Dossier BIAC : Matata fixe l’opinion

Jeudi 7 avril 2016 - 11:57
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Le dossier de la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) a suscité des commentaires dans tous les sens. Certains sont allés jusqu’à charger le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, l’accusant d’avoir programmé la mise à mort de cette institution bancaire, troisième dans le système bancaire congolais. Par devoir de vérité, la Primature a rompu son silence. Question d’éclairer l’opinion. Ci-dessous, la mise au point du cabinet du Premier ministre.

 

 

Mise au point de la primature sur le dossier de la BIAC

Au nom de l'obligation de rendre compte au Public, en toute responsabilité et transparence, la Primature fait la mise au point suivante autour du dossier" BIAC". Cette mise au point vise à dissiper tout malentendu, à dépassionner le débat et à rassurer le public.

Le Gouvernement a la responsabilité de veiller au maintien de la stabilité monétaire et à la préservation la stabilité financière, facteurs de cohésion sociale. Ces deux situations conditionnent la croissance économique et le développement durable, objectifs ultimes de la politique économique dont font partie intégrante les politiques budgétaire et monétaire.

L'indépendance de la Banque Centrale se situe dans la formulation et la mise en œuvre tant de la politique monétaire que de la supervision bancaire. Elle n'a de sens et de raison d'être que si elle contribue à l'amélioration du bien être et à la préservation de la cohésion sociale.

1. De l'État de la question

Après une stabilité remarquable, voilà plus de six ans, le Franc Congolais a connu un début de frémissement par rapport aux monnaies étrangères à partir de décembre 2015. En effet, entre fin décembre 2010 et fin novembre 2015, le dollar américain, au marché parallèle, est resté globalement stable, passant de 931,67 FC à 931,75 FC, soit une dépréciation de 0,008% de la monnaie nationale par rapport au billet vert en cinq ans.

Cependant, entre fin novembre 2015 et le 26 février 2016, le cours parallèle est passé de 931,75 FC à 955 FC le dollar, soit une perte de la valeur externe de la monnaie nationale de 2,4 % en trois mois contre 0,008% en cinq ans comme indiqué ci-haut.

Certains opérateurs économiques et spéculateurs projetaient déjà le taux de change d'ici à fin mars 2016 à 1.500 FC/le dollar si les causes de cette évolution n'étaient pas éradiquées.

Au regard de cette évolution inhabituelle et de la relation de cause à effet entre la dépréciation du taux de change, l'augmentation du coût de la vie, la baisse du pouvoir d'achat des ménages et les tensions sociales qui peuvent en résulter, une instruction urgente a été donnée par le Chef de l'État au Premier Ministre pour mettre un terme à cette situation.

Ainsi, la Troïka Stratégique Restreinte a été chargée, toutes affaires cessantes, d'examiner les causes de cette évolution, de formuler et mettre en œuvre les politiques idoines devant stabiliser le taux de change à l'effet de prévenir l'augmentation du niveau général des prix et du coût de la vie.

Présidée par le Premier Ministre, cette instance réunit le Ministre des Finances, et en son absence, le vice ministre des finances, le Gouverneur de la Banque Centrale, en son absence le Vice gouverneur, le Directeur Adjoint du Premier Ministre en charge des questions économiques, en qualité de rapporteur. Du 22 février au 22 mars, ces réunions se sont tenues sans désemparer, de 17 heures à 18 heures aux jours ouvrables, sauf le samedi.

2. Du diagnostic établi

La dépréciation du taux de change est la conséquence d'un excès de la demande par rapport à l'offre de s devises. Dans le cas actuel de tous les pays producteurs des matières premières exportées, la baisse des cours de ces dernières a entrainé la réduction en valeur des recettes d'exportations et partant de l'offre des devises sur le marché. Cette cause est exogène et s'impose aux économies en développement faiblement industrialisées à l'instar de la RDC et de tant d'autres.

Pour résorber le déséquilibre sur le marché des changes, les Autorités doivent surtout agir sur les facteurs explicatifs de l'augmentation de la demande des devises, à savoir les origines de l'augmentation des moyens de paiement dans une économie. En effet, des études ont établi que sur 100 francs congolais mis en circulation, 70 en moyenne se retrouvent sur le marché de change pour des besoins de transaction (importation des biens et services), des motifs de précaution (placement des devises à l'étranger) ou des raisons de spéculation (recherche de gain en capital). Pour prévenir toute pression sur le marché de change, les autorités se doivent d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande de monnaie nationale. Tout excès d'offre de monnaie sur la demande donne lieu à des pressions sur le marché de change en termes de demande de devises aboutissant au frémissement du taux de change et sur le marché des biens et services. D'une manière générale, les origines d'augmentation de l'offre de monnaie ou de l'ensemble des moyens de paiement sont: le déficit public (État et banque centrale), les achats des devises par le système bancaire, le crédit octroyé à l'économie et non remboursé dans les délais, les concours accordés aux banques commerciales par la banque centrale.

L'analyse objective de la situation, sur la base des évidences empiriques, a permis d'identifier deux principaux facteurs:

Le premier est le déficit public d'un montant de 162,7 milliards de FC au mois de décembre 2015 contre un excédent de 141,7 milliards de FC aux 11 premiers mois de cette année. Cette situation a résulté d'un excès des dépenses par rapport à des recettes affectées notamment par le recul des cours des matières premières. Aux trois premiers mois de l'année 2016, le déficit a été de 51,63 milliards de FC pour l'État et 2,8 milliards pour la Banque Centrale, soit un total de 54,4 milliards de FC. Les déficits du trésor ont été couverts par les dépôts de l'État constitués préalablement. Il s'ensuit une consommation des dépôts et une augmentation du crédit net sur l'État (différence entre, d'une part, les concours antérieurs faits à l'État lorsqu'il recourait à la planche à billets jusqu'à fin décembre 2009 et l'ensemble des encaissements qu'il a réalisés). Chaque fois que l'État finance son déficit en prélevant sur ses dépôts, ces derniers diminuent. Entre fin novembre 2015 et le 26 février 2016, les dépôts de l'État sont passés de 736 milliards de FC à 458 milliards, soit une baisse de 278 milliards de FC en trois mois.

Ce qui explique que le Crédit Net à l'État est passé de -372,5 milliards de FC à -94 milliards de FC, soit une augmentation de 278,5 milliards de FC correspondant à un accroissement à due concurrence de la liquidité dont 70% environ se retrouvent sur le marché de change.

Le second est le refinancement ou le concours accordé par la Banque centrale aux banques commerciales à titre ponctuel pour des besoins de trésorerie. Entre fin novembre 2015 et fin janvier 2016, le refinancement est passé de 40,1 milliards à 66,9 milliards de FC, soit une injection de la liquidité de 26,8 milliards de FC en deux mois. Le montant passera fin février à 49,3 milliards de FC.

Après recoupement des informations, ce refinancement était accordé à la BIAC, en blanc, c'est-à-dire sans garantie (en cas de défaut de paiement, il n'était pas possible de réaliser la garantie puisqu'elle n'existait pas) et sous forme révolving (par reconduction tacite). De ce fait, la BIAC est en permanence au guichet de refinancement, et ce depuis juin 2015. Elle présente ainsi des problèmes structurels allant au delà de seuls besoins de liquidité.

3. Des thérapeutiques appliquées et résultats observés

Face à ce diagnostic, la Troïka a résolu d'agir sur ces facteurs:

Du coté de l'offre, la Banque Centrale a prélevé sur ses réserves de change pour augmenter l'offre des devises par la vente aux banques de 50 millions de USD;

Du coté de la demande, il a été décidé ce qui suit:

 réduire le déficit public. Ce dernier, qui s'est situé à 162 milliards de FC en décembre 2015, a été ramené à 54 milliards de FC aux trois premiers mois de 2016;

 réduire le refinancement accordé à la BIAC. Ce dernier est passé, dans un premier temps de 44 milliards de FC à 20 milliards à fin février, puis à 15 et finalement à 5 milliards de FC à fin mars 2016.

L'effet conjugué de ces mesures a permis de stabiliser, voilà maintenant plus d'un mois (du 26 février à ce jour) le cours parallèle vendeur dans les fourchettes de 955 à 960 FC/le dollar.

Ainsi, sans ces mesures, l'économie congolaise allait retomber dans les travers: "dépréciation, inflation, diminution du pouvoir d'achat, paupérisation". Parallèlement à ces mesures de court terme, le Gouvernement, entend résolument augmenter les allocations des dépenses en vue de l'accélération de la transformation structurelle de l'économie (essaimage des parcs agro-industriels, déploiement des infrastructures énergétiques et de transport…).

4. De Considérations finales

La stabilité du Franc Congolais est notre patrimoine commun. Elle est à préserver, au même titre que la souveraineté nationale ou l'intégrité du territoire. Elle impose discipline et sursaut patriotique dans le chef des tous et sans exclusives. La RDC est citée aujourd'hui comme modèle de stabilité macro-économique remarquable et de croissance résiliente. Par delà nos divergences et nos différences, il s'impose à nous l'obligation de la maintenir, envers et contre tout, et de la transférer à notre postérité.

La BIAC, au regard de son réseau est une banque systémique. Sa disparition peut avoir des effets collatéraux importants. Mais sa sauvegarde ne doit pas se faire au détriment de la préservation du patrimoine commun. D'où la nécessité de sauvegarder en priorité le patrimoine commun qu'est la stabilité monétaire, et sans préjudice de ce qui précède, l'épargne publique collectée au niveau de la BIAC moyennant observance des conditions suivantes:

 suivi strict par la BIAC d'un plan d'action comprenant les principaux axes suivants:

. - sa recapitalisation à l'effet de rendre positif son actif net;

- la réduction de ses charges d'exploitation, causes de ses pertes cumulatives qui obèrent son capital;

- le redimensionnement de son réseau;

- le recouvrement des crédits accordés aux sociétés apparentées et autres;

- la vente de certains actifs.

 le refinancement ne peut plus être accordé en blanc. Il se fera désormais moyennant présentation des effets de qualité;

 le refinancement, qui n'est qu'un palliatif, sera actionné à condition de l'exécution du plan d'action permettant d'assainir les états financiers de la BIAC et de la mettre en bonne posture en cas de rachat par les repreneurs éventuels.

Le Gouvernement ainsi que la Banque Centrale s'engagent à accompagner la BIAC dans sa restructuration, à garantir l'épargne du public tout en ne sacrifiant ni la stabilité monétaire, ni la stabilité financière, piliers de la cohésion sociale et de la fierté nationale, acquises au prix de moult sacrifices.

Le service de Presse de la Primature

 

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