"La RDC s’invite à la campagne américaine sous des prismes déformants, Kinshasa invité à éclairer le candidat Trump" (Tribune d'Éric Kamba)

Samedi 17 août 2024 - 15:20
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Donné favori face à Joe Biden atteint par la sénilité, Donald Trump est de plus en plus rattrapé, voire devancé dans les sondages par la vice-présidente Kamala Harris, qui sera confirmée ce week-end candidate démocrate.

Depuis lors, il tente, tel lors de son récent échange avec Elon Musk, de recycler ses thèmes de campagne en surfant, entre autres, sur la question sensible de la migration qui aurait augmenté la criminalité aux USA sous Biden.

A ce sujet, il a accusé le Congo d’avoir libéré de milliers des prisonniers, des meurtriers et des violeurs envoyés comme migrants aux Etats-Unis.

Amplifiés en live par son interlocuteur qui a vu son projet Starlink être recalé en RDC, mais accepté un an plus tôt au Rwanda, ces propos invraisemblables est une indication de l’image négative qui collerait Kinshasa si jamais Donald Trump gagnait l’élection.

Les dirigeants congolais sont ainsi appelés à éclairer le gouvernement américain, plus particulièrement l’ancien président de la République.

Depuis le retrait de la candidature de Joe Biden à sa réélection au vu des signes évidents de sénilité, sa vice-présidente Kamara Harris a repris le flambeau des démocrates aux joutes électorales de novembre prochain. Du coup, un des arguments de taille de Donald Trump, portant sur l’âge de son adversaire qualifié de plus vieux candidat américain à la présidentielle, s’est retourné contre lui ; son désormais challenger, la cinquantaine révolue, étant plus jeune que lui.

Affichant un certain dynamisme, la chouchoute des démocrates, qui a séduit de plus en plus les figures emblématiques de son parti et qui sera confirmée ce week-end officiellement «candidate démocrate» au terme de la Convention de Chicago, a rattrapé le retard sur l’ancien président si elle ne l’a pas devancé dans d’autres Etats.

L’entrée en danse de cette ancienne procureure et sénatrice a bouleversé les calculs du camp républicain qui ne se lasse pas d’user même d’invectives pour garder la main. Depuis lors, le candidat Donald Trump tente de recycler ses thèmes de campagne. Et, entre autres, la question sensible de la migration est un de ses thèmes de prédilection.

Il a surfé dessus à l’occasion de l’échange qu’il a eu ce 12 août avec le milliardaire Elon Musk, patron de Space X, Tesla et « X », l’un des plus grands sites des médias sociaux au monde avec 180 millions abonnés.

Selon l’ancien président américain, la gestion de la migration sous Biden aurait augmenté la criminalité aux Etats-Unis.

Et d’affirmer : «Nous avons des gens qui affluent comme si c’était une apocalypse zombie».

Le soutien de son interlocuteur ne s’était pas fait attendre, notamment qu’il a abordé la question du changement climatique en affirmant de manière ironique que la montée des océans se traduira par «plus de propriété en bord de mer».

Comme lors de la campagne de 2016 avec le Mexique, le Congo s’est invité dans la campagne de Donald Trump. Pince-sans-rire, celui-ci a soutenu que «le Congo a libéré de milliers des prisonniers, des meurtriers et des violeurs qu’il envoie comme migrants aux USA». Elon Musk d’enchaîner : «La situation est incroyable. Ces gens proviennent du Congo.

Très récemment, vingt-deux personnes sont arrivées du Congo. Ce sont des meurtriers qu’ils ont sortis de leurs prisons pour les amener aux Etats-Unis». Et le candidat républicain de rebondir : «Maintenir les prisons coûte cher et je peux t’assurer qu’ils ne le font presque pas. Ils ont pris ces gens de la prison pour les amener aux USA en leur disant : si jamais vous osez retourner au pays, nous allons vous exécuter».

Propos invraisemblables
Ces propos sont invraisemblables. Ni l’ancien président américain, ni le patron de «X», personne n’a apporté les preuves de ses affirmations.

Avec de milliers des prisonniers sortis des prisons congolaises et quand l’on sait que la grande prison du pays, l’ex-prison de Makala, compte 15 000 pensionnaires, les prisons congolaises seraient quasiment vides à l’instant. De quelle manière de gens ont été sortis de leurs geôles, qui les a pris en charge pour les amener aux USA ? Sont-ils arrivés aux USA par charter, avec des visas délivrés par qui ? Les a-t-on arrêtés dans leur pays d’exil ? De qui tirent-ils ces informations : de leur Ambassade à Kinshasa, de l’OIM qui était dirigée par M. Swing, un Américain, ou d’un de leurs Etats mercenaires dans en Afrique ?

Ces révélations fracassantes et rocambolesques ne convainquent même pas d’esprits faibles. Ce sont des affabulations pour les besoins de la cause : salir l’image de la RDC auprès de l’administration américaine à venir si jamais les républicains l’emportaient.

Ceci expliquant cela, il n’est pas exclu que le milliardaire Elon Musk, qui n’a pas écarté la perspective d’être conseiller dans la future probable administration, ait inscrit la RDC sur sa liste noire. En effet, le gouvernement congolais a dit niet à toute connexion au réseau Starlink, vente ou utilisation des équipements de la société du milliardaire américain. Dans un communiqué daté du 15 mars 2024, l’ARPTC (Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications au Congo) avait tenu à préciser que «Starlink» n’a obtenu aucun titre d’exploitation pouvant lui permettre de fournir ses services d’accès à internet ou tout autre service en RDC.

Il en est de même de ses équipements qui n’ont pas encore fait l’objet d’homologation pour leur utilisation sur le territoire national.

Pour mémoire, Starlink, avec environ deux millions de clients dans une cinquantaine de pays au monde, dont la France, le Nigeria, le Bénin et le Rwanda, est un fournisseur d’accès à internet par satellites de la société Space X. Il s’appuie sur une constellation comportant présentement 4 700 satellites de télécommunications placés sur une orbite terrestre basse plutôt que sur celle géostationnaire, ce qui diminue la latence (le temps de réponse).
En cours de déploiement au monde depuis 2019, ce réseau a été implanté au Rwanda, où il servirait, notamment, à des fins militaires une année plus tôt avant que son concepteur pense à la RDC. Il se serait, sans doute, rendu à l’évidence que cette dernière est un grand marché qui lui profiterait beaucoup plus et non sa première destination. Est-ce toute la colère du milliardaire Elon Musk qui fraternise ainsi avec l’autre milliardaire candidat à la présidentielle américaine de novembre ?

Le gouvernement congolais alerté
Le gouvernement congolais est appelé donc à réagir face à cette cabale qui se préparerait sur fond des propos invraisemblables et des affirmations gratuites débitées par des personnalités aussi bien éminentes qu’influentes du microcosme politique et d’affaires aux USA. Ceci de manière à éclairer par anticipation le gouvernement américain en général et le candidat Donald Trump en particulier. Il apparait que celui-ci semble être mené dans un bateau.

Autant le camp Kamala Harris l’a fait pour prévenir l’opinion américaine, autant l’exécutif congolais est convié non seulement à éclairer l’opinion américaine, mais à fixer aussi celles congolaise et africaine. Pour l’équipe de la candidate américaine, Elon Musk est tenté de contrôler la démocratie américaine, parce qu’engagé à donner des millions de dollars pour la réélection de Trump. Et celle-ci d’ajouter : «Maintenant, il utilise également sa plateforme achetée – l’un des plus grands sites des médias sociaux au monde  - pour diffuser le programme déséquilibré et haineux de Trump auprès de de millions de personnes, des utilisateurs».

Sans pour autant s’impliquer dans la campagne américaine pour prendre faits et causes pour tel ou tel autre candidat, les Congolais sont appelés à ne pas être naïfs. Il s’observe que nombre d’entre eux, accusant les démocrates depuis Bill Clinton d’appuyer le Rwanda contre leur pays, semblent pencher vers Donald Trump, soutenant que lors de son premier mandat le Congo avait connu un certain répit quant à sa situation sécuritaire à l’Est. Surtout que ce dernier a fait savoir qu’aussitôt élu il va mettre fin aux guerres, particulièrement celle en Ukraine.

En effet, quel que soit son parti politique, voire sa race, celui qui va gagner l’élection prochaine aux USA va s’investir d’abord pour son pays. L’exemple patent est celui de Barack Obama. Ses origines africaines n’ont rien changé à la politique africaine des Etats-Unis. C’est d’abord leurs intérêts qu’Elon Musk ainsi que plusieurs autres multinationales américaines poursuivent au Congo. Et cela peut-être à n’importe quel prix.

Par Éric Kamba , Analyste de la Géopolitique et Coordonnateur de CADA