Bernadette Tokwaulu dit non au Dialogue qui cautionne la dictature

Vendredi 12 février 2016 - 12:35
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Dans une lettre ouverte à ses compatriotes

Bernadette Tokwaulu Aena qui n’est plus à présenter s’illustre par une nouvelle lettre ouverte. L’ex personnalité de la Majorité présidentielle passée dans l’autre camp pour bien réclamer le respect de la Constitution et l’alternance politique dit cette fois-ci ce qu’elle pense du dialogue.

Ce forum ne doit en aucun cas cautionner la dictature. Pour elle, il n’est pas question de donner une quelconque occasion à un glissement du second mandat du Président Joseph Kabila qui prend fin le 26 décembre 2016.

C’est avec force qu’elle maintient cette prise de position en dépit des menaces dont elle dit faire l’objet. Voici l’intégralité de cette lettre.

Lorsque j’étais adolescente, une de mes grand-mères dont les parents étaient arabisés, donc musulmans, m’a raconté l’histoire de Nûnû : « Nûnû vivait dans un village à proximité d’une rivière qui rendait fou si on buvait de son eau.

De nombreux villageois avaient décidé de boire cette eau et ils étaient devenus fous. Seul un petit groupe auxquels appartenait Nûnû n’avait pas bu. Mais dans un village, lorsque la majorité des gens sont fous, ceux qui ne le sont pas ont l’air fou.

A la fin, tout le monde avait bu l’eau qui rend fou pour être tranquille, sauf Nûnû qui, sain d’esprit, avait l’air d’être le seul fou du village ».

C’est le dilemme que nous impose le Président Joseph KABILA. La Démocratie suppose l’alternance à la tête de l’Etat par le biais de l’élection présidentielle.

La Constitution prévoit une limitation de mandat à 10 ans, donc le Président KABILA ne peut plus être candidat à l’élection 2016.

Rien ne s’oppose à la tenue de l’élection présidentielle comme en 2006 et en 2011, mais on invite la classe politique au DIALOGUE pour résoudre des problèmes qui n’existent pas, mais auxquels on nous invite à croire.

On invite au DIALOGUE pour boire l’eau de la rivière de Nûnû, maintenir le Président KABILA au pouvoir en dehors de la Constitution par le glissement peut-être ad vitam eternam et se partager le pouvoir entre les plus vindicatifs sans passer par le vote du peuple.

La dignité humaine invite à regarder la vérité en face et à assumer ses responsabilités.
La vérité, c’est qu’après avoir promu la démocratie en faisant adopter la Constitution par référendum, organisé deux élections et géré les Institutions pendant ses deux quinquennats constitutionnels, le Président KABILA semble ne plus vouloir quitter le pouvoir.

Les enjeux sont cruciaux pour notre jeune démocratie. Après plus de 50 ans d’indépendance, l’Afrique reste sous développée par manque de démocratie.

Quelle que soit la volonté bonne ou mauvaise des dirigeants, seule la démocratie permet la gestion de la chose publique dans l’intérêt de l’Etat, la responsabilité, le contrôle et la sanction. Seule la démocratie, l’alternance au sommet de l’Etat permettent la Paix, la Sécurité, le Développement, l’Emploi, les Droits humains.

Maintenir le Président KABILA au pouvoir, quels que soient la méthodologie et les justificatifs, c’est tuer la démocratie, donc le pays.

On répondra que le Président Joseph KABILA est un bâtisseur. On rétorquera, le Maréchal MOBUTU l’était aussi : Congo Airways remplace Air Zaïre, aux barrages d’Inga toutes proportions gardées répond le barrage de Zongo, à l’immeuble Intelligent de Royal répondent les immeubles de la RTNC et de CCIZ, etc…
Sans démocratie, il n’y a pas de bonne gouvernance et les mêmes causes produiront les mêmes effets. Et l’histoire va se répéter.

Au lieu d’organiser les élections, le pouvoir organise l’impasse institutionnelle.
En 2007, le budget du Vice-président Jean Pierre BEMBA était de USD 800 millions. La CENI a appelé à l’enrôlement des électeurs et organisé les élections dans les délais ; la tension était à son comble entre les éléments armés du Vice-président Jean Pierre BEMBA et la garde présidentielle.

Ils se sont même affrontés avant et après le scrutin. Le Président KABILA n’a pas appelé au dialogue pour autant et il a géré le pays à sa guise pendant 5 ans.

En 2011, le budget du premier ministre Adolphe MUZITO était de USD 3 milliards. La CENI a appelé à l’enrôlement des électeurs et a organisé les élections dans les délais.

A l’issue du scrutin, Monsieur Etienne TSHISEKEDI, Président de l’UDPS, se déclara vainqueur et prêta serment dans sa maison. Le Président KABILA n’a pas appelé au dialogue pour autant et a géré sans encombre le pays pendant 5 ans.

Le budget actuel du premier ministre MATATA PONYO est de USD 6 milliards. Il n’y a aucune tension entre d’éventuels ou de potentiels candidats à l’élection présidentielle. La CENI n’appelle pas à l’enrôlement et il semble qu’il n’y a pas de budget pour les élections.

Doit-on boire l’eau de Nûnû pour faire semblant de croire que le gouvernement n’a pas les moyens de permettre à la CENI de faire son travail comme en 2006 et 2011 ?

Le Président KABILA appelle au dialogue pour résoudre quelle tension ? Entre quels belligérants ?
Le Président Joseph KABILA est le garant des Institutions. Il a prêté serment sur cette Constitution qu’il doit respecter. Il doit donc permettre au peuple congolais d’élire un nouveau président de la République dans les délais constitutionnels.

Disons NON au DIALOGUE qui est un alibi et une caution pour les fossoyeurs de la DEMOCRATIE.
Ce dialogue a pour finalité de permettre au Président Joseph KABILA d’opérer un glissement de son mandat au mépris de la Constitution.

Il importe pour l’histoire de notre démocratie qui risque de mourir dans l’œuf que le Président Joseph KABILA, s’il souhaite comme César franchir le « Rubicon » et installer sa dictature, qu’il assume, à son tour, son destin de quatrième « homme fort » qu’aura connu notre pays après LUMUMBA, MOBUTU, Laurent Désiré KABILA.

Disons NON également aux manifestations des rues qui entraineraient répressions violentes et mortelles et fourniraient un alibi pour déclarer un Etat d’urgence.

Chers compatriotes,

Après décembre 2016, il sera temps face à une dictature illégitime pour chaque citoyen de décider en âme et conscience de : se soumettre face à la force et la violence que constitue l’instrumentalisation des Instances Judiciaires, de l’armée et de la police au service d’un homme fort ou de s’y opposer conformément à l’art 64 de la constitution.

On a le droit d’avoir peur ou d’être courageux, mais restons sain d’esprit, ne buvons pas l’eau de la rivière de Nûnû. NON au dialogue. NON à la dictature.

Le destin de la RDC, c’est que conformément à la Constitution, les Présidents élus vont se succéder au point qu’on demandera aux élèves qui était le 15ème président de la RDC, ils ne sauront pas répondre. Vous savez qui était le 15ème président des USA ?

Chers compatriotes, je vous présente mes meilleurs vœux.
Bernadette TOKWAULU AENA
Ecrivaine ; Analyste politique

 

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