Le » Terminator » a échappé à la justice internationale pendant 7 ans
Le procès du chef militaire Bosco Ntaganda pour des crimes graves qui auraient été commis dans l’Est de la République démocratique du Congo s’ouvre le mercredi 2 septembre 2015 à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
En marge de l’ouverture de ce procès, des représentants de la CPI arpentent actuellement la province de l’Ituri pour informer les populations directement touchées par les crimes graves commis par les hommes de Ntaganda. Mais également créer un pont » entre La Haye et l’Ituri.
Des collaboratrices de Human Rights Watch seront présentes dans la salle d’audience pour assister à l’ouverture du procès et le tweeteront en direct.
HRW a également publié un document de questions-réponses, ainsi qu’une vidéo sur l’affaire Ntaganda. » Bosco Ntaganda a échappé à un mandat d’arrêt de la CPI pendant sept ans, tandis que ses forces armées continuaient de perpétrer des exactions épouvantables « , a déclaré Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice de plaidoyer pour le programme Justice internationale à Human Rights Watch. » Le procès de Ntaganda montre que la justice finira par rattraper les individus recherchés pour les crimes les plus graves. « , a-t-elle martelé.
Le procès devait initialement débuter le 2 juin, mais il a été reporté à la demande des avocats de la défense de Ntaganda, qui souhaitaient avoir davantage de temps pour se préparer, étant donné la quantité de preuves récemment divulguées par le Bureau du Procureur de la CPI.
La RDC a ratifié le Statut de Rome de la CPI en 2002, acceptant ainsi la juridiction de la CPI pour les crimes commis sur son territoire et par ses ressortissants. En 2004, la RDC a renvoyé à la CPI la situation en relation avec le conflit en cours sur son territoire, à la suite de quoi une enquête a été rapidement par le Procureur de la CPI.
Satisfaction des Ongdh membres de la Fidh
» Le procès de Ntaganda devant la Cour Pénale Internationale constitue une victoire importante pour les groupes de victimes en RDC qui ont lutté sans relâche pour son arrestation, même lorsqu’il s’affichait publiquement en tant que membre de l’armée congolaise jouissant d’une impunité absolue. Sa capacité à échapper à la justice durant toutes ces années était devenue un symbole d’impunité, son procès sera un symbole de justice et de réparation « , déclarent les organisations membres de la Fidh.
Ntaganda a agi en tant que Chef d’Etat-Major Adjoint et Commandant des opérations au sein du groupe rebelle des Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (FPLC), l’unité militaire de l’Union des Patriotes Congolais.
Il est accusé d’avoir lancé de brutales attaques à l’encontre des groupes ethniques perçus comme étant non-Hema, tels que les populations Lendu, Bira et Nande vivant dans le district d’Ituri, dans le but de les expulser de ce district riche en minerais. Alors que visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis 2006, Ntaganda a échappé à la justice pendant des années et a continué à prendre part à des actions de groupes armés en RDC, jusqu’à être nommé général dans les forces armées congolaises.
Ntaganda fait face à une longue liste de chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre 2002 et 2003 en RDC, dont des crimes de meurtre, viol, esclavage sexuel, pillage, déplacements forcés et conscription et utilisation d’enfants-soldats.
Le procès de Ntaganda est particulièrement important pour les victimes de crimes sexuels liés au conflit. Les juges ont confirmé les charges portées à l’encontre de Ntaganda pour les crimes de viol et d’esclavage sexuel dont ont souffert la population civile ainsi que les enfants soldats enrôlés au sein de ses troupes.
La responsabilité pour l’utilisation généralisée et dévastatrice de la violence sexuelle en tant qu’arme de guerre a jusqu’à présent été absente des condamnations de la CPI dans les affaires en relation avec les conflits sévissant en RDC. Le procès à l’encontre de Ntaganda représente une opportunité pour les victimes de ces crimes de voir leur préjudice reconnu, et d’obtenir justice et réparation.
Ce procès s’inscrit également dans la mise en œuvre d’une stratégie en matière de poursuites plus représentative des crimes perpétrés et en particulier des crimes de nature sexuelle, tel qu’annoncée ces dernières années par la Procureure de la CPI Fatou Bensouda.
» Le procès de Ntaganda est un rappel à l’attention de la communauté nationale, régionale et internationale de l’importance accordée par la CPI à la quête de justice pour les victimes des crimes les plus atroces, y compris les crimes commis à l’égard des femmes et des jeunes filles.
Les souffrances infligées aux communautés de l’Est de la RDC victimes des actions de Bosco Ntaganda ont été passées sous silence durant de trop longues années. La CPI a aujourd’hui enfin l’occasion de mettre en cause la responsabilité pénale de Ntaganda pour ces crimes, là où la justice nationale a échoué. « , ont exprimé l’ASADHO, Ligue des Electeurs et Groupe Lotus.
Treize chefs d’accusation
La CPI a émis son premier mandat d’arrêt à l’encontre de Ntaganda en août 2006. Il doit répondre de 13 chefs d’accusation de crimes de guerre et 5 de crimes contre l’humanité sur des allégations de meurtre, viol et esclavage sexuel, recrutement et utilisation d’enfants soldats, et pillage commis en Ituri, en RD Congo, en 2002 et 2003.
Entre 2006 et 2013, les troupes sous le commandement de Ntaganda ont continué d’être impliquées dans de graves violations de droits humains. Ntaganda s’est rendu lui-même à l’ambassade des États-Unis à Kigali, au Rwanda, en mars 2013, après l’éclatement du M23, le groupe rebelle auquel il appartenait à ce moment-là.
Ntaganda est la quatrième personne à faire l’objet de poursuites devant la CPI pour des crimes graves commis en RD Congo.
Un cinquième mandat d’arrêt de la CPI n’a toujours pas été exécuté à l’encontre du Général Sylvestre Mudacumura, le chef militaire d’un groupe armé rwandais majoritairement Hutu actif en RD Congo, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda. Les autorités congolaises, avec l’aide des forces de maintien de la paix des Nations Unies, devrait de toute urgence arrêter Mudacumura et le remettre à la CPI, a déclaré Human Rights Watch.
Par Godé Kalonji Mukendi