Alors que Nande et Hutu s’affrontent, la question se pose : Quid de Hutu congolais ?

Mardi 12 avril 2016 - 12:48
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Image retirée.7SUR7.CD, plus Grand site d'infos en RDC donne la parole à un des plus experts congolais de la crise dans la région des Grands -Lacs dont l'un des épicentres se trouve dans l'ancien grand Kivu ou les tensions ethniques sont récurrentes. Aujourd'hui, une nouvelle crise ethnique menace d'embrasser le Nord Kivu. C'est l'occasion de nous pencher sur communauté plus discrète, que les tutsi,  mais faisant aussi partie entièrement de la RDC: les Hutus. Qui sont-ils vraiment? Voici l'éclairage de Belhar Mbuyi, un expert de la question. Ci-dessous sa tribune.

Alors que Nande et Hutu s’affrontent, la question se pose

Quid de Hutu congolais ?

 

Depuis plusieurs moi, le Nord-Kivu, épicentre des conflits ethniques et base de nombreuses guerres ayant ensanglanté la RDC depuis plus de deux décennies, s’est remis à brûler. Avec une ferveur implacable. Tout a commencé, en novembre 2015,  avec le massacre de Buleusa, jusque-là paisible cité au nord du territoire de  Walikale, dans le groupement d’Ikobo, lorsque des Nande ont attaqué les Hutu, tuant  plusieurs d’entre eux et incendiant leurs maisons, poussant les rescapés à fuir à Miriki, se réfugier dans un camp des déplacés. Le nombre de victimes Hutu n’est pas connu à ce jour, mais des sources parlent de plus d’une centaine de personnes tuées. C’est à Miriki que, en janvier 2016, 18 personnes Nande seront tuées. Des sources ont accusé les FDLR, qui ont fermement démenti. Pour de nombreux Nande, ces miliciens rwandais  auraient voulu venger leurs cousins Hutu congolais. Cette région est écumée par des milices étrangères : autant il y a des FDLR, Hutu rwandais, autant il y a aussi les ADF-NALU, Nande ougandais connus pour leurs nombreux massacres en territoire de Beni. Certains leaders politiques en ont profité pour souffler du souffre sur les flammes afin d’en décupler l’intensité. Dans la société congolaise où les discours de rue règnent en maître, comme sur la toile, désormais en ébullition, la question, lancinante, revient : mais, avant toute chose,  existe-t-il des Hutu, voire – ceux qui vont avec – des Tutsi congolais d’origine ?

 

Ceci est une réflexion d’un observateur neutre et impartial, un journaliste qui a passé de nombreuses années à enquêter sur les conflits de l’Est, aussi bien auprès de citoyens lambda, des acteurs et témoins de l’histoire, qu’en Belgique, ancienne colonisatrice du Congo,  afin de mieux cerner les conflits de l’Est du pays et dans les pays de la région, et de proposer des solutions aux problèmes qui déchirent le tissu social.

 

Postulat mathématique

Dans les conflits du Kivu, la tendance est souvent très forte de remettre en cause la nationalité de l’adversaire, si par malchance ce dernier est locuteur du Kinyarwanda. Certes que, dans leur dernière réaction, les dirigeants de Kyaghanda, la mutuelle Nande, ont insisté sur le fait qu’ils n’ont jamais renié l’existence des Hutu congolais, mais il n’en reste pas moins vrai que nombreux autres congolais pensent le contraire.

 

Le discours de reniement des Hutu et Tutsi en tant que composantes de la nation congolaise n’est pas le fait des Congolais originaires de provinces lointaines du centre et de l’Ouest, longtemps abusés par un discours d’exclusion venus des collines orientales du pays, mais il a ses racines chez des personnes en apparence respectables. Le cas, pour citer des exemples parmi les plus récents, de Mukumbulhe Kahindo, qui se présente comme «Chef de corps du Collège des Bami (chefs coutumiers) Nande », et qui, dans une lettre adressée le 20 novembre 2016 au ministre de la Décentralisation, avec ampliation à tout ce que le pays compte comme autorités, dénie aux Hutu la citoyenneté congolaise et exige le rattachement de leurs entités aux chefferies Nande. Mais ce genre d’affirmations sont aussi le fait d’intellectuels, à l’instar de mon ami Léonard Kambere Muhindo, qui a publié deux livres sur le sujet («Après les Banyamulenge,  Voici les Banyabwisha aux Kivu. La Carte Ethnique du Congo Belge en 1959», Editions YIRA, Kinshasa, et «Regard sur les Conflits des Nationalités au Congo ; Cas des Hutu, Tutsi (Banyamulenge)», 1ère Partie, Aspect Juridique, Ed. YIRA, Kinshasa, 1998).

 

Mille fois ressassée, à la télé comme dans les rues, sur les sites d’information ou ceux des débats en ligne, cette rhétorique est désormais posée comme un postulat mathématique n’ayant nul besoin de démonstration. «Il n’existe ni Hutu, ni Tutsi congolais», répètent en chœur de nombreux congolais sur la toile, au risque de faire exploser les réseaux sociaux. Mais qu’en est-il au juste ? D’abord, en fonction de leur histoire, il existe deux catégories de Hutu en RDC : les autochtones du Rutshuru et les descendants des «transplantés» de Masisi.

 

  1. LES AUTOCHTONES DE RUTSHURU

 

D’entrée de jeu, il importe de souligner que les frontières orientales du Congo ont été définies, non pas en 1885 comme certains le disent, mais plutôt par la convention du 14 mai 1910, convention finalement entrée en vigueur à partir du 14 juin 1911. Il faut signaler que les explorateurs européens sont arrivés assez tardivement dans cette région du Kivu. La moindre des choses, c’est de leur poser la question de savoir qui ils ont trouvé sur place dans les territoires qu’ils visitaient, et leurs témoignages écrits vont nous édifier.

 

Evidences

Première évidence : de la même façon que la province du Kongo central actuel faisait partie de l’ancien royaume Kongo, aujourd’hui découpé entre l’Angola, la RDC et le Congo-Brazzaville, l’ancien Rwanda vit son territoire divisé entre le Congo belge (Rutshuru, Nyiragongo, Goma), la colonie britannique de l’Ouganda (Bufumbira, dans l’actuel district de Kigezi), et le protectorat allemand du Rwanda (le Rwanda actuel). Pour preuve, de nombreux témoignages attestent du fait que les chefs locaux de cette partie du Congo (pas seulement les Banyarwanda, mais jusqu’à certains chefs Hunde) payaient tribut au roi du Rwanda. Citant DUBUISSON (DUBUISSON, J., 1935 : 62-64), le Pr Joseph Nzabandora signale que, «en 1911, date de la matérialisation au Nord-Kivu des frontières du Congo avec le Rwanda et l’Ouganda conformément aux accords tripartites (Allemagne, Angleterre, Belgique) de Bruxelles du 10 mai 1910, les missionnaires catholiques de Rugari furent encore témoins des caravanes qui acheminaient les tributs au Rwanda. Ces tributs étaient constitués de produits fort variés, y compris les vivres divers, les masses et le minerai de fer, les houes neuves et usées, les lances, les couteaux, les bracelets en fibres végétales de raphia (amatega ou ibikaka), du miel, les pointes d’ivoire, le petit et le gros bétail, les peaux d’animaux sauvages symboliquement chargés, etc.. Ils étaient acheminés à Nyanza (Butare) au Rwanda via le Bufumbira (Sud-Ouest de l’Ouganda) où se trouvait le régisseur du Roi». Ce fait est rapporté également par E. Hubert, qui a travaillé dans les années 30 et 40 pour le Parc National de Virunga. Il écrit, à cet effet, que le paiement du tribut était étendu aux communautés claniques hunde situées à l’Ouest du Bwisha, c’est-à-dire à l’Ouest de la région des Volcans et au Sud du lac Edouard. En effet, les informations recueillies en juin 1937 auprès du chef coutumier Komakoma, « né vers 1890 et descendant des anciens chefs Wahunde », démontraient que « les populations qui occupaient la plaine au Sud du lac Edouard et la vallée supérieure de la Rwindi lors de la création du Parc National Albert devaient tribut au Roi du Rwanda jusqu’à la guerre mondiale de 1914 » (HUBERT, E., «La faune des grands mammifères de la plaine de la Rwindi-Rutshuru                              (lac Edouard). Son évolution depuis sa protection totale, Exploration                              du Parc National Albert», Institut des Parcs Nationaux du Congo Belge,                              Bruxelles, 1947.).

 

Rien à rougir

Il n’y a pas à rougir là-dessus du moment que le génie diplomatique de Léopold II a fait gagner des territoires à notre pays. Bien plus, ceci ne donne aucun droit à l’actuelle République du Rwanda sur aucune partie du territoire congolais, conformément au principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation adopté par l’Union africaine lors des indépendances des pays africains. Cependant,  gagner des territoires, implique avoir gagné également les populations qui vivent dessus. D’autant que les Nande, sous groupe du peuple Bayira, sont eux-mêmes originaires de l’Ouganda actuelle, pays où se trouve une partie des membres de leur ethnie, les Bakonjo, dans les districts de Kasese kabarole et Bundibugyo. De nombreux de leurs frères sont connus en Ouganda : c’est le cas du ministre de la Défense  Crispus Walter Kiyonga ; de l’ancien chef d’état-major de l’Ugandan People’s Defense Forces (UPDF, l’armée ougandaise), le général James Kazini ; des députés Joseph Matte Sibalinghana, Jams Mbahimba et Yokasi Bwambale Bihande ; ou du talentueux artiste David Bwambale.

 

Deuxième évidence : l’identité des populations trouvées sur place ne laisse place à aucun doute. Le Père SMULDERS, Supérieur de la Mission Tongres Sainte Marie de Rugari, a témoigné en 1911 à propos du groupement de Rugari, un des sept groupements actuels du territoire de Rutshuru : «Les populations renferment des Watutsi et des Wahutu. Les Watutsi, c’est-à-dire les Nobles, sont en minorité et ne jouent pas le grand rôle politique qu’ils jouent au Rwanda. Ils sont pasteurs et possesseurs de bétail. J’en connais deux qui possèdent de 100 à 150 têtes de gros bétail (…). Les Wahutu possèdent eux aussi quelques vaches qu’ils font mener aux pâturages par les Watutsi. Ils ne sont nullement esclaves de ces derniers et ne leur payent pas de tribut. Ils se contentent de leur fournir des vivres en échange de lait et de beurre car le Mututsi ne cultive pas». Il témoignait également pour le groupement de Gisigari : «Le Kisigale où nous avons fixé notre résidence est situé dans la région des volcans qui la bordent aux Nord-Est et au Sud-Est. Il touche le Lutari (plaine de lave) et atteint le Kibumba au Sud-Ouest. Politiquement le pays est gouverné par Lulenga qui lui-même n’est qu’un sous-chef de Ntamohanga, Chef médaillé de l’Etat habitant au Nord-Est. Le pays est très beau à cause des cultures qui couvrent toutes les collines. Au Nord comme à l’Est et à l’Ouest, les terres cultivées s’étendent jusqu’à la lave, pas un seul pouce de terrain qui ne se réclame de son propriétaire. Les environs de Mikeno (volcan éteint) servent de pâturages aux troupeaux». (SMULDERS, «Rapport sur la fondation de la station missionnaire Tongres Sainte Marie au Kivu adressé à sa Grandeur Mgr. ROELENS, Vicaire Apostolique du Haut-Congo. Copie transmise au D.G. E. KERVYN par le Père O. ULRIX par la lettre datée d’Anvers le 20 novembre 1911». Dossier M.601 : Missions Religieuses. Archives Africaines de Bruxelles. Ministère des Affaires Etrangères du Royaume  de Belgique.). Le Lieutenant A. SPILTOIR, Chef du Secteur de Rutshuru, a détaillé la caractéristique fondamentale identitaire des habitants du Bwisha en janvier 1908 en écrivant ce qui suit : «Dans une étude sur les mœurs des Bahutu (rapport d’août 1907), je disais que le territoire se divise, au point de vue politique, en chefferies, sous-chefferies, etc. Ce renseignement était exact mais le principal y manquait. Le pays se divise en réalité en « clans » (mulyango en indigène) et cette division est la seule importante. Un clan peut constituer une grande chefferie. Il peut aussi y avoir plusieurs clans dans une chefferie. Cette division en clans est la seule à considérer pour les différents points de vue, et c’est celle, et la seule, dont on devrait tenir compte dans la délimitation des terres indigènes comme dans les impositions, car les indigènes ayant de tous temps été groupés ainsi, ce serait porter une grande atteinte à leurs coutumes en agissant autrement. Dans le rapport précédent je disais que tous les biens appartiennent au Chef. C’est une erreur. En réalité les biens appartiennent à tout le clan » (SPILTOIR, A. «Enquête sur les coutumes en exécution du décret du 3 juin 1906 : Territoire de la Ruzizi-Kivu, Zone de Rutshuru – Beni, Secteur de Rutshuru, Race Muhutu, le 10 janvier 1908». Dossier A.I. (1370). Archives Africaines de Bruxelles. Ministère des Affaires Etrangères du Royaume de Belgique).

 

Population dense

Après trois ans d’enquête (1904-1906) sur les mœurs des habitants des groupements Busanza et Jomba, situés plus au nord dans la région des volcans, le Lieutenant G.VERVLOET écrivait : « … la population (…) est beaucoup plus dense chez les Bahutu entourant immédiatement les volcans. Alors que ces derniers subissent plus directement l’influence (politique) des Watuzi, ils sont groupés en assez gros villages. Les champs s’étendent fort loin sur les flancs des montagnes (…). Les haricots, les petits pois et le ricin sont remisés dans de gros paniers cylindriques de 1m50 de hauteur sur 70 à 80 cm de large, le sorgho et l’éleusine non décortiqués stockés dans des greniers plus larges et enfin des patates douces (VERVLOET, G., « Aux sources du Nil. Dans la région des volcans, du Lac Albert-Edouard et du Ruwenzori. Zone de la  Rutshuru-Beni, Congo Belge », in Bulletin de la Société Royale Belge de Géographie, vol. 34, n°4, 1910, pp. 119).

 

Peu après, le Commandant BASTIAN, premier Commissaire du Territoire de la Rusizi-Kivu, faisait un plaidoyer pour que la Belgique fasse tout son possible pour garder cette zone qui risquait d’aller, non pas au Rwanda comme bien de gens le disent par ignorance, mais à l’Ouganda dont elle est voisine. Il témoignait ainsi le 23 avril 1911 que «cette région est très peuplée d’anciens sujets du sultan du Rwanda et à leur tête se trouve le Chef Tchicilongo. Le bétail est dans cette région très abondant et soigné par les Watuzi, tandis que les Wahutu dépendant de ceux-ci se livrent à une agriculture intensive sur les flancs et à la base des montagnes. En somme, un pays très riche et qu’il me paraît avantageux de chercher à conserver» (Commandant BASTIAN, «Lettre à Monsieur le Ministre des Colonies datée de Mtoto ya Mongo le 23 avril 1911. Dossier AE 346 (281) : Règlement des frontières avec le Royaume-Uni». Archives Africaines de Bruxelles. Ministère des Affaires Etrangères du Royaume de Belgique).

 

Autochtones sans conteste

Il est clair que les Hutu et Tutsi sont bel et bien les autochtones du Bwisha, en territoire de Rutshuru. Tous les témoignages ci-dessus décrivent bel et bien un peuple autochtone, avec son organisation sociale bien intégrée avec des clans comprenant aussi bien des Hutu, des Tutsi que des Twa (comme cela était, du reste, le cas dans tout le Rwanda précolonial), son procès de production et sa complémentarité économiques, ses différents chefs certains Hutu et d’autres Tutsi etc. A l’issue de la réforme territoriale de 1920, toutes les chefferies traditionnelles citées ci-haut furent réunies dans la grande chefferie du Bwisha sous la houlette du Mwami Daniel NDEZE RUGABO II, un Hutu qui gouverna tous ses sujets dans l’unité et la fraternité jusqu’à sa mort en 1980. Cette grande chefferie est toujours dirigée à ce jour par ses descendants directs.

Cela étant, et bien que cela soit sans importance pour attester de leur autochtonie, on peut, néanmoins, juste pour raison de culture générale, poser la question de savoir si, avant leur installation dans cette région, leurs ancêtres venaient du Rwanda. Ici encore, la vérité historique va en surprendre plus d’un. En effet, ce sont plutôt des Rwandais, ceux de la région Nord-Ouest, à Muti, qui étaient originaires de l’actuel Rutshuru. Pole Institute nous apprend ainsi que «le lignage formé par les Bakora localise son origine à Gikore dans la région de Ndorwa située à la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda, au Nord-Est des volcans Virunga. Quelques familles de ce lignage émigrèrent de Gikore à Bwito dans le Rusthuru, donc au Nord-Kivu. De là elles peuplèrent ensuite les localités situées au Nord-Ouest  du Rwanda sur les rives septentrionales du lac Kivu : Muti près du cratère de Bunyogwe, Lumbati et Kanama» (Pole Institute, Reegards croisés n°12, «les identités meurtrières, faire face aux défis posés par nos murs psychologiques et idéologiques», Goma, 2004). Mais ce sont les témoignages plus anciens de l’un des meilleur connaisseurs de la région qui le confirme : les membres de ce lignage « dispersés à travers la région des volcans avaient, eux aussi, pris l’habitude de se réunir annuellement, à un jour fixé d’avance, à Muti. On se cotisait pour l’achat de cinq ou six chèvres dont l’une était offerte en sacrifice aux ancêtres du clan sur le lieu de rassemblement. Les autres étaient conduites à Bwito au Congo belge et étaient égorgées dans le village des Balihira d’où étaient partis ceux qui vinrent s’installer au Bugoyi dans le Nord-Ouest du Rwanda » (PAGES, A., «Un royaume hamite au centre de l’Afrique», Institut Royal Colonial Belge ( I.R.C.B.), Bruxelles, 1933. P. 668). Donc, des rwandais viennent adorer le lieu de départ de leurs ancêtres au Congo. Donc, des Rwandais tirent leur origine historique au Congo et non l’inverse !

 

  1. LES TRANSPLANTES DE MASISI

 

Déjà, avant la colonisation, les guerres de conquête du souverain rwandais Rabugiri avaient laissé des grappes de ses sujets sur le territoire de Masisi. Un des premiers explorateurs de la région, le Dr Richard KANDT, explorateur allemand qui avait visité ce lieu en 1899, écrit ce qui suit : «Ici, plusieurs Watussi nous rendirent visite, ce sont des hommes aimables et simples mais pas aussi beaux ni aussi élégants que ceux de l’Urundi et du Rwanda, cela pare qu’ils doivent travailler. En effet, ici, ils ne sont pas les souverains du pays, mais vivent dans des villages isolés comme éleveurs de bovins à côté des premiers habitants qui sont cultivateurs. (…) A l’Est, le Watussi vivent en grand nombre en tant que rois et seigneurs (…). A l’ouest, ils vivent isolés ou en plus grand nombre, comme à Kischari, mais de toute manière, pas comme des souverains» (KANDT, R., «Kaput Nil», T1, Berlin, 1921, p. 199).

 

Statut de citoyens congolais

Ensuite, dans le but de mettre en valeur le fertile territoire de Masisi d’une part, et de décongestionner le Rwanda surpeuplé d’autre part, l’autorité coloniale belge décida le transfert des populations rwandaises vers le Congo. C’est dans ce cadre que fut crée la Mission d’Immigration Banyarwanda (MIB) en 1934 (Congo Fraternité et Paix, «Le Manifeste de la paix en RD Congo», Kinshasa, 2002).

 

En 1938, le pouvoir colonial mit en place la commission n°128/T.F.R.1 du 02 novembre qui désigna M. Etienne Declerk, substitut du Procureur du Roi près le Tribunal de première instance à Bukavu, en qualité de Délégué chargé de négocier un ACTE DE CESSION, au profit de la Colonie, des droits que les autorités coutumières Bahunde possédait sur un terrain de 349,1 km2. M. Declerk servit comme avocat des chefs Bahunde. Les négociations aboutirent en 1939, et le 13 novembre de cette année-là, fut signé « l’Acte de cession des droits indigènes » entre la colonie représentée par M. Amédée Van Cleemput, Assistant de l’Administrateur de territoire de Masisi, et les autorités coutumières Bahunde représentées par M.Declerk et le Grand chef Bahunde, M.André Kalinda. Le prix du territoire ainsi cédé était de 35.000 F de l’époque (Kabuya Lumuna Sando, « Conflits à l’Est du Zaïre », Kinshasa, 1997, P.P 80-81).

De 1930 à 1954,la Belgique transféra dans le Masisi des milliers de Banyarwanda Hutu majoritairement, mais aussi Tutsi, qui, aujourd’hui, représentent plus de 80 % de la population de ce territoire. En procédant à ce transfert, la Belgique, tutelle coloniale du Congo belge et du Rwanda-Urundi, accordait  aux nouveaux arrivés le statut de citoyens du Congo-Belge. Malgré plusieurs tumultes, la RDC a reconnu leur nationalité congolaise, conformément au Droit de la nationalité lorsqu’il y a succession d’états. Cette réalité a été observée plusieurs fois à travers l’histoire. A titre d’exemple : le million et demi d’Indiens sud-africains sont les descendants de «travailleurs sous contrat» indiens amenés de l’Inde par le pouvoir colonial britannique dans une autre colonie britannique, l’Afrique du Sud. Aucun sud-africain mentalement équilibré n’oserait jamais remettre en cause leur appartenance à la nation Arc-en-ciel.

 

Belhar MBUYI

Journaliste indépendant