Etat de siège : 2 ans après, la paix se fait toujours attendre au Nord-Kivu et en Ituri

Samedi 6 mai 2023 - 13:14
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Photo 7SUR7.CD

Il y a exactement 2 ans ce samedi 6 mai 2023, le président Tshisekedi instaurait l'état de siège dans le Nord-Kivu et l'Ituri 2 provinces situées dans l'Est de la République démocratique du Congo. Par sa décision, Kinshasa espérait imposer la paix dans cette région en proie aux interminables conflits armés entretenus principalement par les rebelles d'Allied democratic force (ADF), aux côtés de plusieurs autres milices locales. De ces jours, 2 ans après, le tableau sécuritaire y demeure sombre, tant de civils continuent d'être tués à coups d'armes blanches ou encore au fusils.

Par ailleurs, le M23, groupe armé pro-rwandais défait en 2013 sous le régime de Kabila, a refait surface et occupe 3 territoires du Nord-Kivu, contraignant ainsi les animateurs de l'état de siège dans la contrée à fuir les entités envahies. L'état de siège n'est jamais parvenu à se défaire de cette rébellion citée dans de nombreuses atrocités contre des populations civiles.

Alors que le gouvernement de la République note régulièrement des avancées, dans l'opinion, c'est un vrai déni. Les forces vives, des acteurs sociaux et politiques refusent d'acquiescer la thèse de Kinshasa qui dit tout le contraire de la réalité du terrain selon eux.

Le ras-le-bol

Le 6 mai 2021, les populations du Nord-Kivu et de l'Ituri apprennent la décision du pouvoir central. Du coup, elles sont persuadées que la mesure prise leur permettra finalement de « fumer le calumet de la paix » après plus de 2 décennies de guerre. Malheureusement, très vite, l'espoir de ces citoyens s'évapore sur fond d'une série d'attaques meurtrières : des tueries s'accroissent, des incursions s'enchaînent, des incendies des véhicules ou encore des maisons foisonnent. Désespérés et sans défense, des habitants des régions en proie aux massacres dénoncent les limites de l'état de siège et exigent de Kinshasa une autre voie de sortie.

Pour le CT Isaac Kivikyavo, le fait pour les autorités congolaises d'avoir accepté de coopérer avec l'Ouganda pour sécuriser l'Est de la République démocratique du Congo est la preuve que l'état de siège a échoué.

« Si l'état de siège était en train de produire les résultats voulus, pourquoi le gouvernement travaille encore avec l'UPDF? Le fait qu'on les a invités montre que même le gouvernement congolais est conscient que sa décision n'a pas donné ce qu'il voulait. Les autorités ont peur de lever ça, parce qu'elles auront montré clairement qu'elles ont échoué », a-t-il déclaré.

A qui la faute?

L'état de siège était et reste considéré par les autorités congolaises comme la dernière cartouche contre l'insécurité. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, l'avait d'ailleurs vite qualifié de « thérapie de choc ». Mais, au Nord-Kivu et en Ituri, des habitants ont toujours accusé le chef de l'Etat de l'avoir instauré dans la précipitation sans penser aux mesures d'accompagnement.

Bien plus, quelques-uns estiment que l'attitude de Kinshasa ne reflète pas le sentiment des dirigeants qui sont en guerre. Ils dénoncent les conditions non enviables dans lesquelles sont maintenues les troupes engagées sur la ligne de front ; ils constatent en outre l'absence d'un arsenal militaire plus offensif que celui d'avant l'instauration de la mesure, etc. Pour ces Congolais, l'état de siège a paru seulement comme étant un remplacement des autorités civiles par des militaires mais qu'aucun iota n'a été touché sur le plan opérationnel.

« Félix Tshisekedi avait pris cette mesure dans la précipitation. Rien n'avait été préparé », estime monsieur Strong Kagheni du PPRD, avant que Jimmy Nziali du mouvement Génération positive ne renchérisse : « Le gouvernement n'a jamais pris le temps de reformer ses services et de les mettre dans des conditions qu'il faut. Or, ça devrait être parmi les priorités de l'Etat ».

Quand l'aspect économique l'emporte sur la sécurité 

Localement, les dirigeants nommés par Kinshasa sont eux aussi accusés d'avoir déjà déserté leur objectif. Au lieu de s'attaquer au vrai problème, ils sont plus penchés vers l'aspect économique. Aussi, certains militaires sont en même temps soupçonnés d'oeuvrer à la solde de l'ennemi et de freiner l'élan des opérations en cours.

Par ailleurs, dans la capitale, d'aucuns suspectent les populations des régions insécurisées de profiter de l'insécurité : « Quittez les groupes armés », lançait déjà le président de l'Assemblée nationale, Christophe Mboso aux députés nationaux de l'Est du pays alors qu'au Nord-Kivu, le gouverneur militaire promettait de « sortir de leurs carapaces » les députés provinciaux impliqués dans la déstabilisation de la région.

De l'autre côté, lors de sa nouvelle visite en ville de Beni en mi-juin 2021, le chef de l'Etat avait dénoncé une mafia ainsi que des magouilles dans les rangs de l'armée. Le président congolais avait alors pointé d'un doigt accusateur ceux qui lui font rapport sur la situation sécuritaire et qui ne jouent pas franc-jeu. Le chef de l'État avait ainsi avoué avoir été menti sur les effectifs des soldats déployés dans la zone des combats et leur prise en charge.

Isaac Kisatiro

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