Mathieu Ngudjolo n’est pas encore au bout de son calvaire ! A peine rentré le 11 mai d’Europe et plus précisément des Pays Bas, voilà que celui qui espérait enfin humer l’air de la liberté retrouvée entre les mains des «services». Selon la communiqué de presse signé par Didier Nkingu, ci-devant administrateur chargé des Affaires Juridiques de l’APRODEC asbl, l’ancien chef d’une des milices lendu en Ituri « a été expulsé le lundi 11 mai à 10 heures 40 à partir de l’aéroport international de Bruxelles-Zaventem avant d’être embarqué dans un vol régulier SN357 de la compagnie belge Brussel Airlines à destination de Kinshasa. Dès sa descente de l’avion qui le ramenait d’Europe, il a été pris en charge par l’ANR et il demeure séquestré dans un hôtel situé sur le Boulevard du 30 juin».
Toujours selon ce communiqué signé le 12 mai dernier à Bruxelles, c’est par route, dans une voiture banalisée que la Police hollandaise a acheminé l’infortuné jusqu’à Bruxelles où il a été remis entre les mains de la Police belge.
Ngudjolo victime d’un kidnapping ?
Auparavant, indique-t-on, Mathieu Ngudjolo avait cherché en vain d’être entendu par les autorités hollandaises et belges en vue d’obtenir un asile politique dans un de ces deux Etats du fait que son retour en RDC risquait de lui coûter cher. L’APRODEC dénonce ce coup qui s’apparente à un enlèvement dès lors qu’un accord de siège avait été signé entre les Pays-Bas et la Cour Pénale Internationale consacrant l’inviolabilité de ses bâtiments. On se demande alors comment celui qui venait d’être acquitté par la justice pénale internationale a-t-il pu se retrouver sur le territoire hollandais contre son propre gré alors que le centre de la CPI échappe à la souveraineté des Pays-Bas ? On se demande aussi comment la Police hollandaise a pu entrer en Belgique avec un individu ne détenant aucun titre de séjour régulier.
Saisine de la Cour Européenne des Droits de l’Homme
La famille de l’infortuné et ses avocats menacent de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme contre la compagnie aérienne Brussels Airlines, les deux Etats belge et hollandais pour avoir envoyé quelqu’un vers une destination à hauts risques. D’autant plus que l’ancien chef de l’un des milices Lendu en Ituri avait fait part de ses inquiétudes quant à son retour au pays de ses ancêtres où il ne compte pas que des amis. De même, cet homme doit en savoir plus sur certains dossiers sensibles de l’Ituri.
Le calvaire de Mathieu Ngudjolo
On rappelle à cet effet que Mathieu Ngudjolo avait été rappelé par la hiérarchie militaire en 2006 à Kinshasa et c’est de l’aéroport international de Ndjili qu’il a été arrêté et transféré immédiatement le même jour par un vol spécial à la CPI pour y être incarcéré, au motif d’avoir commis des crimes de guerre en Ituri. Son procès connaitra de nombreux rebondissements marqués par des requalifications des faits infractionnels lui reprochés jusqu’à son premier acquittement intervenu il y a deux ans. Du fait que d’une part, les témoins à charge ne faisaient que se contredire ou déposer des accusations mensongères et d’autre part le Procureur de l’époque, Luis Moréno Ocampo, avait un moment été accusé de subornation des témoins.
C’est parce que des témoins à charge et à décharge n’avaient pas pu établir que Ngudjolo était sur les lieux du massacre à Bogoro mais que par contre il se trouvait, en sa qualité d’infirmier, dans un centre hospitalier pour assister les femmes en train d’accoucher, que les juges siégeant l’avaient acquitté. Le procureur Luis Moreno Ocampo allait se pourvoir en appel sans pour autant apporter de nouveaux éléments établissant la culpabilité du prévenu.
Entretemps, ses avocats avaient réussi à tomber sur une correspondance adressée par le Conseil National de Sécurité à l’Etat-Major Général des FARDC pour l’instruire, au nom du Chef suprême de l’Etat-Major Intégré, de préparer des troupes pour procéder aux opérations de ratissage à travers une dizaine des localités et villages en Ituri dont particulièrement la localité de Bogoro. Cet Etat-Major Intégré comprenait les FARDC et toutes les milices locales opérant en Ituri, dont celles de Mathieu Ngudjolo. Ce document avait été d’une importance capitale car il avait prouvé d’une part que ce sont des éléments de ces troupes intégrées qui avaient opéré à Bogoro et Mathieu Ngudjolo n’y était pas. D’autre part, c’est dans cette localité qu’on avait déploré des massacres attribués à tort aux éléments de Ngudjolo. Voilà l’élément déterminant qui avait poussé pour la seconde fois les juges de la CPI à acquitter définitivement cet homme aujourd’hui porté disparu au lendemain de son retour au pays de ses ancêtres.
L’argument du gouvernement rejeté par la famille Ngudjolo
Selon le porte-parole du gouvernement, Mathieu Ngudjolo aurait été invité à l’Agence Nationale des Renseignements pour y être entendu sur les différentes péripéties de son long procès. Cette position est battue en brèche par les avocats et les membres de la famille de l’infortuné. Ceux-ci répliquent que le dossier complet de leur client et frère se trouve au greffe de la Cour Pénale Internationale et probablement à son bureau de liaison de Kinshasa, où il peut être consulté par n’importe qui et à tout moment. Ils ajoutent que cet argument brandi par le gouvernement ne tient pas la route car il ne résiste pas à la moindre critique, a déploré l’administrateur chargé des affaires juridiques de l’APRODEC où a adhéré librement Mathieu Ngudjolo au lendemain de son acquittement. Affaire à suivre.
F.M.