Saga judiciaire Katumbi contre Beveraggi : ECOBANK RDC, victime ou bouc émissaire ? (Tribune)

Lundi 16 décembre 2024 - 16:17
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C’est une saga judiciaire digne d’un thriller à rebondissements, qui oppose depuis plus de 7 ans la société NB Mining Africa SA, filiale d’Octavia Limited de Pascal Beveraggi, à Astalia Ltd de Moïse Katumbi. Mais aujourd’hui, le drame se joue sur un nouveau terrain : celui de l’institution bancaire Ecobank RDC, cette banque panafricaine pionnière de l’inclusion financière dans le continent africain, condamnée par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe à payer des dommages et intérêts de 5,5 millions de dollars à NB Mining Africa SA, à la suite de la condamnation de deux de ses collaborateurs à une peine de prison de 3 mois, pour abus de confiance. Pourtant, derrière ce verdict, se cache une réalité beaucoup plus sombre !

Un Jugement Inique :  Quand la signature d’un courrier d’information devient constitutive de l’infraction d’abus de confiance

Le verdict du 1er octobre 2024 a frappé comme un coup de tonnerre, et a étonné plus d’un observateur en la matière ! Outre la condamnation financière sus évoquée, deux hauts-Cadres de la Banque, le Directeur Juridique et l’ancien Directeur des Opérations, écopent de trois mois de prison ferme pour abus de confiance, pour avoir simplement co-signé en date du 09 novembre 2020 un courrier adressé NB MINING AFRICA et l’informant de l’exécution, trois (3) jours plus tôt, de saisies opérées sur ses avoirs dans les livres d’Ecobank RDC et, ce, à la requête d’ASTALIA Ltd.

Quand on sait que ce type de courrier procède du devoir d’information que les Banques ont vis-à-vis de leurs clients, en leur tenant régulièrement informés de la situation de leurs comptes, l’on ne sait pas cerner le bien-fondé d’une telle condamnation, ceci d’autant plus que cette infraction requiert, pour être retenue, la combinaison des 3 conditions ci-après :

- L’existence d’un contrat entre le plaignant et la personne condamnée

- La remise, dans le cadre de ce contrat, d’un bien ou de valeurs à la personne condamnée par le plaignant

- La dilapidation par la personne condamnée des biens ou des valeurs lui remises par le plaignant.

Or, quand on y regarde d’un peu plus près, ces trois éléments ne sont nullement réunis, mieux n’existent pas du tout dans le Chef des deux hauts-cadres condamnés. D’où viendrait donc qu’ils ont été condamnés pour abus de confiance ? hormis la signature du courrier sus évoqué, quels sont les actes matériels dont ces deux préposés de la Banques ont été auteurs pour cette condamnation leur soit infligé ? Comment les juges ont-ils motivé la condamnation de ces Hauts-Cadres de la Banque ? La lecture du jugement du 1er octobre 2024 demeure malheureusement silencieuse quant à ces éléments et laissent ces questions sans réponse à ce jour !

Face à l’absence flagrante de responsabilité de la Banque, cette condamnation ne serait-elle pas qu’une passerelle pour faire établir la responsabilité civile de l’employeur ECOBANK RDC S.A. et de faire mains-basses sur ses actifs ?

De l’absence de responsabilité dans le Chef de la Banque en sa qualité de tiers-saisi : La Banque agi conformément à la loi !

Comme relevé plus haut et contrairement à ce qui a été relayée dans une certaine presse, notre analyse du dossier a pu relever que la banque, en sa qualité de tiers-saisi, a agi en exécution d’une décision de justice dite « exécutoire sur minute » rendue par le Tribunal de Commerce de Kinshasa/Gombe.

Conformément aux dispositions pertinentes du Droit OHADA en la matière, elle n’avait pas d’autre issue que de s’exécuter, faute de quoi elle se serait vu assignée et, à coup sûr, condamnée au paiement des causes de la saisie, soit la somme de USD 70.000.000 poursuivie par le créancier saisissant, la société ASTALIA LTD.

Des incohérences judiciaires.

Il convient de rappeler ici que la posture prise par ECOBANK RDC SA a même été confirmée par le Tribunal de Commerce de Kinshasa / Gombe, dans son ordonnance rendue en 2022 en annulation d’une action en saisie immobilière initiée par la NB MINING sur l’immeuble abritant le siège de Ecobank RDC S.A., en martelant sur le fait que cette dernière, ayant exécuté une décision de justice et n’ayant commis aucune faute, a agi conformément à la loi et ne peut nullement faire l’objet de quelques poursuites que ce soit !

Une année auparavant, en 2021, le Parquet Général de Kinshasa / Gombe avait été saisi d’une plainte pénale de NB MINING contre l’ancien Directeur Général de la Banque pour détournements de biens saisis et abus de confiance dans la même affaire. Après instruction du dossier et confrontation tenue entre le Président du Conseil d’Administration de NB MINING, M. BEVERAGGI et le Directeur Général de Ecobank RDC de l’époque, le Parquet a classé l’affaire sans suite pour « faits infractionnels inexistants ». Comment donc expliquer ce retournement de situation, marqué par la décision de condamnation du 1er octobre 2024 ?!

Un procès à connotation politique !

Ce jugement est le fruit d’une des sagas politico-judiciaires les plus vastes, opposant Pascal Beveraggi à Moïse Katumbi, deux figures majeures de l’économie et de la politique congolaises. Leur conflit remonte à 2015, lorsque Katumbi cède sa société MCK à Necotrans, qui nomme Beveraggi à sa tête. En 2017, à la suite de la faillite de Necotrans, Beveraggi rachète les actifs via Octavia Limited, ce que Katumbi conteste en alléguant des irrégularités. La saga prend une tournure explosive en 2019 avec le retour de Katumbi en RDC.

Bénéficiant d’un nouvel appui politique et judiciaire, il obtient un jugement à Kolwezi condamnant Octavia à lui verser 70 millions USD. Ce jugement s’accompagne de saisies musclées, incluant des actifs logés chez Ecobank RDC.

Ecobank RDC : Une Victime Collatérale

Malgré le fait d’avoir exécuté une décision de justice, Ecobank se retrouve au centre de ce conflit titanesque. Ce cas met en lumière les failles d’un système judiciaire où les dispositions pertinentes de la loi sont volontairement ignorées, exposant des tiers comme Ecobank à des sanctions injustes, et mettant en mal le climat des affaires, sans compter l’impact direct qu’il peut avoir sur le fiabilité du système bancaire congolais en particulier, et de l’économie nationale en général.

Les Questions qui Demeurent !

Comment Ecobank pourra-t-elle faire valoir ses droits et renverser cette condamnation ? Quel impact ce cas aura-t-il sur la confiance des investisseurs et des partenaires financiers en RDC ? La justice congolaise doit maintenant choisir : garantir l’équité ou risquer de perdre en crédibilité.

Tribune du journaliste Luigi Luba