Le conseil d’Etat a rendu son ordonnance, le jeudi 11 septembre 2023, concernant l’affaire qui opposait le coordonnateur de l’organe de gestion CITES (Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de flore sauvage menacées d’extinction), Augustin Ngumbi, à la ministre de l’environnement et du développement durable, Eve Bazaiba.
Cette ordonnance suspend un arrêté signé le 28 juin de cette année par la ministre de l’environnement et du développement durable transférant l’organe de gestion CITES de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) à la direction du ministère chargée de la conservation de la nature (DCN).
La même ordonnance suspend également les effets d’une lettre signée toujours par Bazaiba le 18 août dernier désignant un nouveau coordonnateur pour l’organe de gestion CITES sans que celui qui est en fonction ne soit affecté ailleurs, révoqué ou sans qu’il n’ait démissionné comme le veut la loi portant statut des agents de carrière des services publics de l'Etat.
En ordonnant la suspension du transfert de la gestion de CITES de l’ICCN au ministère de l’environnement, la plus haute cour administrative du pays motive sa décision par le fait que l’arrêté de la ministre de l’environnement est « illégal » car il modifie « unilatéralement » le décret portant statuts de l’ICCN sans en avoir la compétence.
« Les décisions administratives unilatérales attaquées ont rappelé l'organe de gestion CITES au ministère et désigné un responsable, sans observer les dispositions des articles 8, 24, et 26 du décret n°10/15 du 10 avril 2010 fixant les statuts d'un établissement public dénommé Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, en sigle ICCN. Elles désarticulent le cadre organique de l'ICCN, sans pour autant observer le parallélisme de forme et de compétences. Il se dénote qu'à travers un arrêté ministériel, la deuxième défenderesse s'évertue à modifier un décret du premier ministre, alors qu'il ne lui revient que d'exercer son pouvoir de tutelle par voie d'autorisation préalable, d'approbation, ou d'opposition sur le Conseil d'Administration et/ou la direction générale de cette
structure », lit-on dans cette ordonnance
En ce qui concerne l’obligation de réhabiliter Augustin Ngumbi dans ses fonctions de directeur-coordonnateur de CITES, le juge argumente que la désignation d’un nouveau coordonnateur prive celui qui est en fonction de son droit de travail en violation de l'article 21 de la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l'Etat qui dispose « qu’aucun agent ne peut être privé de son emploi s'll n'a pas reçu une nouvelle affectation, ou s'il n'a pas été placé dans une position d'interruption de services ou s'il n'a pas cessé définitivement ses services pour l'une des causes prévues à l'article 77 de la présente loi ».
« Le juge des référés constate que les décisions prises par la première défenderesse ont pour effet de priver effectivement le demandeur de son emploi. Alors qu'au moment où l'autorité a procédé à la remise et reprise, confirmant ainsi cette privation d'emploi. Le demandeur n'a pas reçu une nouvelle affectation, il n'est pas en position d'interruption de services, il n'a pas non plus cessé à titre définitif ses services tant pour décès, révocation, démission d'office ou volontaire, mise à la retraite, que pour licenciement pour inaptitude physique ou professionnelle », ajoute l’ordonnance.
La RDC a été mise sur la liste noire lorsque la DCN dirigeait la CITES
Pendant plus de 40 ans (de 1973 à 2016), l’organe de gestion CITES était dirigée par la direction de la conservation de la nature du ministère de l’environnement. C’est pendant cette période que la CITES internationale avait placé la RDC sur la liste noire. Ceci parce que les permis congolais d’exportation des espèces de la faune et de flore étaient trop bradés.
D’après un expert de l’ICCN joint par 7SUR7.CD, l’arrêté de la ministre de l’environnement était de nature à replonger le commerce des animaux protégés en RDC dans le noir alors que le pays était de mieux en mieux côté à l’international depuis 6 ans.
« Pendant que la direction de la conservation de la nature dirigeait la CITES, les permis congolais on en trouvait pêle-mêle presque partout dans le monde parce qu’ils n’étaient pas sécurisés et le pays dépassait toujours son quota. Il avait fallu que les experts de la CITES internationale recommandent que l’organe de gestion soit placé sous tutelle de l’ICCN pour pour que la situation puisse s’améliorer. Maintenant qu’on tente de ramener cette tutelle au ministère, tous les efforts consentis par le pays depuis 6 ans risquent d’être anéantis », a-t-il déclaré sous couvert de l’anonymat.
A en croire cet agent, depuis que l’organe de gestion CITES est sous tutelle de l’ICCN, des réformes ont été entreprises pour que les permis congolais sortent de la liste noire. Il s’agit notamment de l’imposition des avis d’acquisition légale, la numérisation du recensement des exploitants de la faune et de flore, l’automatisation du processus de demande et d’obtention des permis d’exportation CITES ainsi que la sécurisation inviolable desdits permis.
Bienfait Luganywa