Amnesty International craint de les voir condamnés à mort
Il est de plus en plus à craindre que 41 personnes détenues depuis début juin ne soient jugées prochainement par un tribunal militaire, et notamment qu’elles encourent la peine de mort, car elles ont été transférées récemment dans une prison militaire, a déclaré Amnesty International dans un communiqué. Le transfert de ces 41 prévenus a eu lieu le 5 août dernier.
Les 41 suspects, des civils à l’exception de quatre policiers et deux militaires, ont été transférés de l’ANR au parquet militaire du Nord-Kivu, qui est lié à un tribunal militaire.
» Ce transfert ne fait qu’accroître la probabilité déjà élevée que les suspects soient jugés par un tribunal militaire qui les priverait de recours juridiques, y compris du droit d’interjeter appel, a déclaré Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, les Grands Lacs et la Corne de l’Afrique.
La compétence des tribunaux militaires en matière pénale doit se limiter aux procès concernant des militaires qui ont enfreint le règlement, sans aller jusqu’aux infractions de droit commun, aux infractions au regard du droit international ni aux violations des droits humains. En outre, le droit international interdit que des civils ne soient jugés par des juridictions militaires, et ce quelles que soient les circonstances. « , affirme-t-elle.
Il y a deux mois
Les personnes concernées avaient été arrêtées lors d’une opération de répression, menée il y a deux mois par les forces de sécurité, après que des hommes armés aient attaqué l’aéroport de Goma, dans la province du Nord-Kivu, et plusieurs quartiers de la ville, le 2 juin 2015.
Elles se trouvaient depuis plus de 60 jours au centre de détention de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) à Goma et n’avaient pas été déférées à un juge civil. Elles étaient détenues au secret et contraintes à dormir à même le sol en béton, note l’Ongdh.
» Arrêtés dans le cadre de l’opération de répression qui a suivi l’attaque de l’aéroport de Goma et inculpés de plusieurs infractions, notamment d’insurrection, ces détenus risquent maintenant d’être condamnés à mort par un tribunal militaire, a déclaré Sarah Jackson. » Il est capital qu’ils soient jugés équitablement par un tribunal civil et que leur procès soit conforme aux normes internationales en matière de droits humains, y compris le droit d’interjeter appel et de bénéficier d’autres types de recours. « , martèle -t- elle.
Rappel des faits
Le 2 juin, l’aéroport de Goma et plusieurs quartiers de la ville ont été attaqués par un mouvement armé se faisant appeler Union des patriotes congolais pour la paix (UPCP), sous la houlette de Célestin Kambale Malonga. Au moins quatre personnes, dont deux membres de la garde présidentielle chargés de la sécurité aéroportuaire, ont été tuées. Les auteurs présumés de l’attaque, y compris Célestin Kambale Malonga, ont été arrêtés un jour après.
Les forces de sécurité congolaises, notamment la garde présidentielle, la police militaire et l’ANR, ont interpellé au moins 75 personnes. Celles-ci ont été incarcérées au centre de détention de l’ANR, à Goma. Plusieurs personnes ont été relâchées par la suite mais 41 suspects sont toujours détenus.
L’article 87 du Code judicaire militaire dispose que » les arrêts rendus par les cours militaires opérationnelles ne sont susceptibles d’aucun recours « .
Il va à l’encontre de l’article 21 de la Constitution congolaise et de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la RDC est partie depuis 1976. En effet, le droit d’interjeter appel est inscrit dans ces deux textes. Bien que la RDC n’ait procédé à aucune exécution depuis 2003, les personnes détenues dans le cadre de l’affaire de Goma risquent véritablement d’être condamnées à mort, regrette l’Amnesty International.
Par Godé Kalonji Mukendi