Nord-Kivu : 2 mois depuis la prise de Bunagana par les M23/RDF, les civils présents dans la cité soumis à "l'esclavagisme" (Témoignage)

Dimanche 14 août 2022 - 15:44
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Photo 7SUR7.CD

Deux mois se sont exactement écoulés le samedi 13 août 2022 depuis que les M23/RDF se sont emparés de la stratégique cité frontalière de Bunagana (Nord-Kivu).

Bunagana est un important centre de commerce transfrontalier entre la République démocratique du Congo et l'Ouganda, également proche du Rwanda.

Le régime de Kigali est accusé d'être à l'origine de la renaissance de cette rébellion. Mais, les autorités rwandaises rejettent toujours ces accusations en dépit de diverses preuves qui accablent leur régime. D'une part, ce sont des tenues de la Rwanda defence force (RDF) qui avaient été récupérées sur le champ de bataille à Kibumba, et d'autre part, ce sont des éléments de la même armée qui avaient été arrêtés par les FARDC sur le sol congolais.

D'ailleurs, selon l'armée congolaise, ces derniers avaient affirmé avoir reçu la mission d'attaquer le camp militaire de Rumangabo. Un récent rapport des experts de l'ONU qui a fuité a confirmé les allégations du gouvernement congolais au sujet du rôle joué par Kigali dans les actions menées par les M23.

Une vie d'esclave à Bunagana

Face à l'absence totale de l'autorité de l'État au poste frontière, les rebelles du M23 y dictent leur loi par la terreur, les intimidations, les tortures et les menaces de tout genre.

Dans l'anonymat et la clandestinité, un habitant qui s'est confié à 7SUR7.CD ce dimanche 14 août 2022 décrit des conditions de sous-hommes dans lesquelles vivent les civils depuis 2 mois maintenant.

À l'en croire, la cité s'est vidée de ses occupants qui ont trouvé refuge en Ouganda et dans des villages encore sous contrôle des autorités congolaises, question d'être à l'abri des châtiments de la rébellion. Cependant, il témoigne au sujet de la précarité dans laquelle vivent également ces Congolais qui ont été contraints d'abandonner leur milieu de vie.

À Bunagana, par contre, nombreux congolais qui y vivent, indique-t-il, sont des collaborateurs de l'ennemi. Certains sont également ceux qui ont traversé la frontière ougandaise après la débâcle du M23 en 2012 et 2013 et qui sont revenus après la reconquête de Bunagana.

Des Congolais restés sur place sont ceux qui éprouvent des difficultés à survivre ailleurs.

« Les habitants mènent une vie très difficile. Ils vivent comme des esclaves. Nous ne sommes pas libres de faire quoi que ce soit. Dès qu'ils vous suspectent de faire quelque chose, ils confisquent tout ce que vous avez. Mais, il n'y a plus beaucoup de gens à Bunagana. La plupart qui y sont restés sont des collaborateurs des rebelles », témoigne-t-il.

Dans plusieurs autres localités sous le contrôle de l'ennemi, c'est le calvaire. La même source parle de Tchengerero, Kinyamahura, Kabindi, Gisiza, Basare où des civils se plaignent des tracasseries, du pillage des boutiques et pharmacies, des produits des champs, etc.

Depuis quelques semaines, dans une partie du groupement de Jomba, les M23/RDF y obligent des populations à y exploiter des matières premières.

« Après une réunion tenue le lundi passé, ils ont demandé à la population qui a fui de rentrer. Ensuite, ils ont exigé que chaque citoyen paie 20 mille shilling ougandais (environ 6$ américains) pour la construction de la maison du chef de groupement, monsieur Mwambucha qui avait quitté Bunagana après la chute du M23 en 2012. Ils contraignent la population à payer 5 mille shilling (2500 fcs) à la frontière pour tout colis de 15 kgs. En groupement Jomba, ils y extraient de l'or. Ceux qui passent dans la contrée sont directement obligés de creuser pour eux sans se plaindre de fatigue. La population vit comme au temps des Pharaons en Égypte », explique-t-il.

Le silence inquiétant de Kinshasa

Le lundi 13 juin 2022, après d'intenses combats, les rebelles étaient parvenus à contraindre les forces loyalistes congolaises à se replier vers les localités environnantes « pour éviter un bain de sang parmi les civils ». Mais, 2 mois après, Bunagana est toujours entre les mains ennemies en dépit de l'assurance des autorités congolaises de reprendre son contrôle.

« Le repli des FARDC à Bunagana est purement tactique de manière à ne pas faire des victimes côté population civile comme c'était le souhait des Rwandais. Toutefois, nous rassurons la population que les FARDC sont dans la zone et contiennent l'ennemi. Nous allons incessamment mettre ces Rwandais et leurs fils hors du territoire national », avait promis, le 14 juin 2022, le lieutenant-colonel N'Djike Kaiko Guillaume, porte-parole militaire dans la contrée.

Sur le terrain, 2 mois après, l'armée congolaise n'a toujours tenté aucune opération factuelle de reconquête de la cité. Jusqu'à ces jours, Kinshasa joue à la diplomatie, espérant obtenir le retrait de la rébellion par des voies pacifiques. Le lundi 20 juin dernier, à Nairobi au Kenya, autour du président kényan, des chefs d'État de la sous-région se sont penchés sur la question de l'insécurité à l'est de la République démocratique du Congo.

Puis, le 6 juillet 2022, Félix Tshisekedi et Paul Kagame se sont rencontrés au cours d'un autre sommet en Angola sous l'égide du président Joao Lourenço. A l'issue de cette tripartite, il avait été décidé un processus de désescalade entre Kigali et Kinshasa à travers une volonté de normalisation des relations diplomatiques entre les 2 pays ainsi que la cessation immédiate des hostilités et le retrait immédiat et sans condition de la rébellion du M23. 

Le mardi 9 août dernier, la partie congolaise avait également profité du séjour au pays d'Antony Blinken, secrétaire d'État américain aux affaires étrangères pour parler de la question. Puis, rien, de sorte que jusqu'à aujourd'hui, les choses peinent à avancer; le M23 contrôle toujours Bunagana et les tensions sont encore perceptibles entre Kigali et Kinshasa.

Le même habitant de Bunagana joint par notre rédaction ce dimanche 14 août 2022, témoigne que la population locale attend sans patience la réaction du gouvernement congolais pour les délivrer du dictat du M23/RDF.

Alphonse Muderwa

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