
L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) tire la sonnette d’alarme sur l’état du système éducatif congolais, qu’il qualifie de « néocolonial » et inadapté aux besoins du pays. Dans une étude publiée ce lundi 20 octobre 2025, l’organisation plaide pour une refondation en profondeur du modèle éducatif en République démocratique du Congo (RDC) et appelle à la convocation urgente des états généraux de l’éducation.
D’après l’ODEP, soixante-cinq ans après l’indépendance, le système éducatif congolais reste « un véritable frein au développement du pays ». L’organisation estime qu’il est urgent d’engager une réflexion nationale afin d’adapter l’éducation aux réalités sociales, culturelles et économiques actuelles.
Parmi les premières mesures préconisées, figure la tenue des états généraux de l’éducation, qui devraient servir de cadre à une refonte complète des programmes, de la formation des enseignants et du financement du secteur.
Refondre les programmes pour une école adaptée au contexte national
Au cœur des réformes envisagées, l’ODEP propose la création ou la redynamisation d’un Centre d’Élaboration des Programmes (CEP). Ce centre aurait pour mission de définir des objectifs pédagogiques clairs, de coordonner avec les enseignants et experts pédagogiques, et d’adapter en permanence les programmes scolaires à l’évolution de la société et aux besoins du marché du travail.
Le rapport insiste sur la nécessité d’évaluer les programmes selon trois axes : le programme prévu, le programme appliqué et le programme accompli. Le CEP devrait également réaliser des analyses comparatives avec d’autres pays pour identifier les meilleures pratiques et favoriser l’innovation pédagogique.
Améliorer la condition des enseignants et les infrastructures scolaires
Le deuxième axe des réformes proposées concerne le statut des enseignants. L’ODEP plaide pour l’amélioration de leurs conditions de travail, la formation continue et la montée en qualification, afin de renforcer la qualité de l’enseignement à tous les niveaux.
Le troisième point soulevé touche aux installations éducatives et matériels didactiques. L’organisation suggère de moderniser les infrastructures scolaires, d’assurer une gestion efficace des établissements, de mettre à disposition des ressources pédagogiques suffisantes, de réaménager le temps scolaire et de créer des unités de contrôle pour garantir la qualité des apprentissages.
Repenser les trois niveaux d’enseignement
Pour l’ODEP, la revitalisation et l’universalisation de l’enseignement primaire ne doivent pas se limiter à scolariser davantage d’enfants, mais viser une éducation de qualité.
« L’école primaire doit permettre à l’enfant de construire son identité culturelle et citoyenne tout en lui donnant les outils nécessaires pour comprendre et transformer son environnement », souligne le rapport.
L’enseignement secondaire : rigueur, créativité et esprit critique
À ce niveau, l’objectif est de développer la rigueur de la pensée, l’esprit de décision, l’imagination créatrice et le sens critique. L’ODEP recommande un enseignement qui forme des citoyens capables d’observer, d’analyser et d’interpréter les réalités économiques, sociales et environnementales du pays.
L’enseignement supérieur : excellence et innovation
L’organisation insiste sur un enseignement supérieur tourné vers la formation professionnelle et la préparation à l’emploi. Elle préconise la création d’écoles de formation et de perfectionnement de cadres, la diversification des universités provinciales, l’instauration de programmes d’excellence au troisième cycle et la promotion de la coopération régionale et interuniversitaire.
« Le pays a besoin, au-delà de citoyens alphabétisés, de chercheurs, de techniciens et de décideurs hautement qualifiés, capables d’innover et de piloter les politiques publiques », souligne l’étude.
Former pour produire : l’urgence de la formation professionnelle
L’ODEP considère la formation professionnelle comme un levier direct d’insertion économique et un pilier du développement productif. Elle recommande d’aligner les filières de formation sur la demande réelle du marché du travail, de renforcer le lien entre formation et emploi, de moderniser les centres de formation, et d’associer les entreprises au financement partiel des programmes.
Financement : priorité à la transparence et à la bonne gouvernance
Le financement du système éducatif constitue un autre défi majeur. Pour l’ODEP, les ressources principales doivent provenir des recettes publiques collectées et gérées par les régies financières de l’État. L’organisation plaide pour une gouvernance budgétaire transparente et équitable des allocations du secteur de l'éducation.
En complément, elle invite à explorer des mécanismes innovants de financement, notamment à travers des partenariats public-privé, un fonds d’investissement éducatif et des contributions volontaires de la société civile. Ces sources additionnelles, précise l’ODEP, doivent cependant compléter et non remplacer le financement public afin de garantir l’égalité d’accès à l’éducation.
Appel à l’action nationale
En conclusion, l’ODEP estime que seule une réforme globale et concertée permettra à l’éducation congolaise de jouer pleinement son rôle dans le développement national. La tenue urgente des États généraux de l’éducation apparaît, selon elle, comme une étape indispensable pour repenser les fondements du système et construire une école au service de l’avenir du pays.
ODN