Le Centre Carter appelle à une réforme du système fiscal minier afin de bien canaliser les recettes issues de minerais stratégiques dont le cuivre, le cobalt et le lithium dans le but de garantir leur utilisation au service du développement durable de la République démocratique du Congo.
Cette structure américaine l'a dit à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, lors d'un dialogue citoyen organisé à la 9ᵉ édition de la Conférence DRC Alternative Mining Indaba tenue sous le thème « Minerais stratégiques de la RDC : entre enjeux géopolitiques mondiaux et impacts socioéconomiques locaux » du 29 au 31 octobre 2025.
D'après Baby Matabishi, Israël Tatu et Fabien Mayani qui ont signé cette analyse parvenue ce lundi 03 novembre 2025 à 7SUR7.CD, le cobalt, le cuivre, le lithium, le coltan ou le germanium dits minerais stratégiques placent la RDC au cœur de la transition énergétique mondiale. Entre 2018 et 2025, la flambée de la demande mondiale a fait bondir les recettes minières de 1,5 milliard USD à plus de 7 milliards USD, selon les rapports ITIE-RDC. Mais ils précisent que cette manne n’a pas eu l’impact attendu sur le terrain.
« L’indice de développement humain du pays n’a progressé que marginalement, passant de 0,474 à 0,481, plaçant la RDC au 180ᵉ rang mondial sur 193. La croissance du secteur minier ne s’est pas traduite par une amélioration du bien-être des Congolais. Cela tient à la fois à des incohérences fiscales et à une gouvernance opaque des recettes publiques », ont-ils écrit.
Les études menées par le Centre Carter et ses partenaires dans les pôles de Kinshasa, Lubumbashi et Kolwezi ont identifié neuf (9) défis majeurs dont l’absence de coordination entre les services fiscaux et miniers ; la prolifération de taxes (près de 60 impôts et redevances recensés, dont la majorité peu rentables) ; la mise en place d’instruments fiscaux inadaptés, tels que l’impôt spécial sur les profits excédentaires (ISPE), difficile à appliquer ; le manque de digitalisation et de moyens logistiques dans l’administration ; et la faible implication des citoyens dans la gestion des recettes minières.
Côté dépenses, le rapport souligne que 70 % de recettes minières sont orientées vers le fonctionnement des institutions et les rémunérations politiques, au détriment des investissements structurants.
Face à ce tableau, le Centre Carter plaide pour une rationalisation du régime fiscal et une modernisation de l’administration afin de rendre le système plus simple, transparent et équitable. Parmi les recommandations clés, le centre note la réduction du nombre de taxes et la suppression des prélèvements illégaux ou redondants ; la suppression des exonérations injustifiées et la stricte application du Code minier à tous les opérateurs ; la création d’un guichet unique de collecte des recettes, pour centraliser les paiements et limiter les pertes ; l’introduction de redevances minières à taux variables, adaptées aux réalités du marché et aux types de minerais ; le renforcement de la coordination entre le ministère des Finances, celui des Mines et les régies financières ; et la digitalisation complète de la chaîne fiscale pour garantir la traçabilité et réduire les risques de corruption.
Au-delà de la collecte, le Centre Carter insiste sur la nécessité d’une gestion transparente et responsable des recettes minières. Il recommande de préaffecter une partie de ces revenus au financement de projets de développement durable, suivant le modèle du Ghana, où les recettes pétrolières servent à financer des infrastructures et à garantir les droits des générations futures.
Parmi les recommandations complémentaires formulées lors des dialogues citoyens, il y a : documenter l’affectation des paiements effectués par le FPI (Fonds de promotion de l’industrie) pour s’assurer de leur usage réel ; associer les ministères du Plan et du Développement dans la planification des projets financés par la rente minière ; renforcer les contrôles de la production et des exportations par les services d’assiette (CEC, OCC) ; impliquer le pouvoir judiciaire pour sanctionner les abus dans la gestion des recettes ; financer la recherche géologique pour préparer la découverte de nouveaux gisements et assurer la pérennité du secteur.
Le rapport met également l’accent sur la participation citoyenne, indispensable pour démocratiser la gouvernance minière dans la mise en place d’un cadre permanent d’échanges entre l’État, le secteur privé et la société civile ; le renforcement des capacités des organisations locales pour le suivi citoyen et le contrôle budgétaire ; la coopération régionale et internationale pour partager les expériences réussies ; et la promotion d’une classe moyenne locale, moteur de consommation et d’innovation, afin de diversifier l’économie au-delà des minerais.
Patient Lukusa, à Lubumbashi