Ancien seigneur de guerre et homme fort de l’Ituri, devenu général de brigade au sein des Fardc, pour avoir renoncé à la lutte armée, Germain Katanga Simba, a comparu hier mercredi 3 février 2016, devant la Haute Cour Militaire appelée à examiner les nouvelles poursuites judiciaires engagées contre lui, son collègue le général de brigade Goda Sukpa Emery et leurs collaborateurs, le colonel Mateso Nyinga, le lieutenant-colonel Masasi Drati, et le capitaine Ngole Justin, par l’auditeur général des Fardc.
Deux civils comparaissent dans cette cause : Floribert Ndjabu Ngabu et Mbodina Iribi Pitshou, tous deux dirigeants des milices armées FNI/FRPI. Ces deux mouvements insurrectionnels, a relevé le greffier en chef de la HCM, le colonel Jean-Philippe Nkiama Mata, en dévoilant les actes de procédure, notamment les libellés des préventions, les citations à prévenus et les décisions de renvoi, avaient lancé des attaques contre les populations de certains villages de l’Ituri situés le long du lac Albert, tué des habitants et pillé leurs biens. En effet, entre 2002 et 2005, ils avaient procédé à l’enrôlement des enfants de moins de 15 ans dans leurs groupes et les avaient fait participer aux hostilités contre les forces loyalistes et les groupes armés rivaux.
Dans sa comptabilité macabre, l’auditeur général des Fardc a inscrit à leur charge, 14 personnes tuées à Bunia, et 60 personnes autres dont M. Omari, ainsi que des membres de nombreuses familles. Ce qui donne un catalogue des préventions comprenant des crimes de génocide, crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des atteintes contre les institutions de la république et contre l’intégrité territoriale. A cela s’ajoutent des actes contre les lois et coutumes dans les territoires qu’ils avaient occupés.
Le décor ainsi planté, l’audience d’hier mercredi 3 février 2016, a démarré par l’examen de la demande de l’Agence France Presse qui avait sollicité l’autorisation de couvrir ce procès avec des moyens audiovisuels.
Dans son avis, l’OMP représenté par le général de brigade Molisho, a indiqué qu’il ne voyait aucun inconvénient à l’utilisation des caméras, des appareils photo et autres matériels. Réconforté par cette position, le président de la 1 ère chambre, le général de brigade Bivegete, très serein, a autorisé la couverture de cette affaire par les médias. Ce qui cadre avec la liberté de la presse et répond au besoin des avocats de la défense de voir cette affaire suivie par toute la population congolaise. D’ailleurs dans le prétoire, l’on a épinglé la présence de quelques confrères des chaînes périphériques, des représentants des ONG de défense de droits de l’Homme et des délégués de la CPI.
L’audience s’est ensuite engagée dans une joute juridique houleuse et passionnée sur plusieurs préalables procéduraux soulevés par le collectif des avocats de la défense. Entre autres incidents de procédure, la défense a tenu à rappeler que Germain Katanga, déféré devant la CPI en son temps, par la volonté souveraine du gouvernement congolais, avait été jugé et condamné par cette juridiction internationale, à 12 ans d’emprisonnement. Sur cette base, il mérite de recouvrer sa liberté de mouvement et retrouver sa famille. Les avocats ont en outre, fait voir que cet ancien seigneur de guerre ne méritait pas un nouveau procès dès lors que les enquêtes menées par l’auditeur général des Fardc ont été complétées par des investigations du Procureur de la CPI, pour les périodes allant de 2002 à 2005. La défense a alors évoqué l’article 110 du Statut de Rome qui stipule que le condamné détenu par l’Etat chargé d’exécuter la peine, ne peut le poursuivre, ni le condamner pour des comportements antérieurs à sa condamnation. Donc entre 2002 et 2006.
La CPI ayant ainsi vidé sa saisine, les avocats des prévenus ont relevé l’incompétence de la HCM, surtout que des accords ont été signés par les ministres de la Justice de la RDC et la CPI. Aucun acte ne peut justifier aujourd’hui son maintien en détention.
Pour davantage édifier la Haute cour, la défense a promis de déposer tous les documents qui appuyent ses demandes.
Avant la fin de l’audience, le prévenu Mbodina Iribi a formulé sa demande de récusation du président, le général de brigade Bivegete, au motif que durant la rébellion, ce dernier était dans la belligérance et dans le groupe adverse. En outre, il faisait partie de la composition de la cour qui avait prononcé sa détention à 60 jours. L’auditorat général n’ayant pas obtempéré à la décision de la Haute cour, cette dernière n’avait pas réagi.
Réaction du président, le général de brigade Bivegete, ce sont des manœuvres dilatoires.
Sur ce, l’affaire a été renvoyée au 19 février 2016, pour le dépôt des documents et pièces évoqués par les avocats.
J.R.T.