Kongolo, le 26 novembre 2015 (caritasdev.cd) : Beaucoup de paysans congolais, engagés dans l’agriculture, notamment dans les milieux ruraux, ressentent durement les effets du changement climatique. Bien que leur niveau intellectuel ne leur permette pas de comprendre suffisamment les causes de ce changement climatique, ils constatent néanmoins qu’il affecte dangereusement leurs niveaux de vie, en réduisant leurs productions agricoles et agropastorales. C’est le résumé d’un micro-baladeur quecaritasdev.cd a réalisé à Pumuzika et Katea, localité situé à 120 kms de Kongolo, Secteur de Busonge, dans l’actuelle Province de Tanganyika.
«Sans cultiver, on se sait pas manger ici. A titre illustratif, un kilo de riz revient à 200 Francs Congolais, contre 600 FC pour le sel et 1.200 pour le sucre. Des montants difficiles à obtenir dans un contexte où une famille moyenne a moins de 1.000 FC (soit 1,1 $ Us) par semaine. Ce riz se mange avec des feuilles de manioc. Et, en forçant, avec un peu de gibiers. L’agriculture demeure donc pour nous notre principal moyen de subsistance. Or, nous ne maitrisons plus les données climatiques. Avant, nous savions le début et la fin de la saison de pluie, par exemple. Maintenant, nous ne maitrisons plus rien. Le climat change en désordre. Et, ça affecte durement nos récoltes », déplore Adolphe Tambwe Kongolo.
« Quand nous cultivons, nous ne récoltons plus en grande quantité comme avant. Il arrive qu’il ne pleuve pas ; et cela a des conséquences sur la production. Notre climat nous trahit », regrette pour sa part Michel Kasongo, pasteur pentecôtiste de la localité Pumuzika, dans le Territoire de Kongolo, à une dizaine de km de Katea! « Il est donc important que l’on nous enseigne des méthodes pour faire face à ce changement climatique. Heureusement que la Caritas nous donne des conseils qui nous aident à minimiser ce phénomène »,
relève-t-il.
«Nous cultivons sans souvent récolter. Nous enregistrons parfois des échecs, à cause du changement climatique. Il serait intéressant d’obtenir des semences à temps afin de jouir du fruit de notre travail, en danger à cause du changement climatique», renchérit Sévérin Mulenda Mulongoy du village Pitalwako. Quittant l’agriculture, il ajoute que ce changement climatique menace même de disparition la paille. « Où trouverions-nous assez de fonds pour nous acheter des tôles afin de construire nos maisons ? », s’interroge-t-il, amer !
Parlant au nom de ses fidèles, le Curé de la Paroisse Saint Pierre de Katea, Abbé Guylain Ngoy Kayo, renchérit : « Ils dénoncent ce phénomène climatique et regrettent ses conséquences ; mais, ils n’ont aucune solution à proposer. Ils ne savent même pas qu’on peut trouver une solution face à ce changement climatique » !
Irrégularité et imprévisibilité des précipitations…
En effet, dans un document intitulé « Adapter l’agriculture au changement climatique», la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) confirme que de nombreux pays ressentent déjà les effets du changement climatique, tels que l’irrégularité et l’imprévisibilité des précipitations, l’incidence accrue des tempêtes et les sécheresses prolongées. Le changement des conditions météorologiques favorise aussi l’apparition de ravageurs et de maladies qui s’attaquent aux cultures et au bétail.
Les terres cultivées, les pâturages et les forêts, qui représentent 60% de la surface de la terre, sont progressivement exposées à la variabilité accrue et au changement du climat. Le changement climatique menace les acquis du développement et a ralenti la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), en particulier ceux qui se rapportaient à la réduction de la faim et de la pauvreté ainsi qu’à la protection de l’environnement.
Exposées au risque de mauvaises récoltes récurrentes, de pertes de production animale, halieutique et forestière, et d’amenuisement des ressources naturelles disponibles, les communautés rurales établies dans des environnements fragiles, surtout des groupes vulnérables, devraient bénéficier d’une attention particulière des autorités publiques et des partenaires au développement.
Caritas engagée dans la sensibilisation des paysans sur le changement climatique
Fidèle à sa mission de la promotion intégrale de l’homme, avec sa propre participation, Caritas Congo Asbl et son partenaire Caritas Norvège, exécute notamment un programme quinquennal d’appui à la sécurité alimentaire. Exécuté dans les Diocèses de Kindu (Province du Maniema), Kisantu (Kongo central) et Kongolo (Tanganyika), l’un des objectifs dudit programme a permis aux Caritas diocésaines concernées d’identifier des ménages qui bénéficient des appuis conseils dans la thématique changement climatique.
C’est ce qui se fait à titre illustratif sur les deux axes Katea et Lubunda, où Caritas-Développement Kongolo exécute depuis le 1er mai 2013 ce programme au profit de 2.500 ménages. Ils sont regroupés en 100 associations, dont 60 associations pour l’axe Katea et 40 associations pour l’axe Lubunda. Financé par NORAD (Agence Norvégienne d’Aide au Développement) à travers la Caritas Norvège, ce programme vise l’amélioration des conditions de vie de 5.698 ménages paysans producteurs repartis dans les diocèses susmentionnés.
Ainsi pour la Caritas Kongolo, 100 leaders des associations ont été formés et sensibilisés sur la gestion des ressources naturelles et sur le changement climatique. Une séance de formation sur le changement climatique a été organisée dans chaque réseau associatif.
Planifier des mesures d’adaptation
En fait, les pouvoirs publics et les acteurs au développement doivent
bien comprendre la vulnérabilité des systèmes alimentaires, de leurs
écosystèmes, de leur société et de leur économie nationale aux effets
actuels et futurs de la variabilité et du changement du climat.
C’est dans ce cadre que la FAO a élaboré divers systèmes et outils
d’information novateurs et simples à utiliser pour évaluer l’impact du
climat ainsi que leur vulnérabilité et pour planifier les mesures
d’adaptation. Il s’agit, par exemple, de la méthode d’adaptation
dynamique optimale de l’agriculture, l’indexation sur le climat de
l’assurance agricole, une méthode normalisée d’évaluation de l’impact
du changement climatique sur l’agriculture, des systèmes d’alerte
rapide relatifs à la sécurité alimentaire à moyen terme, un outil
d’estimation du climat local (New LocClim), une méthode d’estimation
par satellite des précipitations (FAO-RFE), un système de gestion des
bases de données agro-climatiques (FAOCLIM-Net), et un outil de
prévision des rendements des cultures (CMBox).
Les attentes de COP 21
La France va accueillir et présider du 30 novembre au 11 décembre
2015 la Conférence Paris Climat. C’est une échéance cruciale,
puisqu’elle doit aboutir à un nouvel accord international sur le
climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir le
réchauffement climatique mondial en deçà de 2°C.
L’enjeu clé, c’est le financement des politiques climatiques : un
pré-accord doit être trouvé sur ce sujet à Lima en octobre, pour
réunir 100 milliards de dollars par an à compter de 2020, renseigne le
site du Gouvernement français.
Puisque le cinquième et dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat) souligne l’importance
des activités humaines dans le dérèglement climatique et ses
principales manifestations, il est de bonne politique de conjurer le
mal. La température moyenne annuelle a déjà augmenté de 0,85 °C depuis
1880 et pourrait croître jusqu’à près de 5°C d’ici à 2100 ; plus de
90% de l’énergie due au réchauffement climatique est stockée dans
l’océan ; l’océan Arctique pourrait être libre de glace avant le
milieu du 21e siècle et les glaciers de montagne continueront à se
vider. Par ailleurs, le niveau de la mer s’est élevé de 0,19 mètre au
cours de la période 1901-2010. Le GIEC prévoit une hausse probable de
26 à 82 cm d’ici à 2100 ; les concentrations de CO2 liées à l’homme
ont augmenté de 40% depuis 1750 et de 20% depuis 1958.
La RDC, qui participera à cette conférence, devrait faire valoir sa
contribution à la préservation de la planète et à la protection des
hommes par sa riche biodiversité (10% des forêts tropicales du monde,
50% d’eau douce d’Afrique, 2ème bassin mondial après l’Amazonie,
etc.), pour revendiquer sa part dans le financement des politiques
climatiques à obtenir de la COP 21. Il y va de l’intérêt de ses
populations qui subissent, souvent sans les provoquer, les effets du
changement climatique aux conséquences mondiales.
Guy-Marin Kamandji