Dialogue : le doute s’installe

Lundi 8 août 2016 - 10:19
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Le dialogue politique national est mal parti. Contre la récusation du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, le Groupe de soutien a opposé le renouvellement de sa confiance au facilitateur Edem Kodjo. Cela au terme de trois jours de consultations de la classe politique. Cette dichotomie jette le doute sur la tenue effective du forum national voulu inclusif par tous.

Après trois jours de consultations, le Groupe international de soutien à la facilitation au dialogue a rendu publique sa position. Contrairement à l’Opposition menée par Etienne Tshisekedi, le Groupe de soutien a réitéré son soutien au facilitateur désigné de l’Union africaine (UA), Edem Kodjo. Dans la classe politique, les avis divergent.

Sans surprise, la Majorité présidentielle parle d’un non-événement. Le langage est plutôt tranchant dans l’Opposition, plus précisément au Rassemblement des forces politiques et sociales acquises aux changement, où l’on se dit prêt à tirer toutes les conséquences de la position prise par le Groupe de soutien à la facilitation au dialogue qui, apparemment, n’a pas pris en compte leurs desirata.

Faut-il encore espérer en la ténue de ce dialogue ? Le Groupe reste confiant, estimant que « le dialogue est le seul moyen à même de permettre aux acteurs congolais de trouver le consensus, nécessaire pour relever les défis de l’heure ». Mais, Edem Kodjo reste la principale pierre d’achoppement. Autour d’Etienne Tshisekedi, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement a totalement tourné le dos au facilitateur de l’UA pour ses accointances avec le pouvoir en place. Ce qui n’est pas de l’avis du groupe de soutien qui appelle par ailleurs « tous les acteurs congolais à manifester leur coopération aux efforts du facilitateur de l’UA pour tenir un dialogue national inclusif».

Si le Group4e de soutien s’attache toujours à Edem Kodjo, il « réaffirme l’importance qu’il accorde au lancement effectif et rapide du dialogue, et ce, conformément à la Constitution de la RD Congo, aux instruments pertinents de l’Union africaine et à la Résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations unies ».
Optimiste, le Groupe de soutien « s’engage à poursuivre ses consultations auprès

de l’ensemble de parties prenantes congolaises et des acteurs internationaux préoccupés par le risque d’instabilité en RDC afin de permettre au facilitateur de fixer une date pour le lancement rapide du processus devant aboutir au démarrage effectif du dialogue ».
Peut-on déjà dire que le dialogue est dans l’impasse ? Le « Rassemblement» ne cache pas sa déception.

LES LANGUES SE DELIENT
Contacté par radio Top Congo ? L’opposant Joseph Oenghankoy ne ménage pas le Groupe de soutien. « Si telle est la position du groupe de soutien, c’est qu’il n’est pas venu en RDC pour résoudre le problème », a-t-il indiqué.
Le « Rassemblement » promet de ne pas fléchir. « Le Rassemblement ne changera pas de position, nous nous assumerons jusqu’au bout», promet le leader du Fonus.
A l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, on n’est pas non plus prêt à céder. Joint au téléphone, Bruno Mavungu, son secrétaire général, n’y va pas par le dos de la cuillère. « Edem Kodjo est récusé. C’est cela notre position. Et nous l’avons dit tout haut. Tout le monde est au courant. On ne peut pas accepter d’aller au dialogue avec Kodjo comme facilitateur».
Serait-ce déjà le blocage? Bruno 1avungu tente de relativiser. « Le problème, c’est Kodjo. On ne peut pas nous l’imposer comme facilitateur ».
Autant qu’il est le problème, l’UDPS pense que la solution pour sortir de l’impasse ne pourrait venir également que de Kodjo. « Si Edem Kodjo a le sens de l’honneur, il doit partir de lui-même. C’est une honte s’il persiste à modérer un dialogue où il ne fait plus l’unanimité entre les parties », renchérit Bruno Mavungu.
L’UDPS privilégie la mise en place d’un « collège de facilitateurs » en lieu et place d’un seul individu. Ce projet est du reste porté par l’ensemble du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, plate-forme dont fait partie également l’UDPS d’Etienne Tshisekedi.

Dans l’Opposition, le cas Kodjo divise. Tous ne partagent pas le même point de vue. Du coup, des fissures se font déjà sentir. L’UNC de Vital Kamerhe vaque ainsi à contre-courant du reste de l’Opposition. A l’instar du Groupe de soutien, l’UNC affiche subtilement son soutien au facilitateur de l’UA. « Récuser l’actuel facilitateur, c’est faire le jeu du pouvoir qui ne veut pas organiser les élections dans le délai constitutionnel», a indiqué à Top Congo Cele Yemba, chargé de communication à l’interfédérale de l’UNC/Kinshasa. « Il serait mieux, soutient-il, d’aller à ce dialogue tout en faisant confiance au groupe de soutien à la facilitation », estimant que «Edem Kodjo n‘est pas si rusé pour pouvoir rouler tout le monde».
De son côté, la Majorité présidentielle ne s’alarme pas. Elle est plutôt sereine. Que le Groupe de soutien renouvelle sa confiance à Edem Kodjo, la MP ne se sent pas concernée. « La MP n’a aucun problème avec la facilitation ni avec le groupe de soutien, non plus avec le dialogue», a indiqué à Top Congo André Atundu, porte-parole de la MP. La MP entend voir l’Opposition revenir à la raison. « Le plus important aujourd’hui est que ceux qui s’opposent au dialogue opèrent une avancée significative dans le sens d’adhérer au processus du dialogue », a dit André Atundu.
Faut-il craindre un enlisement du dialogue initié par le président Joseph Kabila ? Pour le moment, la voie du dialogue est parsemée d’embûches que le Groupe de soutien n’a pas pu élaguer en trois jours de consultations.
Est-ce à dire que le pont est totalement rompu entre le Groupe de soutien et le « Rassemblement » ? Le G7, regroupement membre du « Rassemblement », se montre modéré. Il ne ferme pas la porte à tout compromis. Dans une déclaration datant du 5 août 2016, « le G’7 a exhorté le groupe de soutien à mettre tout en œuvre à cet effet et à continuer à jouer un rôle actif dans le dénouement de la crise actuelle ».

C’est dire qu’une solution concertée est encore possible. Evidemment, l’issue du dialogue dépend à ce jour du rôle qu’assumera le Togolais Edem Kodjo.
Récuser par la frange la plus importante de l’Opposition, Edem Kodjo se trouve toujours sur une chaise éjectable qui peut céder à tout moment. Pour l’instant, le bout du tunnel concernant la tenue du dialogue semble s’éloigner.”
Pourrait-il se rétracter dans les prochains jours ? C’est tout ce qu’on peut espérer. En tout cas, le G7 n’exclut pas une telle hypothèse. Pourvu qu’Etienne Tshisekedi et les autres aillent également dans le sens de décrispation.
LE POTENTIEL