Bastion des mouvements rebelles et groupes armés tant congolais, rwandais qu’ougandais depuis plus de 20 ans, l’Est de la République Démocratique du Congo continue d’être l’objet d’une insécurité récurrente. Inauguré en octobre 2014, avec à la clef un bilan de 30 morts dans la périphérie de Beni-ville, le nouveau cycle des massacres vient d’accoucher d’une nouvelle hécatombe avec 36 compatriotes exécutés à la machette et à la hache dans la nuit de samedi 13 et dimanche 14 août 2016, dans un quartier rural de Beni, par des
assaillants étiquetés ADF, la célèbre rébellion ougandaise.
A l’image des FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda), elle présente comme particularité le fait de n’alimenter l’insécurité et de ne semer la mort que sur le territoire congolais. C’est très bizarre pour des rebelles censés combattre le régime du président Museveni de l’Ouganda en vue de son renversement. L’homme fort de Kampala va-t-il vraiment être fragilité avec des massacres qui ne touchent aucun de ses compatriotes ?
L’amer constat à faire au vu du nouvel habit de deuil que l’ADF ou des individus présumés tels viennent d’imposer aux filles et fils de Beni est qu’en dépit d’une forte présence des troupes coalisées des FARDC et de la Monusco dans la partie Est du pays ainsi que des promesses répétées des autorités congolaises d’éradiquer les forces négatives, rien n’a changé. Le cycle des tueries massives des populations civiles est loin de s’arrêter. Selon le bilan provisoire fait par des organisations locales de la Société civile et des ONG internationales de défense des droits de l’homme, entre octobre 2014 et août 2016, environ 500 compatriotes ont déjà péri dans des attaques-surprises à la machette ou à la hache dans la ville de Beni et le territoire du même nom, avec pour auteurs les présumés rebelles ADF, dont la spécificité est de frapper sans se faire identifier ni attraper.
Une fois de plus, dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’ils ont opéré entre 19 heures et 6 heures du matin, personne n’a pu les inquiéter dans un espace fortement militarisé. D’où, les autochtones s’interrogent sur l’efficacité du dispositif mixte de sécurité mis en place par les forces congolaises et onusiennes, dont la collaboration a été relancée il y a quelques semaines. Comment se fait-il que les rebelles ougandais, pratiquement décimés selon les multiples déclarations des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et des responsables de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation de la RDC (Monusco), continuent de signer des massacres en pleines opérations Sukola I et II ?
Même s’il est difficile de surveiller chaque mètre carré du territoire de Beni et des frontières avec l’Ouganda et le Rwanda par les deux armées, le nombre élevé des Congolaises et Congolais tués à chaque coup fourré des rebelles ADF a de quoi susciter des soupçons sur le
système de défense du territoire national. Les FARDC et la Monusco auraient-elles réellement affaire à des résidus ADF, auquel cas elles les auraient déjà les liquidés voici belle lurette, ou seraient-elles victimes des complicités civiles et militaires internes comme externes ?
Comme nous l’avions déjà dit et redit dans ces colonnes, les
autorités civiles et militaires congolaises devraient lever les
équivoques sur ce qui bloque réellement les initiatives de
pacification de l’Est du pays. Car, l’interminable espérance de vie
des ADF dans un minuscule espace qu’est le territoire de Beni, sans
base arrière-militaire connue, parait anormale. S’il est établi que
les rebelles ougandais ne bénéficient ni de l’appui logistique de
Kampala, ni de celui de Kigali, encore moins de celui d’une quelconque
puissance occidentale, on aimerait savoir par où passent leurs armes
et les fonds qui leur permettent de tenir pendant des décennies sur
une toute petite portion du territoire congolais, où troupes
congolaises et onusiennes se trouvent déployées pour les besoins de la
paix.
Joie de courte durée après le séjour du Chef de l’Etat
Le séjour de plus d’une semaine du Chef de l’Etat à Beni et Butembo,
entrecoupé des rencontres avec ses homologues ougandais, Yoweri
Museveni, et rwandais, Paul Kagame, avec au menu de nouveaux
engagements à s’impliquer dans le retour d’une paix durable dans la
sous-région des Grands Lacs, notamment par la traque concertée des
forces négatives ougandaises et rwandaises qui perturbent la paix en
RDC, avait suscité beaucoup d’espoirs auprès des populations du
Nord-Kivu en général et du territoire de Beni en particulier.
L’annonce, dans la foulée, de la liquidation par les FARDC d’un des
ténors des ADF, était accueillie comme le début de la fin du
feuilleton de cette force négative ougandaise, à l’image de sa
devancière de triste mémoire, nous avons cité le Mouvement du 23 Mai
(M23).
Malheureusement, leur joie a été de courte durée. Le sombre épisode
du samedi 13 août 2016 a brutalement rappelé à tous que le processus
de pacification de l’Est du pays est encore long.
Un nouveau défi est à relever par le gouvernementcongolais, c’est
celui de démontrer à la communauté nationale et internationale que
l’espoir du retour à la paix durable ne doit pas être perdu. En marge
du deuil national de trois jours décrété du lundi 15 au mercredi 17
août 2016, un nouvel examen critique et objectif des faiblesses du
front militaire s’impose. De même s’impose une trêve de discours sur
l’éradication des forces négatives à l’Est au profit d’actions
indiscutables de chasse à ces ennemis de la paix sur le terrain. Si
la volonté de venir à bout de l’insécurité est réellement là, elle
devrait se manifester par des résultats palpables.
Kimp