Dialogue : tout chemin mène à la trahison

Vendredi 9 septembre 2016 - 10:35
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L’option du « glissement », arrêtée de longue date par la Majorité Présidentielle et bloquée partiellement par les manifestations populaires de janvier 2015 contre la tentative de tripatouillage de la loi électorale, est sur le point d’être matérialisée à la Cité de l’Union Africaine, site d’accueil d’un dialogue non inclusif. Après la démonstration, par Corneille Nangaa, président de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), et Jérôme Bonso, membre de la Société Civile, de l’impossibilité technique d’organiser l’élection
présidentielle en 2016, c’était hier au tour d’un expert de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), des ministres de l’Intérieur, du Budget et des Finances, d’apporter aux participants à ce forum les preuves des contraintes administratives, sécuritaires et financières qui rendent illusoire la tenue d’un quelconque scrutin, cette année.

Ainsi se trouve solidement planté le décor de la non convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle le 19 septembre – alors que le législateur dispose que cela devrait être fait par la CENI 90 jours avant l’expiration du mandat présidentiel – et de la non tenue
de l’élection présidentielle à la date du 28 novembre 2016. Par conséquence, la passation civilisée des pouvoirs entre le Président de la République sortant et son successeur, qui devrait intervenir le 20 décembre 2016, est reportée sine die. Il s’agit là, aux yeux de
nombreux observateurs, d’une violation flagrante des articles « verrouillés » de la Constitution en rapport avec le mandat présidentiel, soit 70, 73, 75, 76).

Pourtant, tout au long de la campagne que battait la Majorité Présidentielle auprès des masses congolaises, de la classe politique et de la communauté internationale en faveur du dialogue, elle ne cessait de promettre le respect de la Constitution et de la Résolution 2277 dans tout ce qui serait discuté et décidé à l’occasion de ce forum. C’est le lieu de constater que le peuple congolais, qui ne se faisait pas d’illusion quant aux velléités de la famille politique du Chef de l’Etat de « glisser », est trahi.

Cette trahison aurait dû déjà intervenir en amont, lorsque certains ténors de la Majorité présidentielle s’étaient mis à soutenir l’hypothèse de l’organisation d’un référendum constitutionnel visant la mise en chantier d’un texte appelé à « déverrouiller » tous les
articles « verrouillés ». Mais la contestation interne était si forte que les juristes lancés au front avaient dû battre en retraite et laisser agir les architectes du tripatouillage de la loi électorale, eux aussi bloqués par les événements de janvier 2015. Il ne restait plus que la CENI pour mettre tout le monde devant le fait accompli : l’impasse électorale à durée indéterminée.

Coupables impunis

Le délai de 16 mois et un jour que vient de décréter la Ceni pour la
révision du fichier électoral peut donner à croire que cette
institution d’appui à la démocratie n’a aucune responsabilité dans ce
« glissement technique ». C’est l’occasion de rappeler à l’opinion que
son leadership est tenu par un « expert » qui est là depuis sa
création, il y a plus de dix ans. Si la volonté de nettoyer le fichier
électoral existait réellement, ce travail aurait dû être fait depuis
2012, 2013, 2014 ou 2015, soit sous le mandat du pasteur Ngoy Mulunda,
soit sous celui de feu l’abbé Apollinaire Malumalu.
Une large portion de l’opinion nationale est d’avis que la CENI a
volontairement failli à sa mission de mise à jour du fichier électoral
au moment où il ne se posait aucune contrainte de temps. S’agissant
des contraintes financières, sécuritaires et logistiques, un doigt
accusateur est pointé en direction du gouvernement, d’autant que
depuis 2012, l’Assemblée Nationale inscrit au budget national des
crédits de l’ordre d’environ 225 millions de dollars en faveur de la
CENI. Si le chronogramme des décaissements avait été respecté, la
barre de 1, 2 milliard de dollars américains sollicités par cette
institution d’appui à la démocratie pour l’ensemble du cycle électoral
aurait déjà été atteinte, voire franchie. D’où, nombre de compatriotes
estiment qu’avant d’entraîner la Nation dans le « glissement » du
cycle électoral, les participants au dialogue devraient commencer par
identifier tous les coupables du gâchis et les sanctionner. Faire
comme si personne n’était responsable de la fermeture de la porte des
urnes au peuple congolais pour plusieurs années serait de la haute
trahison.
Kimp