RDC : Dr. Débora Kayembe appelle le président Tshisekedi à sauvegarder l’unité nationale face au procès de Kabila (Lettre ouverte)

Mardi 9 septembre 2025 - 11:56
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Lettre ouverte du Dr. Debora Kayembe au Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo

Concerne : Appel à la sauvegarde de l’unité nationale face au procès de l’ancien Chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange

Excellence Monsieur le Président de la République,

Avec un sens aigu de ma responsabilité civique et patriotique, je m’adresse à vous en ce moment si particulier de l’histoire de la RDC. Vous, Chef de l’État, garant de l’unité et de la cohésion nationale, pour intervenir et user de votre autorité afin d’épargner à notre pays ce qui pourrait le fragiliser.

En effet, le procès de l’ancien Chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, fait couler beaucoup d’encre et suscite de vifs débats au sein de l’opinion nationale et internationale. Ce procès, sans nul doute historique, mérite d’être conduit avec un sens aigu de justice, mais aussi avec une attention particulière aux équilibres sociaux et politiques qui assurent la stabilité de notre pays. Car, Excellence, au moment où la République démocratique du Congo lutte pour sa sécurité, son intégrité territoriale et son développement, nos ennemis observent attentivement, prêts à exploiter la moindre division interne pour affaiblir notre Nation.

Il ne s’agit pas ici de nier les souffrances endurées par le peuple Congolais durant les 18 années du régime de Joseph Kabila. Nombreux sont nos compatriotes qui ont connu l’exil, l’injustice, l’humiliation et la répression. Moi-même, je puis en témoigner : À l’âge de 29 ans, j’ai dû quitter précipitamment notre pays pour sauver ma vie et celle de certains membres de ma famille, fuyant la répression de Joseph Kabila et de Paul Kagamé après mes enquêtes sur des groupes armés impliqués dans l’Est de la RDC. Et, pendant 16 longues années d’exil au Royaume-Uni, où j’ai eu à fonder ma famille et eu deux merveilleux enfants — qui n’ont jamais vu leurs grands-parents, ni foulé le sol de leur terre d’origine. A l’étranger, j’ai vécu sous la constante douleur de l’éloignement et de la peur. J’ai affronté le racisme, l’humiliation et la discrimination, des fardeaux que j’ai portés chaque jour. Pourtant, dans cette lutte, j’ai trouvé la force de me battre pour atteindre la hiérarchie Britannique, jusqu’à devenir le 54ème Recteur de l’Université d’Édimbourg — une première pour une personne de couleur, ce qui a fait écho à travers le monde et pour laquelle vous-même, Excellence, avez eu la bienveillance de m’honorer. Ce parcours m’a propulsé au sein du corps scientifique de l’Université de Harvard aux Etats-Unis, la première au monde.

C’est donc avec une double légitimité, celle de témoin direct des blessures infligées sous l’ancien régime et celle de citoyenne engagée pour un Congo meilleur que je vous écris aujourd’hui.

Excellence Monsieur le Président, Joseph Kabila Kabange, malgré les zones d’ombre de son pouvoir, reste le quatrième Président de notre pays. Il a dirigé le pays pendant 18 ans et a surtout marqué l’histoire par une passation pacifique du pouvoir en 2019, la première de notre cher Congo. Ce geste, qui a permis à notre peuple de connaître l’alternance démocratique, a contribué à améliorer l’image de la RDC dans le monde et a consolidé notre statut de jeune démocratie en construction. Vous êtes, vous-même, le fruit et l’héritier de cette alternance historique.

Dans ce contexte, Excellence, une condamnation à mort de l’ancien Chef de l’État ne saurait en rien servir les intérêts supérieurs de la Nation. Bien au contraire, elle risquerait de déchirer davantage le tissu social, de fragiliser la cohésion nationale et de ternir l’image de notre pays sur la scène internationale. La justice doit certes s’exercer avec rigueur et impartialité, mais elle ne doit pas être instrumentalisée au point de devenir une menace pour l’unité. Une justice qui divise est une justice qui blesse la Nation.

Le Congo a besoin aujourd’hui de vérité et de justice, mais aussi et surtout de réconciliation. Nos enfants méritent d’hériter d’un pays qui panse ses plaies, qui apprend de son passé et qui construit son avenir dans la paix. Une solution respectueuse de la dignité humaine, qui recherche la vérité sans basculer dans la vengeance, serait un signal fort au peuple congolais comme au monde entier. Elle montrerait que notre démocratie est assez mûre pour affronter ses blessures sans se déchirer.

Excellence Monsieur le Président, cette lettre n’est pas un plaidoyer pour l’impunité, mais un appel à la sagesse et à la responsabilité. Elle est l’expression de ma vision du Congo : un Congo uni, fort, où la justice se déploie dans la vérité, mais toujours au service de la paix et de l’unité nationale.

En espérant que cet appel trouvera un écho auprès de vous, je vous prie d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.

Dr. Debora Kayembe Buba

 

AfroPari Août 2025