ACB : Michel Losembe rend le tablier

Mercredi 27 avril 2016 - 11:27
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Objet : Ma démission

Monsieur le Secrétaire Général, Cher Célestin,

J’ai l’honneur de vous informer que mon mandat comme Directeur Général de la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) arrivant à son terme, nos statuts m’amènent à donner, à dater de ce jour, ma démission du poste de Président de l’Association Congolaise des Banques que j’ai occupé depuis fin 2006. Trois mandats ont sanctionné mon passage à cette fonction, un premier comme intérimaire du Président sortant suivi de deux mandats pour lesquels j’ai été élu par mes pairs.

Je saisis cette occasion pour porter un regard rétrospectif sur les acquis de la corporation durant mes mandats et pour souligner les défis que devra relever mon successeur, à qui je souhaite d’ores et déjà pleins succès.

Durant les huit années de ma présidence, avec le concours et l’engagement personnel de chacun des Directeurs Généraux des Banques, l’ACB a mis à son actif plusieurs réalisations que je me permets
d’énoncer brièvement ci-après.

En ce qui concerne les indications sur l’évolution du système bancaire, il y a lieu de relever les avancées suivantes :
– Le total bilan, qui a été multiplié par cinq (5) ;
– Le total dépôt qui a été multiplié par 4 ;
– Le total du financement à l’économie a été multiplié par 4 ;
– Le total du revenu de la profession multipliée par 4 également ;
– Le secteur compte à ce jour dix-huit (18) établissements bancaires,
soit près de 3 fois plus qu’en 2008.
– Le nombre de comptes bancaires a également connu le même type de progression pour excéder les 5 millions actuellement Ces évaluations ont favorisé non seulement un meilleur maillage du réseau bancaire, une diversification de l’offre, une démocratisation progressive de l’accès aux services bancaires de base mais aussi un meilleur positionnement de l’ACB et de ses membres en tant qu’accélérateurs de croissance et acteurs incontournables de l’émergence économique de la RDC.

Au nombre d’avancées enregistrées par notre corporation, aussi bien sur les plans juridique, réglementaire, fiscal que la technologie, il y a lieu d’épingler entre autres et de façon non exhaustive :
– L’acquisition de la personnalité juridique en tant qu’Association
Sans But Lucratif ;
– La consolidation de la position de l’ACB en tant que partenaire de
premier rang du Gouvernement dans une dynamique de partenariat public
privé, comme en atteste le rôle remarquablement joué par les banques
dans la conception, l’implémentation et la conduite de la
bancarisation de la paie des fonctionnaires ;
– L’implication régulière de l’ACB dans toutes les initiatives tendant
à favoriser l’inclusion financière, particulièrement, le rôle joué aux
côtés de la Banque Centrale du Congo dans la sensibilisation du public
aux questions d’épargne ;
– L’implémentation satisfaisante du droit OHADA dans le secteur bancaire ;
. La signature d’un protocole d’accord avec la CENAREF pour lutter
contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;
– L’évolution remarquable de la monétique en RD, cette dernière
décennie permettant un accès inégalé aux services bancaires ;
– Le développement rapide de e-banking et des produits de monétique
(GIE des 4 banques) ;
– les desserts de l’offre bancaire dans des coins de plus en plus
reculés du pays, malgré des conditions de profitabilité peu
incitatives ;
– L’adhésion de l’ACB à l’Association des Banques de la SADC et à
l’Union des Banques Francophones propulsant les banques congolaises
sur la scène internationale ;
– La représentation de l’ACB au Conseil Economique et Social,
organisation ayant la capacité d’intervenir dans les décisions au plus
haut niveau institutionnel en RDC ;
– La mise en place d’un partenariat efficace avec le Centre de
Formation de la Profession Bancaire, CFPB en sigle, en vue de la
formation continue et du renforcement des capacités des cadres et
agents de l’industrie bancaire congolaise.
Au vu de ce qui précède, je peux affirmer que l’ACB a bien rempli son
rôle de promoteur et de défenseur infatigable des intérêts de la
corporation. Nous devons maintenir ce dynamisme et adopter davantage
une approche avant-gardiste, afin de mieux appréhender les défis
multiformes qui se présentent encore sur notre secteur.
Je me fais le devoir de rappeler, de manière incitative, quelques
chantiers que l’ACB doit continuer à entreprendre pour le renforcement
et l’évolution significative du secteur bancaire ;
– La mise en place d’un fonds de garantie des dépôts comme mécanisme
de protection des épargnants, doté d’un modèle de gestion multipartite
incluant les banques commerciales, les associations des déposants et
l’Etat,
– La finalisation d’une Centrale des Risques fiable, sans laquelle la
fonction d’intermédiaire ne peut être sécurisée ;
– La modernisation de la législation bancaire, dont les principaux
textes datent du début des années 2000, au vu du développement rapide
du secteur bancaire ces dernières années ;
– L’amélioration significative de la sécurité juridique et judiciaire
qui se traduit par la propension de certaines juridictions à s’adonner
à des pratiques peu favorables au développement du secteur bancaire et
du développement tout court ;
– La mise en place effective des évolutions juridiques permises par le
droit OHADA (notamment en matière de recouvrement des dettes de l’Etat
et de procédures de cantonnement des saisies judiciaires) ;
– L’obtention de la sacro-sainte déductibilité fiscale des provisions
sur créances douteuses pour encourager la prise de risque dans des
conditions de rentabilité plus acceptables ;
– La finalisation du processus de modernisation du système national de
paiement et de désignation d’une banque de règlement en monnaies
étrangères ;
– La matérialisation de la force des banques et la prise d’actions
urgentes et efficaces pour lutter contre la prolifération de la fraude
bancaire. Car le système bancaire ne peut, à ce stade de sa
reconstruction, se permettre d’entretenir un risque réputationnel
croissant ;
– Le relèvement plus efficace des challenges liés à l’infrastructure,
à la sécurité et à l’énergie, lesquels constituent un facteur de
ralentissement de l’expansion du réseau bancaire en ce qu’elles
maintiennent les coûts d’exploitation à un niveau très élevé,
impactant négativement la profitabilité du secteur et amenuisant sa
capitalisation ;
– De même, l’obtention d’un code d’Investissement propre au secteur
financier, dont l’absence dénote paradoxalement au souhait répété des
pouvoirs publics de voir les banques installées à revers tout te
territoire national; Et de nombreuses autres instances dans
lesquelles l’ACB doit continuer le travail ‘ entamé. Il va sans dire
que la résolution de ces obstacles, comme d’autres défis non encore
relevés, ne profitera pas simplement au secteur bancaire, mais à
l’économie nationale au sens large.
Je saisis ici la nécessité, de relever l’Objectif principale notre
profession. L’avenir et l’expansion de notre métier dépendent d’abord
et avant tout, de la confiance que nos clients nous octroient. Elle
exige que nous nous mettions au diapason de leur esprit d’entreprise.
Je convie donc l’ACB à accorder une attention particulière à certaines
réformes’ en cours et lancées durant mon mandat qui impacteront
sensiblement l’activité bancaire et à se les approprier, et à rester
proche des associations représentatives du secteur privé comme la
Fédération des entreprises du Congo (FEC) dont le représentant de
l’ACB est le vice-Président chargé des Finances.
L’ACB doit également regarder vers le futur et les nouveaux défis,
les nouveaux chantiers. D’abord, l’entrée de jeu des
télécommunications dans les domaines d’influence et d’activités des
banques devrait nous donner matière à réflexion pour inventer un
modèle économique du futur.
Il faut surtout, à mon sens suivre de près la réforme issue du
nouveau code des assurances en raison des perspectives infinies
qu’elle augure pour le secteur financier et la croissance économique.
L’ACB doit s’inscrire dès le début dans l’émergence de ce secteur et
s’investir dans la mise en place d’une structure de surveillance
consacrée aux secteurs bancaire et assuranciel fonctionnant en toute
autonomie.
Mais avant de construire, il faut renforcer Iles fondations du
système, s’assurer au vu de la complexité croissante des opérations
bancaires en ROC aujourd’hui que la réglementation prudentielle
bancaire du pays évolue de manière décisive. Des sujets tabous tels
que le relèvement du capital social minimum des établissements de
crédit et la nature de leur actionnariat devront revenir sur la table
de manière à jeter les bases d’une évolution crédible et pérenne du
système financier. L’importance de cette réforme est d’autant plus
évidente au vu de l’actualité concernant la BIAC, dont j’ai été le
Directeur Général entre 2013 et 2016.
Lors de ma désignation en 2013, les mandataires sociaux sur
suggestion du régulateur, m’avaient confié la mission, au regard de la
situation précaire dans laquelle la BlAC se trouve de mener à bon port
le processus de sa restructuration, les actionnaires s’étant eux
engagés à recapitaliser la banque.
Un mandat que j’ai rempli avec passion et dévouement, et que j’aurais
souhaité terminer sur une note autre que celle du contexte de crise
qui la caractérise en ce moment.
En effet alors que le plan d’action élaboré de commun accord avec la
Banqué Centrale du Congo était en cours d’exécution un choc exogène
-provoqué par un retrait soudain et toujours inexpliqué d’un
refinancement pourtant dument accordé -sur un édifice encore fragile
et sous capitalisé a exposé la BlAC à des difficultés de trésorerie
amenuisant sa liquidité vis-à-vis des déposants et partant, de la
confiance lui accordée par le public.
Après intervention des plus hautes autorités de l’Etat, la BlAC a pu
obtenir de la Banque Centrale la remise en place dudit financement,
voire même au-delà dans une tentative de rattraper la crise de
confiance. Cette action bien que  tardive est salutaire car elle
dénote d’une volonté de rétablir les équilibres de la quatrième banque
du pays et la confiance du public dans le système bancaire en plein
construction.
La situation de la BlAC était précaire en 2013 et le reste en 2016 ;
j’invite dès lors les membres de l’Association à l’instar des
autorités publiques aujourd’hui à un exercice de solidarité envers la
BIAC car, ne pas le faire pourrait avoir un impact sévère sur la
confiance, et sans confiance pas de système bancaire. .
N’oublions pas que l’un des piliers de notre métier est la protection
de l’épargne publique et il est crucial, dans le contexte actuel plus
que jamais, que l’Indépendance de l’Institut d’Emission dans sa
capacité de garant de la politique monétaire et de supervision du
secteur financier soit assurée et que son rôle de prêteur en dernier
ressort, de pourvoyeur de liquidité soit une réalité.
Bien que nous ayons observé pour le moment le caractère non
systémique de la crise BIAC sur l’espace financier congolais; la
stabilité et la croissance du secteur bancaire que nous avons obtenue
au prix de durs labeurs et d’un engagement acharné de l’ACB doit être
préservés grâce à l’étroite collaboration entre tous les acteurs de la
profession, de la Banque Centrale et des Pouvoirs Publics réunis.
Enfin, et pour clore mon propos, je réitère mes sincères
remerciements aux Directeurs Généraux des banques qui tant par leur
implication personnelle que par la mise à disposition des cadres et
agents de leurs banques respectives ont permis de donner vie à notre
chère Association.
Je vous laisse donc une association prospère et fructueuse, dont tes
mérites ne sont plus à prouver et une association dont l’impact dans
le secteur est clair et positif.
Je vous remercie de la confiance que vous m’avez accordée en tant que
simple membre puis comme président de l’ACB et je suis fier d’avoir eu
cette formidable opportunité de partager l’expérience ACB avec chacun
des membres de ses structures statutaires -le Bureau Permanent le
Comité de Direction, le Secrétariat Général et les différentes
commissions – et avec tous ceux qui y ont contribué à un moment ou un
autre au succès de l’ACB.
Une attention particulière à vous, Monsieur le Secrétaire Général,
mon cher Célestin pour le travail formidable que vous avez fait pour
donner corps à l’ACB par votre diplomatie et votre sens de
l’abnégation tellement indispensable à donner vie à une structure
regroupant par  essence 18 concurrents! Nous avons tous ensemble mené
des combats justes, décroché des victoires méritées; mais nous avons
aussi affronté des difficultés certaines, tant sur l’environnement des
affaires en général que celui des banques en particulier.
Je me retire honoré de céder les symboles présidentiels, fussent-il à
titre intérimaire au Directeur Général de la Banque Commerciale du
Congo (BCDC) Mr Yves Cuypers, notre 1er  Vice-Président, un homme de
qualité et valeur, épris du même souci de défendre la cause des
banques.
Tout en vous demandant de bien vouloir diffuser la présente aux
membres de l’Association, je vous prie d’agréer, Monsieur le
Secrétaire Général, l’expression de mes sentiments distingués et vous
remercie du chemin parcouru ensemble.
Michel Losembe
Président