RDC : Des membres de la société civile du secteur de sécurité proposent le maintien de l'état de siège seulement dans zones des opérations militaires

Mercredi 16 février 2022 - 13:22
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Décrété depuis le 3 mai de l'année passée dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri pour combattre l'activisme des groupes armés, l'état de siège a fait l'objet d'une étude menée par les acteurs de la société civile membres du groupe de travail du Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et de Justice (RRSSJ). 

Centré sur la réforme du secteur de sécurité à l'épreuve de l'état de siège, le rapport de cette analyse a été présenté le mardi 15 février 2022 à Kinshasa. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du projet : « faire participer les communautés locales au débat public sur la sécurité ».

Plus de 8 mois après l'entrée en vigueur de l'état de siège, le groupe de travail du RRSSJ a dressé un bilan « quelque peu mitigé » de la mise en œuvre de cette mesure qui a mis en évidence les défis de la réforme et de la gouvernance du secteur de sécurité en RDC.

« La mise en œuvre de l'état de siège a néanmoins permis de mettre en évidence non seulement les lacunes législatives liées notamment à l’absence de la loi sur les modalités d’application de cette mesure, mais aussi les défis de la réforme et de la gouvernance du secteur de sécurité en RDC », a fait savoir Symphorien Kapinga. 

En dehors du fait que les tueries des populations civiles persistent, l’armée et la police font face à de nombreux problèmes qui en réduisent sensiblement leur efficacité sur terrain entre autres le déficit de planification stratégique des opérations, la carence de la logistique, des équipements et des financements, l'insuffisance des effectifs, etc. 

« Ces deux grands services publics méritent d’être encore réformés en profondeur pour qu’ils répondent aux standards requis dans les cadres d’orientation, au niveau continental et régional, en matière de gouvernance du secteur de sécurité », a souligné S. Kapinga. 

En outre, la justice militaire, un des piliers du contrôle démocratique dudit secteur, est également handicapée par plusieurs facteurs, notamment le sous-financement, la carence des effectifs, l’inadaptation des textes organiques et de fonctionnement qui la situent aux antipodes des standards exigés en matière de procès équitable. 

D'après ce rapport, il se dégage deux autres faiblesses de l'état de siège. En premier lieu, c’est son insuccès, plus ou moins relatif, attesté par le recours à la puissance de feu de l’armée ougandaise, déployée en RDC dans le cadre de l’opération « Shuja » depuis le 30 novembre 2021. 

En second lieu, il y a l’effritement du rôle et du contrôle citoyen des organisations de la société civile, des activistes des droits de l’homme ou des leaders d’opinion. 

« Cette situation serait due à la nature et la portée de l’état de siège qui semblent concourir à faire taire toute voix discordant. Les critiques de l’état de siège, même constructives, peuvent paraitre comme une menace contre le rétablissement de la paix et un cas de trouble à l’ordre public », lit-on dans ce rapport. 

En vue de l'amélioration de la mise en œuvre de cette mesure exceptionnelle, le groupe de travail du RRSSJ a formulé les recommandations suivantes. Il s'agit de : 

- Accélérer le processus d’adoption de la loi sur l’état de siège en précisant, notamment, les infractions pour lesquelles les juridictions militaires devraient être substituées à celles de droit commun ;

- Améliorer les conditions sociales du militaire, du policier et des agents de service quant à leur rémunération, leur prime, leur ration, leurs soins de santé et leur logement ; 

- Identifier les groupes armés et les ethnies sur les deux provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu ;

- Réduire l’état de siège uniquement dans les parties où se tiennent réellement les opérations militaires, éviter de l’étendre à toutes les parties des parties des provinces de l’Ituri du Nord Kivu qui ne sont pas concernées par les opérations militaires ;

- Renforcer les effectifs des magistrats militaires et, en attendant, assumer les magistrats de droit commun pour compléter leur composition ; 

- Renforcer l’observation des procès des juridictions militaires par les associations de la société civile.

Toutefois, le groupe de travail du RRSSJ a estimé que l'état de siège demeure « une réponse adéquate » contre les massacres des populations civiles malgré qu'il n'a encore atteint ses objectifs dont le retour de la paix et la restauration de l'autorité de l'État dans les régions en proie à l'insécurité. 

Le RRSSJ est un cadre de concertation des acteurs de la société civile intéressés à la thématique de la réforme du secteur de sécurité (Police, FARDC, services d’intelligence) et de la justice. Il a vu le jour le 15 août 2008, en RDC et est officiellement basé à Kinshasa pour le moment, il compte 11 antennes provinciales.

Merveil Molo