice-Emery Lumumba souffre d’une gestion calamiteuse pour ne pas dire qu’elle n’est tout simplement pas gérée. En effet, depuis son avènement à la tête de l’exécutif provinciale, le gouverneur élu a passé le plus clair de son temps entre la France, son pays d’adoption dont il aurait gardé la nationalité, et Kinshasa la capitale de la RDC. Les quelques jours pendant lesquels il a séjourné à Lusambo, chef-lieu de la province ou à Lodja qui en est le centre économique, il les a utilisé à régler des comptes politiques avec ceux qu’il considère à tort ou à raison comme ses rivaux ou adversaires politiques, attisant de ce fait les atavismes intercommunautaires très marqués dans cette contrée enclavée du centre du pays.
« Le respect des lois, des règlements et de la chose publique en général ne semble pas faire partie de l’ADN de ce gouverneur », déclare sous le sceau de l’anonymat un des députés provinciaux qui avait porté son choix sur Mukumadi en 2019 et qui ne jure aujourd’hui que sur son départ comme condition sine qua non pour le décollage socioéconomique du Sankuru. « La preuve : il a refusé à deux reprises de se présenter devant l’assemblée provinciale pour présenter son programme d’action et obtenir l’investiture prévue par la constitution et a commencé à gérer malgré cela la province en balayant du revers de la main sa mise en accusation par cette assemblée dont il a perdu en quelques mois la majorité, préférant s’appuyer exclusivement sur ses accointances avec le vice premier ministre, ministre de l’Intérieur du gouvernement central qui le couvre avec systématiquement des convocations permanentes et urgentes dans la capitale pour le soustraire à l’exercice démocratique de présentation de son programme », ajoute notre interlocuteur.
Cette soustraction délibérée du gouverneur à une formalité constitutionnelle préalable à toute prise de possession de ses fonctions a été considérée comme un acte d’outrage à l’assemblée provinciale qui a résolu de le mettre en accusation. Mais ce n’était pas tout car, bien que non encore investi, le gouverneur Mukumadi a disposé abusivement et hors de tous les mécanismes légaux en la matière des fonds de la province toujours hors de tout contrôle de l’assemblée provinciale et s’est permis de faire fonctionner concomitamment deux gouvernements provinciaux : celui sortant qui expédiait les affaires courantes en attendant son investiture et celui qu’il a constitué sans le présenter à l’investiture de l’organe délibérant. Cela lui vaudra une seconde mise en accusation pour détournement de deniers publics qui est pendante à l’office du procureur général près la Cour de cassation à Kinshasa.
Pendant ce temps, la population du Sankuru est abandonnée à elle-même et aux aléas de cette mégestion caractérisée par l’aggravation de l’insécurité notamment avec la multiplication des phénomènes ‘’coupeurs de routes’’, les érosions qui menacent la quasi-totalité des agglomérations ainsi que la pénurie des denrées de première nécessité et la résurgence des maladies endémiques. A Kinshasa, les autorités du Pouvoir central ferment les yeux pendant que cette province congolaise est en train de sombrer dans les abîmes. De plus en plus de sankurois sont convaincus que cette indifférence est due à la « générosité » de M. Mukumadi qui distribue à certains responsables nationaux une partie importante des fonds alloués à la province qu’il détourne ou qui leur fait profiter sans contrepartie des dividendes de la vente des diamants de joaillerie alluvionnaires extrait des lits des rivières Sankuru et Lubefu.
Révoltés par cette véritable descente aux enfers de leur terroir, les principaux acteurs politiques aux niveaux provincial et national du Sankuru, toutes tendances confondues, ont résolu de s’y pencher. Des élus nationaux de l’Union sacrée de la Nation du président Tshisekedi comme Christophe Lutundula, Lambert Mende, Emery Okundji ou Alphonse Ngoyi Kasanji et du FCC de l’ancien président Joseph Kabila comme Moïse Ekanga, Léonard She Okitundu ou André Tambwe dont les partis politiques ont des députés provinciaux dans leurs rangs, se sont entendus pour prendre une initiative en vue d’aider au rétablissement d’une gestion orthodoxe de la province à la demande l’assemblée provinciale dont tous les membres qui ont pris fait et cause pour la vision de l’Union sacrée de la Nation du chef de l’Etat ont effectué le déplacement de Kinshasa pour poser ce problème au Chef de l’Etat après avoir levé l’option de mettre en berne les querelles intestines et de donner une chance à cette province et ainsi aider le Président de la République, un kasaïen pur sang comme eux, à réussir sa première mandature dans cet espace qui est le sien.
Mais c’était sans compter avec les mauvaises habitudes de certains professionnels de l’agitation à Kinshasa comme l’ancien député Franck Diongo, non élu, dont le parti n’a ni député national ou sénateur, ni députés provinciaux nulle part en RDC qui avec quelques complicités en « haut lieu », s’est dressé tel un cheveu dans la soupe en prétendant que même ceux des élus provinciaux qui ont déjà adhéré à l’Union sacrée de la Nation dans le cadre de leurs formations politiques respectives devaient à nouveau le refaire sous sa conduite afin de l’ériger en interlocuteur privilégié sur les affaires du Sankuru où il n’a jamais exercé la moindre activité politique connue. Un cas flagrant de trafic d’influence qui risque de perturber la démarche désormais unanime des députés provinciaux de cette province en faveur de la vision du Chef de l’Etat.
Dans cette quête d’espace dans le Sankuru dénuée de tout bon sens, Franck Diongo aurait embarqué quelques collaborateurs du Président de la République peu au fait des réalités locales de cette entité en souffrance. Il a d’ores et déjà pris contact avec certains députés provinciaux pour leur dire que l’adhésion à l’Union sacrée faite par leurs formations politiques respectives ne serait pas prise en considération par le Président Tshisekedi qui l’aurait chargé, lui Diongo, de les rassembler autour de lui (sic !) pour créer un groupe fidèle à lui et à son complice le député national Charles Okoto, parrain du gouverneur Mukumadi qui remue ciel et terre pour revenir au gouvernement central en gestation en se présentant faussement comme le chef de tous les anciens membres du PPRD ralliés à l’USN.
Le but poursuivi par le trio Diongo-Okoto-Mukumadi est en réalité d’aggraver la crise au Sankuru en obtenant la chute de l’actuel bureau de l’assemblée provincial pour permettre à Mukumadi d’opérer à sa guise sans le contrôle de la représentation provinciale car le jeune président de l’assemblée Benoît Olamba et son bureau dérangent. Diongo usant même de menaces d’arrestation contre certains députés provinciaux veut aussi faire de cette base d’élus un tremplin afin de se retrouver au gouvernement central. Charles Okoto dont les limites du leadership local sont notoires entend quant à lui avoir aussi les coudées franches au Sankuru où beaucoup de ses « frères » sont de loin plus représentatifs que lui pour y créer un vide qui lui permettrait de faire prospérer ses ambitions.
Le plan des trois compères tend à faire coûte que coûte l’impasse sur des personnalités connues et reconnues de cet espace comme l’Honorable Lambert Mende un leader incontesté dans cette partie du pays à qui Okoto a dernièrement tenté d’attribuer une « milice armée » imaginaire, allant jusqu’à faire arrêter et transférer par Mukumadi vers Kinshasa une dizaine de jeunes innocents que la Justice militaire après enquête avait dû relâcher avec des excuses officielles et M. Joseph Olenghankoy accusé de trahir le président Tshisekedi en gardant des liens obligés par son statut de Président du CNSA, avec l’ancien président Kabila et dont nul ne peut contester sa fidélité au Chef de l’Etat.
Il en est de même du Député national Alphonse Ngoyi Kasanji pourtant adhérent à l’USN que les trois présentent comme ayant mal géré le Kasaï-Oriental (comme si Okoto avait fait mieux à la tête de cette province et de la MIBA !) ainsi que l’ancien chef de la diplomatie, le Sénateur She Okitundu et son collègue Moïse Ekanga, « coupables » d’être restés dans les rangs du FCC comme si on n’était plus en démocratie et comme si l’Union sacrée était orientée contre un groupe particulier de Congolais. Même l’excellent juriste et Député National Christophe Lutundula, membre de l’USN est accusé par eux de préparer la province pour l’élection de Moïse Katumbi à la présidentielle de 2023.
Dans ce plan machiavélique le trio Diongo-Okoto-Mukumadi ne prend pas en compte l’intérêt du Sankuru et encore moins celui du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi qui en 2023 risquerait de se retrouver sans bilan à présenter à ces populations ultra-paupérisées par les malversations de Mukumadi que le trio et leurs complices à Kinshasa veulent pérenniser. Le climat de délations manipulatrices qu’ils tentent ainsi d’instaurer au Sankuru risque sérieusement de frustrer les quelques élus et investisseurs susceptibles de se déployer dans cette province qui va littéralement se désertifier socialement et économiquement avec toutes les conséquences politiques que cela implique.
Pourtant, les sankurois sont satisfaits de ce que le Chef de l’Etat a fait notamment avec la mise en œuvre de Lumumba ville et le rapatriement des restes de ce Héros National. Le Président de la République ne perd rien à mieux composer directement, sans de telles intermédiations indélicates, avec les chefs des partis ayant des élus nationaux et provinciaux, dans la recherche des voies et moyens d’asseoir son leadership en prévision de 2023, chose que les appétits gloutons et les ambitions dénuées de soubassement logique ne pourront que compromettre. Car les populations qui pâtissent de la mauvaise gouvernance indéniable qui étouffe le Sankuru depuis plus de deux ans n’ont pas la mémoire courte.
Louis Claude OTEPA
Coordonnateur