Le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema a ténu sa cinquième audience, ce mercredi 11 septembre 2024, dans le cadre du procès sur les événements survenus à la prison centrale de Makala la nuit du 1ᵉʳ au 2 septembre dernier.
À cette audience, la Ligue de la zone Afrique pour la Défense des Droits des Enfants et Elèves (LIZADEL), qui s'est constituée partie civile, a présenté devant les juges sept prisonnières mineures victimes de viol pendant ces événements.
En réaction, le tribunal a exigé la présentation des documents attestant qu'il s'agit des mineures. Après demande auprès de l'administration pénitentiaire, les avocats n'ont produit les pièces justificatives que pour quatre sur les sept mineures.
Devant les juges, ces filles mineures ont, tour à tour, rapporté combien elles ont été chacune violées par plusieurs détenus à la fois. Une d'elle a même affirmé devant les juges avoir été violée par une dizaine de détenus.
"J'ai 16 ans. J'ai été arrêté parce que je m'étais bagarré avec une fille. Ce qui s'est passé est que nous étions en train d'entendre des coups de balle, la nuit du 2 septembre, comme quoi, il y avait évasion. Du coup, on a commencé à entendre des bruits des détenus qui essayaient de casser la porte de notre pavillon. Après un temps, on a commencé à entendre des femmes qui criaient qu'on les violait. Un moment donné, on a entendu des gens casser la porte de notre cellule des mineures. Une fois la porte a cédé, les détenus hommes sont entrés en masse et ont commencé à voler et à violer les filles. Après, j'ai vu un garçon qui est venu me prendre par force. Il a commencé à me tabasser et a couché avec moi. Après lui, j'ai été violée par plus de dix personnes ", a déclaré une victime.
Dans leurs interventions, des avocats de la LIZADEL ont demandé aux juges de requérir un expert médecin pour évaluer l'état de santé des prisonnières mineures violées. À les entendre, depuis ces événements, ces jeunes filles n'ont pas bénéficié des soins de santé appropriés.
"Nous avons identifié sept mineures violées. C'est une situation déplorable pour nous, défenseurs des droits de l'enfant. En ce moment où nous parlons, nous avons une des victimes qui veut se suicider. Elle s'est retrouvée violée par dix personnes. Sept l'ont violée par derrière, trois par devant. Aucune prise en charge médicale n'a été faite au profit des victimes. Tout ce qu'on leur a donné jusque-là, ce sont des pilules contre la grossesse. Or, elles ont été violées par des personnes dont elles ne connaissent pas l'état sérologique. Elles doivent donc être examinées. Comment pouvons-nous demander les dommages et intérêts si on ne connaît pas l'état actuel physique et le préjudice qu'ont subi les victimes ? Les experts doivent être requeris", a plaidé Me Jacob Tshituka.
Ce juriste a aussi fustigé que ces victimes qui ont été dépouillées de tous leurs biens soient obligées de consigner un montant avant de se constituer partie civile. Il a demandé aux autorités de prendre en charge ces frais afin de permettre à d'autres femmes violées, mais limitées par les moyens, de se constituer parties civiles.
"Nous lançons aussi un appel aux ONG humanitaire et structures de défense des droits des femmes. Il y a beaucoup de femmes en prison qui ont été violées, mais qui n'ont pas eu le temps de s'exprimer devant les juges. Il y a une épineuse question qui s'est posée, celle de la constitution de la partie civile. Pour qu'elles puissent se faire assister et postuler, elles doivent se constituer partie civile. Mais ces femmes ont été dépouillées de tous leurs biens. Où est-ce qu'elles vont trouver les moyens pour consigner ? Nous demandons aux autorités de s'impliquer pour qu'elles puissent être dispensées", a souligné Me Jacob Tshituka.
Au terme de l'audience, les avocats de la Défense ont demandé aux juges que l'Etat congolais puisse aussi comparaître au regard de sa responsabilité dans la garde des prisonniers. Les juges ont promis de répondre à cette demande à l'audience de ce jeudi. Ils ont aussi promis de faire comparaître d'autres prisonniers cités et d'effectuer une descente dans les pavillons pour apprécier les dégâts.
Au total, 63 prisonniers sont poursuivis en procédure de flagrance devant le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema pour viol, terrorisme, destruction méchante et incendie volontaire. Ils sont considérés comme les auteurs des événements qui ont eu lieu à la prison centrale de Makala la nuit du 1 au 2 septembre 2024.
ODN