Découpage territorial en RDC : la Société civile « pas convaincue » par la réponse du Premier ministre au « recours préalable en annulation des Décrets du 13 avril 2015 »

Samedi 30 mai 2015 - 06:15

La société civile dit n’être « pas convaincue » par la réponse du Premier ministre Augustin Matata Ponyo au « recours préalable en annulation des Décrets n°015/005 du 13 avril 2015 déterminant l’organisation et le fonctionnement des Commissions d’installation des nouvelles provinces en RD Congo et n°015/006 du 13 avril 2015 portant nomination des membres des dites commissions » que Me Fabrice Kamala, avocat et membre de l’Asadho, lui a adressé le 5 mai 2015.

Le chef du gouvernement congolais avait deux mois pour répondre à cette action républicaine qui ne visait rien d’autre que le respect de la légalité au sommet de l’Etat et la prévention des crises interinstitutionnelles.

« Ayant réuni son collège des juristes, le Premier ministre a réagi aux arguments de Me Fabrice Kamala mais sans les rencontrer ni en faire chancelle un seul d’entre-deux. Dans sa lettre numéro CAB/PM/CJFAD/M.N/2015/3274 du 22 mai 2015, M. Augustin Matata Ponyo charge son Directeur de cabinet de +faire observer que la Constitution du 18 février 2006 a déjà créé les nouvelles provinces en son article 2 et que la Loi de programmation promulguée en date du 28 février 2015 devant simplement déterminer les modalités de leur installation (article 226)+ », indique la société civile.

Elle qualifie de « belle esquive » la réponse du chef de l’Exécutif congolais, considérant que « tous les tenants du découpage +à la va vite+ se cachent derrière la Loi Fondamentale pour justifier l’injustifiable ».

Défi au parlement

« En affirmant que la Loi de Programmation ne doit +simplement+ que déterminer les modalités d’installation des nouvelles provinces, ne serait-il pas en train de minimiser un acte législatif pris par le parlement de la République et situé au-dessus de ses Décrets incriminés ? N’ya-t-il pas quelque chose d’incommode et d’arrogant pour une autorité du pouvoir exécutif de minimiser un acte relevant d’un organe dont il est lui-même l’émanation ? », s’interroge la société civile.

Et d’ajouter : « Les +modalités d’installation des nouvelles Provinces+ ne sont-elles pas des actes techniques très délicats qui doivent respecter le principe de la légalité dont la violation par le Premier ministre est aujourd’hui tant décriée par la Société civile ? ».

Le recours de Me Fabrice Kamala s’est assis sur plusieurs moyens de forme et de fond que le Premier ministre a essayé d’esquiver en se repliant derrière des arguments politiques aussi généraux que nuageux.

En effet, l’avocat membre de l’Asadho a fustigé, notamment, « le non-respect du délai de la prise de décrets attaqués tel que prescrit par la Loi (article 15) ; l’inexistence des commissions règlementées par le décret car ceux-ci n’ont jamais été créées ; l’illégalité des décrets incrimines pour cause d’excès de pouvoir à travers l’extension des missions des commissions en violation de la Loi ; et la confusion entretenue par les deux Décrets sur l’organe habilité à recevoir les rapports des Commissions ».

« Aucun des moyens soulevés de manière pertinente par Me Kamala n’a été rencontré par la Primature qui s’est contentée de poursuivre : + le débat sémantique sur les termes utilisés dans ladite loi ou dans les décrets est inopportun au regard des résultats attendus endéans les 120 jours qui courent dès l’installation des commissions +», soutient la société civile.

En d’autres termes, le débat sur le respect de la légalité est inopportun face aux agendas politiques qui veulent que dans les 120 jours qui suivent l’installation des commissions, les nouvelles provinces soient opérationnelles.

Décor du glissement ?

« Ne devrions-nous pas lire dans cette obstination du Gouvernement à installer dans la précipitation les nouvelles provinces même si cela doit se faire au prix de la violation des Lois de la République, une intention manifeste de favoriser le glissement au regard des désordres qui risquent de s’en suivre et de la faillite de l’Etat en cours d’instauration ? », s’interroge encore la société civile.

A son avis, « le respect de la légalité devrait guider les autorités exécutives dans les actes qu’elles sont appelées à poser au quotidien parce que, lorsque la légalité est piétinée et défiée au profit des manœuvres politiques, le peuple a des bonnes raisons de s’inquiéter ».

Elle note que « le silence du Gouvernement face aux remarques pertinentes de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito et du Député de la majorité Christophe Lutundula renforcé par cette incompréhensible obstination du Gouvernement à marcher sur les Lois de la République malgré la sonnette d’alarme de la société civile ne peut que renforcer les soupçons ».

Ce qui la pousse à demander : « La formule du glissement par découpage interposé serait-elle en pleine application ? De qui se moque-t-on ? ».
Qu’en pense la Cour suprême siégeant en matière administrative ?

La procédure du recours préalable initiée par Me Fabrice Kamala étant « pré juridictionnelle », la société civile se fonde sur le droit.

« En matière administrative, lorsqu’un citoyen se sent lésé par un acte administratif pris par une autorité exécutive compétente, il doit, avant de saisir le juge administratif pour demander l’annulation de l’acte, s’adresser au préalable à l’auteur de l’acte qui a l’obligation de lui répondre dans les deux mois qui suivent la réception de la requête. Lorsque la réponse de l’auteur de l’acte n’est pas satisfaisante, le requérant est en droit de saisir le juge pour demander l’annulation judiciaire de l’acte incriminé », rappelle-t-elle.

Par conséquent, le dernier tour de manche qui reste à la société civile « jusqu’à la fin du mois de juin est de saisir la Cour suprême de justice par une Recours en annulation pour illégalité ».

De Goma où il séjourne, Me Fabrice Kamala a déclaré au téléphone être « déçu par la réponse du Premier ministre » et s’« apprête à descendre bientôt à Kinshasa afin de saisir la plus haute juridiction et demander l’annulation des Décrets illégaux ».

« Dans un Etat de droit, la légalité doit primer. Marcher sur la légalité au nom des préceptes politiques, c’est piétiner notre Constitution qui place les actes législatifs au-dessus des actes réglementaires. Je vais bientôt me rendre à Kinshasa où je compte saisir la Cours suprême de justice faisant office de Conseil d’Etat afin de faire annuler les deux Décrets illégaux et de faire primer le respect de la légalité dans notre pays », a-t-il annoncé à la presse.

Dans son entendement, « ça nous éviterait des crises institutionnelles qui se cachent derrière ces deux Décrets rendus illégaux et ambigus à dessein ».