Communiqué
J’ai été surpris d’apprendre que mes confrères congolais avaient fait l’objet de propos et d’appels menaçants d’officiers assermentés concernant certains des faits qu’ils ont exposés à l’audience du 12 janvier devant le tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe.
Depuis quatre mois, notre client Stanis Bujakera est détenu suite à la publication par son média d’un article se basant sur une note confidentielle de l’Agence nationale de sécurité (ANR) mettant en cause les renseignements militaires dans l’assassinat d’un ancien ministre devenu opposant, Cherubin Okende. Cette note a été qualifiée de fausse par les autorités congolaises sans qu’aucun élément en ce sens ne soit produit pendant plusieurs semaines.
A la veille de l’ouverture du procès le 13 octobre, mes confrères avaient pu découvrir dans un document de la police un spécimen de signature que le parquet estimait authentique, laissant suggérer donc que la note confidentielle n’était pas fausse.
Le tribunal avait également fait une requête auprès de l’ANR elle-même pour obtenir ces éléments. Au cours de l’audience du 22 décembre, le parquet avait annoncé que ces éléments avaient été transmis par le service de renseignements à l’expert désigné par le tribunal. Mes confrères avaient également cru comprendre que cette expertise était sur le point de se terminer, sans qu’ils aient pu y être associés.
Conformément à l’article 48.3 du Règlement Intérieur des Cours, Tribunaux et Parquets (Arrêté d'organisation judiciaire numéro 299/79 du 20 août 1979), certains de mes confrères se sont donc rendus au greffe et ont pris connaissance de ces nouveaux éléments versés au dossier. Ils ont ainsi découvert que la signature et le sceau versés au dossier par l’ANR étaient différents de ceux présentés par le parquet, ce qui remet en cause entièrement toute l’accusation. Ils espéraient que l’expert mandaté par le tribunal aurait fait le même constat de toutes les autres invraisemblances dans ce dossier.
A l’audience du 12 janvier, mes confrères ont été surpris d’apprendre que deux mois après avoir été désigné, l’expert désigné par le tribunal avait décidé de renoncé à mener à bien sa mission faute des moyens nécessaires. Il a affirmé dans un courrier adressé au tribunal que ses équipements avaient brûlé et n’avaient pas été remplacés.
Pour ne pas pénaliser davantage le client qui a déjà purgé une trop longue peine de prison pour un innocent, son collectif de défense a décidé d’introduire une nouvelle demande de remise en liberté provisoire.
Pourquoi laisser Stanis Bujakera en prison si le parquet a lui-même fondé son accusation sur un sceau et un spécimen de signature qui ne sont pas ceux reconnus par l’Agence nationale de renseignements ?
C’est l’unique question sur laquelle la justice congolaise devrait se pencher aujourd’hui.
J’espère que mes confrères pourront continuer à travailler sereinement sans faire l’objet d’intimidations.
J’espère, et je sais qu’en cela, mes confrères congolais se joignent à moi, que le droit sera enfin dit et que les droits de la défense seront respectés.
Me Henri Thulliez pour le collectif d’avocats de la Défense de Stanis Bujakera