Doha : un accord en 8 points, entre espoir fragile et réalités du terrain (Tribune de Wally-W Nkuy)

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De NKUY KIMBUNGU Wally-W, chercheur en sciences politiques

Le 15 novembre 2025, le gouvernement congolais et le M23 ont signé à Doha un cadre d’accord en huit points, présenté par les médiateurs qataris comme un “tournant décisif” dans la quête de la paix à l’Est. Ce cadre qui n’est pas encore un accord de paix final repose sur les engagements ci-dessous :

1. Échange de prisonniers sous supervision internationale

2. Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu

3. Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées

4. Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés

5. Mesures de confiance (libérations, communication, fin de la propagande haineuse)

6. Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global

7. Implication de la MONUSCO, de l’Union africaine et de la CIRGL

8. Reconnaissance formelle du rôle des médiateurs internationaux (Qatar, États-Unis, UA, etc.)

Une architecture fragile mais pragmatique

Pris ensemble, ces huit points constituent une architecture politique minimaliste, mais peut-être la seule encore possible après plus de dix ans d’impasses, de cycles de violence et de méfiance.

Les forces de l’accord

D’abord, le texte marque un retour au dialogue direct, longtemps refusé. Le mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu est probablement l’innovation la plus forte : pour la première fois, Kinshasa et le M23 acceptent de s’asseoir face à face pour vérifier les incidents. Cela réduit les zones grises et peut freiner l’engrenage des accusations mutuelles.

Ensuite, la présence active du Qatar, des États-Unis et des organisations régionales donne à l’accord une notoriété politique et une forme de garantie morale. Aucun acteur ne pourra prétendre n’avoir “pas compris” les engagements.

Enfin, la feuille de route vers un accord final évite l’erreur des processus de Kampala ou de Nairobi : on passe de déclarations générales à un chronogramme concret, même s’il reste secret.

Les faiblesses et elles sont lourdes

Le premier problème est une ambiguïté volontaire : l’accord ne règle ni le statut politique du M23, ni la question centrale de l’appui rwandais. On met la poussière sous le tapis dans l’espoir que la dynamique politique la fasse disparaître. Elle ne disparaîtra pas.

Deuxième faiblesse : le retour de l’autorité de l’État est annoncé, mais sans mécanisme clair de désengagement militaire, ni calendrier contraignant. Le M23 peut “coopérer” sans jamais réellement se retirer.

Troisième fragilité : les mesures de confiance ne sont que des déclarations d’intention. Or, la confiance entre Kinshasa et le M23 est proche de zéro. Sans actions rapides libérations, ouverture des couloirs humanitaires, arrêt des provocations le texte deviendra un papier supplémentaire dans la longue bibliothèque des processus avortés.

Enfin, la participation internationale est utile, mais elle risque aussi de créer une dépendance diplomatique : si Washington ou Doha perdent intérêt, tout s’effondre.

Alors, que faire ?

Le salut de cet accord passera par un acte politique fort et immédiat, qui doit provenir des deux parties :

Le gouvernement doit engager une opération pilote de retour administratif dans une zone précise, choisie conjointement — même réduite — pour prouver que la restauration de l’autorité de l’État est possible sans confrontation.

Le M23, lui, doit libérer un premier groupe de prisonniers dans les 30 jours, démontrant qu’il ne joue pas le texte contre le terrain.
Sans gestes tangibles, Doha 2025 restera un accord de plus. Avec des actes rapides, il pourrait devenir la première pierre d’une architecture de paix qui, enfin, ne s’effrite pas avant même d’être construite.

 

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