Passe d’armes entre le camp présidentiel et l’opposition : crainte des violences post-électorales (analyse Sango ya bomoko)

Jeudi 11 janvier 2024 - 15:06
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Sango ya bomoko est un programme de Kinshasa News Lab qui collecte, traite et répond aux rumeurs au sein de nos communautés afin de prévenir le développement des discours de haine, tribalistes et la désinformation. Les différents discours traités dans notre bulletin n°27 se rapportent au processus électoral en cours en RDC avec à la clé les élections du 20 décembre. Nous vous proposons ici l’intégralité de l’analyse découlant de ce bulletin, Intitulée “Passe d’armes entre le camp présidentiel et l’opposition : crainte des violences post-électorales”.

La crainte de voir des violences post-électorales éclater au lendemain des élections générales du 20 décembre est bien réelle. La tension est montée d’un cran entre le camp présidentiel et l’opposition.

Lors d’une manifestation politique  au siège d’Ensemble pour la République à Lubumbashi, Christian Mwando Simba, un des bras droit de l’opposant Moïse Katumbi, a déclaré que les Katangais devraient se tenir prêts à mourir pour que leur terre ne leur soit pas volée. Une façon pour l’ancien ministre du Plan de dire que l’espace Grand Katanga, fief électoral de Moïse Katumbi, ne reconnaîtrait aucune victoire à la présidentielle autre que celle du président de son parti.

« Je demande à tout le Katanga  à se tenir prêt, prêt au combat, prêt à la bataille et prêt au sacrifice suprême parce que notre terre, la terre de Moïse Tshombe, la terre de Ngunz à Karl Ibond, la terre de Kyungu Wa Kumwanza, notre terre ne nous sera jamais volée. C’est nous les fils», avait dit Christian Mwando aux cadres d’Ensemble pour la République et leurs alliés à Lubumbashi le dimanche 24 décembre.

Le discours de ce haut cadre d’Ensemble pour la République a été jugé par plusieurs observateurs de "dangereux", de "subversif" et de "séparatiste".

En réaction, la gouverneure de la province du Tanganyika, dont est originaire Mwando Simba, a déclaré que l’ancien ministre incitait la jeunesse à descendre dans la rue si Katumbi n’est pas proclamé vainqueur de la présidentielle. Julie Ngungwa a promis la mort aux potentiels manifestants.

«  Mwando descend à Lubumbashi et parle au nom du Grand Katanga. Il incite la jeunesse Katangaise à descendre sur la rue si le candidat d'Ensemble n’est pas proclamé. Aujourd'hui, je demande à la population Katangaise, particulièrement à la population Tanganyikaise, de ne pas suivre la manipulation de Mwando Simba. J’ai hâte de vous dire que la famille de Mwando n’est pas dans ce pays. Et je me pose la question : le jour où vous allez descendre dans la rue, est-ce qu’il sera avec vous ? Et quand vous descendrez dans la rue c’est pour croiser qui selon vous ? vous allez croiser la police, vous allez croiser l’armée, vous allez mourir. Et ceux-là qui sont morts dans l’ancien temps, ils ont été récompensés ? La réponse est non ! », a-t-elle déclaré dans une vidéo devenue virale.

Cette passe d’armes appelle les considérations suivantes :

1. La Constitution de la RDC consacre plusieurs libertés publiques dont la liberté de manifestation (article 26). Pour autant que la manifestation soit  légale et pacifique, l’Etat a l’obligation de l’encadrer et non de la réprimer. Ses représentants, en l’occurrence la gouverneure,  ne doivent pas promettre la mort aux manifestants car ils violeraient le droit sacré à la vie promu par l’article 16 de la loi fondamentale. Même en cas de répression d’une manifestation, l’Etat à travers les forces de l’ordre et de sécurité doit veiller au droit à la vie et à l’intégrité physique des manifestants. La police ou l’armée doivent faire preuve de retenue et leur réponse doit respecter le principe de proportionnalité en cas de répression d’une manifestation. 

2. Cependant, les propos de Mwando qualifiés de séparatistes, de violents sont aussi condamnables. Car il y a des voies légales pour contester des résultats électoraux. Même alors, ces résultats sont attaquables devant la cour constitutionnelle. C’est la haute cour qui proclame des résultats définitifs. 

Le gouverneur du Haut-Katanga, Jacques Kyabula a condamné les messages à la haine tribale et au soulèvement qui, d’après lui, sont passibles de sanctions sévères.

Pour sa part, le ministre de l’intérieur Peter Kazadi a indiqué que les diverses menaces ne sont pas prises à la légère. Et que son gouvernement était prêt à faire face à toute éventualité. Il a annoncé le déploiement de la police et de l’armée pour renforcer les mesures sécuritaires à Lubumbashi et à Kolwezi notamment, afin de sécuriser la population.