Dialogue en dents de scie : la Majorité présidentielle dans le dilemme

Lundi 5 septembre 2016 - 12:24

Le dialogue est verrouillé de l’extérieur comme de l’intérieur. De l’extérieur, la feuille de route du Rassemblement ne laisse aucune chance à la Majorité présidentielle de tripatouiller l’ordre constitutionnel. De l’intérieur, les opposants, qui prennent part au dialogue, entendent porter essentiellement les mêmes revendications. S’il faut ajouter l’œil vigilant de l’Eglise catholique et de la communauté internationale, veillant à la fois au respect de la Constitution et à l’application de la R2277, la Majorité présidentielle est bel et bien entre le marteau et l’enclume.

 

Le dialogue sera un moment e vérité. Celui où les attentes des uns et des autres apparaîtront au grand jour. Puisqu’à l’issue de ces pourparlers, des résolutions claires devront être arrêtées pour sortir la République démocratique du Congo de l’impasse dans laquelle la majorité dirigeante l’a plongée.

 

Il n’y a aucun doute. La situation que vit le Congo-Kinshasa aujourd’hui n’est pas une fatalité. Elle a été conçue et mise en œuvre par la Majorité présidentielle qui n’ jamais fait mystère de son projet de pérenniser son autorité morale à la tête du pays. Ce, en dépit du fait que l’actuel locataire du Palais de la Nation est arrivé à son deuxième et dernier mandat conformément à la Constitution.

 

LES REVENDICATIONS CORSÉES DU RASSEMBLEMENT

Ce projet de la famille politique du chef de l’Etat n’a jamais été enterré. L’heuré est désormais arrivée pour que la vérité éclate. Le dialogue a déjà donné le ton malgré son caractère non représentatif. Les revendications et les attentes, notamment de l’opposition, présente ou absente du dialogue, sont connues.

 

Le camp de Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement a préféré boycotter ce dialogue. Pour Etienne Tshisekedi et ses alliés, le pouvoir de Kinshasa doit mettre en œuvre de manière « intégrale » sa feuille de route, remise le 2 septembre à Joseph Kabila via Denis Sassou Nguesso pour la tenue d’un «dialogue véritable, crédible et inclusif » ainsi que pour le déblocage du processus électoral.

 

A la lecture des termes de référence de cette feuille de route, le Rassemblement a adopté une position maximaliste. La majorité au pouvoir doit remplir tous les préalables favorisant la décrispation du climat politique avant la tenue du dialogue. Allusion  faite à la libération de tous es prisonniers politiques, à l’abandon des poursuites judiciaires « arbitraires » contre les opposants et les membres de la Société civile et à la réouverture des médias fermés « injustement » par le gouvernement.

 

Bien plus, pour le Rassemblement, avant le début des négociations, toutes les parties devront s’engager, au préalable, à respecter : l’intangibilité du pacte républicain issu de Sun City, la Constitution du 18 février 2006, la primauté de l’Etat de droit ainsi que la résolution 2277 du Conseil de sécurité: Seule la satisfaction de tous ces préalables, auxquels il faut ajouter la récusation du facilitateur du dialogue, peut laisser la voie libre à la tenue du dialogue. Ces exigences n’étant pas encore remplies, ces opposants sèchent les travaux du dialogue.

 

LA STRATÉGIE DE LA DYNAMIQUE INTERNE

Les opposants qui prennent part au dialogue ont, eux, préféré tenir compte de quelques avancées réalisées par le gouvernement dans la libération de certains prisonniers politiques et l’ouverture des 3 médias appartenant aux acteurs politiques de l’opposition.

 

Cependant ces opposants continuent à revendiquer des mesures complètes et définitives de l’intérieur.

« Monsieur le facilitateur, nous portons sur nous des frustrations, des revendications des demandes et des requêtes de tout le monde ; des présents, tout comme des absents », a déclaré Vital Kamerhe, co-modérateur pour le compte de l’opposition au dialogue, lors de la cérémonie d’ouverture de ce forum à la cité de l’Union africaine.

 

Ces revendications auxquelles Vital Kamerhe fait allusion sont, pour l’essentiel, les mêmes que celles du Rassemblement. « Vous êtes facilitateur, votre rôle se limite à nous mettre ensemble... pour voir qui sera e premier à violer la Constitution. D’ailleurs, les gens de la Majorité l’ont démontré à l’issue des travaux du comité préparatoire. Je n’ai pas noté qu’ils ont demandé un troisième mandat pour le président Kabila. Le document est là. En tout cas, cela ne viendra pas de nous et nous ne l’accepterons pas », a dit Vital Kamerhe, insinuant qu’ils sont à pour veiller à ce que la loi suprême ne soit pas violée. Dont acte.

 

Entre les revendications maximalistes du Rassemblement et celles des opposants prenant part au dialogue, il faut die que la Majorité présidentielle n’aura pas la tâche facile. Déjà, elle sera obligée de se plier aux lignes directrices de ce dialogue qui restent le respect de la Constitution, l’application de la résolution 2277 et l’exigence de la poursuite du processus démocratique à travers des élections libres, transparentes et apaisées.

 

UNE MAJORITÉ COINCÉE

Outre l’Opposition qui prend part au dialogue, l’Eglise catholique, la communauté internationale et le peuple congolais portent tous les mêmes exigences : le respect du pacte républicain. Autant dire qu’au dialogue, la Majorité présidentielle est entre le marteau et enclume. Elle n’aura pas d’autre alternative que de se soumettre à l’ordre établi dont elle a d’ailleurs bénéficié de fruits pendant deux quinquennats démocratiques.

 

Comme lors des concertations d’octobre 2013 où la famille du chef de l‘Etat n’a pas su faire passer son idée de modification de la Constitution, à ce dialogue politique national, toute idée d’un troisième mandat pour l’actuel président de la République ou tout projet de changer l’ordre politique en cours n’a pas, a priori, de chance de passer.

LE POTENTIEL