ESURS : l’Université interdite aux pauvres

Mercredi 19 novembre 2014 - 10:26

Qu’il fasse mal ou ne plaise pas à certains esprits, un constat s’impose aujourd’hui devant l’opinion publique dans notre pays : les conditions actuelles de fonctionnement de nos universités et instituts supérieurs excluent les enfants des catégories modestes des auditoires. Il serait mensonger de prétendre le contraire, particulièrement lorsqu’on réexamine le parcours d’un étudiant, dès son admission dans un auditoire, jusqu’à la fin de ses études. Plusieurs pesanteurs font qu’il peut se retrouver éjecté de l’université ou de l’institut supérieur au moment où il s’y attend le moins. Parmi ces pesanteurs viennent en première place les frais académiques qui oscillent, selon l’institution publique ou privée de formation universitaire, entre 400 et 700 dollars américains pour toute l’année académique. Des montants payables en totalité et en une seule fois dans les classes de recrutement. Toutefois, devant la
misère criante de la grande masse des étudiants, les autorités académiques des institutions universitaires publiques acceptent à contrecœur un payement à deux tranches rapprochées.

Devant ces taux exorbitants de frais académiques, il convient de se rappeler que le salaire moyen d’un Congolais dans l’Administration publique est actuellement de 100 dollars américains ; un salaire insuffisant pour satisfaire les besoins sociaux de base d’un ménage de cinq à dix personnes (les deux parents y compris). Un observateur averti se posera immédiatement la question de connaître la provenance d’autres ressources qui aideront à supporter les études non seulement au niveau universitaire, mais aussi et surtout au niveau fondamental qu’est l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP). Ce regard jeté sur les ressources des ménages congolais souligne le calvaire que chaque ménage doit subir pour faire étudier sa progéniture. Même les autorités du gouvernement qui exécutent chaque année le Budget national connaissent cette réalité. En faisant un effort de mémoire, tout étudiant ayant fréquenté les
auditoires des universités publiques a cherché à savoir le début de cette galère pour le situer vers les années 80’. Ce sont-là les années fatidiques qui ont consacré la suppression par le gouvernement de plusieurs avantages accordés à l’Enseignement supérieur et universitaire parmi lesquels figurent la bourse d’études, la restauration, la gratuité des syllabus, le transport, etc.

Un commerce prospère pour les professeurs : vente des syllabus et direction des mémoires

Avant la suppression de ces avantages, les professeurs n’exigeaient pas l’achat des syllabus de leurs cours par les étudiants ; cela conformément au règlement universitaire qui n’impose pas aux étudiants l’achat des syllabus pour bien suivre les cours. Et les professeurs rendaient disponibles les syllabus à la fin de leurs enseignements. En outre, les professeurs qui acceptaient de diriger un Travail de Fin de Cycle n’étaient pas rémunérés et cela faisait partie de leurs tâches universitaires. Cette situation a totalement changé. Un étudiant ne peut espérer voir un professeur ou un assistant accepter de diriger son travail de graduat ou de licence (mémoire) s’il ne met pas la main à la poche. Dans plusieurs instituts et universités, les professeurs qui acceptent cette direction se font payer doublement : alors que le règlement n’autorise qu’une somme modique pour le dépôt d’un travail, les professeurs exigent en
catimini d’autres sommes aux finalistes pour le directeur, le co-directeur et le lecteur. L’étudiant finaliste doit ainsi prévoir de dépenser entre 150 et 200 dollars américains.
La vente des syllabus est aussi devenue un autre fléau de l’enseignement supérieur et universitaire. Chaque chapitre d’un cours, fait actuellement l’objet d’un syllabus que chaque étudiant, quelle que soit l’année d’étude, doit obligatoirement acheter, au prix «souverain» fixé par le professeur. Ceux qui sont assez paresseux pour confectionner un syllabus recourent carrément aux travaux pratiques qu’ils font payer ou carrément à un vieux syllabus acheté pendant leurs études. Ils vont demander aux étudiants de le photocopier et de payer au professeur « un droit d’auteur ». Ces achats et photocopies constituent en réalité le droit pour réussir à ces cours et gare à l’étudiant qui oserait faire le malin ; il ne s’en prendra qu’à lui-même et sera sanctionné par le manque de cotes et de l’échec à la fin de l’année. Un tel étudiant, quelle que soit son intelligence, est condamné au redoublement et à
être chassé de l’institution d’enseignement. La vente des syllabus répond aussi aux besoins domestiques des professeurs : un besoin d’argent à la maison est résolu par la vente obligatoire d’un syllabus sur une partie du cours. Nul besoin d’indiquer qu’un tel comportement provoque la prostitution, la baisse du niveau d’enseignement et le trafic d’influence sur les campus universitaire. Par ailleurs, les enfants des professeurs sont protégés et promus au seul motif « qu’ils sont de la famille », et nombreux sont ceux qui terminent « tête vide ».

Payer les bourses d’études des étudiants

Plus il y a des étudiants dans un auditoire, au-delà des normes académiques, plus les professeurs peuvent mieux vendre leurs syllabus et plus l’établissement d’enseignement peut espérer réunir des moyens de fonctionnement nécessaires. Cette situation interpelle le gouvernement qui est à l’origine de la suppression des avantages qui étaient autrefois dus au secteur de l’enseignement supérieur. Il est vrai qu’actuellement les professeurs congolais sont bien payés, mais le gouvernement devra instituer un contrôle rigoureux de leurs actes académiques et leur interdire certaines prestations, telles les cabinets politiques ou plusieurs cumuls dans plusieurs universités sans pour autant soigner leurs cours. En outre, les bourses d’études prévues dans les différents budgets annuels de l’Etat doivent être payées pour soulager les parents.
SAKAZ