Article 70 : nouveau test de confiance pour la Cour Constitutionnelle

Mercredi 20 avril 2016 - 10:38

Après avoir suscité le doute dans les esprits quant à son indépendance et à sa crédibilité dans le dossier de nouvelles provinces, en autorisant le gouvernement à confier leur gestion aux Commissaires spéciaux, en violation de la Constitution, la Cour Constitutionnelle se trouve devant un nouveau test de confiance. Il s’agit de son avis, très attendu, sur les articles 70, 103 et 105 de la Constitution.

Dans le lot, c’est l’article 70 qui fait débat dans l’opinion, en raison de son impact sur la fin de mandat du président de la République. On rappelle que cette disposition constitutionnelle stipule que « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

Cette juridiction est appelée à départager l’opinion nationale au sein de laquelle s’affrontent deux thèses. Il y a d’une part la Majorité présidentielle qui soutient que le mandat de l’actuel Chef de l’Etat court jusqu’à ce qu’il procède à la passation des pouvoirs avec son successeur à sortir des urnes ; et d’autre part, l’Opposition
radicale qui estime qu’il y ait élection ou pas, investiture ou pas d’un nouveau Président de la République, le mandat du Chef de l’Etat actuellement en fonction prendra fin le 20 décembre 2016 et qu’au-delà, il y a vacance du pouvoir au sommet de l’Etat.

L’avis de la Cour Constitutionnelle est fiévreusement attendu par des millions de Congolaises et Congolais désireux de savoir si le Président de la République en place peut ou non s’offrir une prolongation de mandat, pour une période qui ne pourrait prendre fin qu’à l’investiture d’un nouveau Président de la République élu.

Pour n’avoir pas été convaincante dans le dossier de nouvelles provinces et donné l’impression de s’être alignée sur la position de la Majorité Présidentielle, qui tenait absolument à découper le pays en provincettes et à retarder le processus électoral, la Cour Constitutionnelle a déçu aussi bien une bonne frange de la classe politique que la rue. Des critiques violentes avaient été, à cet effet, dirigées contre ses membres, parmi lesquels se recrutent pourtant d’éminents intellectuels, dont des spécialistes du droit faisant autorité au pays. La rumeur avait même fait état du malaise qui s’était installé en son sein, à la suite de la bouderie enregistrée chez certains d’entre eux, qui ne partageaient pas la politisation de leur institution.

Le sentiment de beaucoup, après le feuilleton de Commissaires Spéciaux, était que cette juridiction avait perdu une large part de sa crédibilité, pour avoir énervé, dans son avis, la Constitution. En principe, une belle occasion est offerte à la Cour Constitutionnelle, face au dossier de l’interprétation de l’article 70 de la Constitution, pour se repositionner comme la gardienne de cette loi fondamentale.

Dans l’hypothèse où elle viendrait à manquer ce nouveau rendez-vous
avec l’histoire, en sortant une fois de plus un avis controversé, les
Congolais ne sauraient plus à quel saint se vouer pour lire
correctement le contenu de leur Constitution. Plus grave, la confusion
pourrait s’installer dans les états-majors politiques, les foyers, les
milieux universitaires et même dans la rue, où les décisions de cette
juridiction intéressent jusqu’aux « Shegués ». Ce qu’il faut craindre,
dans le cas d’une grave crise de confiance entre la Cour
Constitutionnelle et la majorité silencieuse, c’est la
disqualification totale de la boussole qui devrait montrer la
direction la plus fiable de la démocratie au grand nombre.
Kimp