La détresse des gouverneurs : le développement intégré passe par celui des provinces

Vendredi 12 septembre 2014 - 12:17

La phrase-choc qui a sanctionné la clôture de la réunion des gouverneurs de provinces avec le président de l‟Assemblée nationale sonne comme un aveu d‟impuissance de tous ces hommes qui dirigent les exécutifs provinciaux à développer les territoires qu‟ils administrent. De manière unanime, sans user d‟une langue de bois et de circonlocutions, les gouverneurs des provinces y compris celui de la ville de Kinshasa ont déclaré à l‟unisson à l‟issue des concertations de Kinshasa que «le développement des provinces est impossible» et que le Congo profond était à reconstruire. La faute majeure de ce non développement est à rechercher dans l‟absence d‟infrastructures de toutes sortes, voies de communication, hôpitaux viables, écoles et universités viables, etc.
Pour ces hommes de terrain qui vivent au quotidien l‟enclavement du pays et la détresse de leurs administrés, tant qu‟on n‟aura pas mis fin aux actions tape à l‟oeil là où il faut travailler en profondeur. Même André Kimbuta a reconnu que sa ville change de visage avec la modernisation de ses boulevards, mais cela ne suffit pas car le plus important c‟est de rendre accessible les différentes communes dont l‟état de la voirie fait pleurer. En ligne de mire, les gouverneurs voudraient récupérer la quotité de 40% de la rétrocession et recevoir les fonds d‟investissements prévus au budget national en faveur de chaque province. C‟est grâce à ces apports financiers qu‟ils pourront mener des actions de développement des différents territoires. Comme la fumée que l‟on ne peut pas éternellement cacher, pour se rendre compte que le développement de la République démocratique du Congo reste un problème à résoudre absolument. Les drames qui surviennent dans certaines parties du pays nous rappellent combien il est urgent de s‟attaquer à cette question du développement intégré du territoire national. Le dernier en date, c‟est l‟épidémie à virus Ebola qui sévit actuellement dans le territoire de Djera à Boende dans la province de l‟Equateur, une épidémie pour laquelle le gouvernement et les organisations internationales déploient tous leurs efforts pour parvenir à son éradication rapide. Les images reçues à la suite de ce drame constituent une véritable interpellation pour les dirigeants car elles montrent toute la précarité dans laquelle se trouvent la région et ses habitants. 54 ans après l‟indépendance, les habitants de cette zone semblent s‟être fâchés avec la modernisation. Il n‟y a pas de routes dignes de ce nom, pas de maisons au sens propre du terme et les habitants peuvent à peine mettre chaussure à leur pied. Ici, c‟est presque le Moyen Age au point que le ministre de la Santé dans sa détermination de faire parvenir les kits et les produits alimentaires aux populations en situation de quarantaine, a dû acheter de nombreuses pirogues pour secourir les populations démunies. C‟est une situation pitoyable qui devrait appeler des correctifs nécessaires. Non seulement à Djera et alentours, mais aussi ailleurs dans la République. C‟est certainement cela le sens de l‟appel lancé solennellement par les gouverneurs des provinces pour que l‟exécutif national s‟occupe enfin de nos districts, territoires, secteurs et villages. Un autre exemple dans le cadre de cette détresse des gouverneurs est le cas qu‟on vient de connaître dans la province Orientale à l‟occasion des obsèques du lieutenant général Lucien Bahuma. C‟est à la suite de ce décès que des travaux de réhabilitation d‟urgence des ponts et de la route que devrait emprunter la dépouille mortelle de l‟illustre disparu ont été réalisés et ce, avant que l‟Etat ne trouve un compromis avec la famille pour que cet officier de valeur soit inhumé dans la ville de Kisangani. Un autre cas est également arrivé récemment lors des obsèques de la fille ainée de feu Nzenza Landu, fondateur de l‟Abako dans le village de Kinkasi dans le territoire de Ngeba dans la province du Bas-Congo. Pour ces funérailles organisées au village, selon le voeu de la défunte, c‟est la famille qui a dû faire des travaux sur la route et réhabiliter les ponts en bois pour que le cortège arrive à destination. Et les exemples de ce genre sont légions. Le cri d‟alarme lancé par les gouverneurs à l‟endroit du gouvernement central est un appel au secours qui doit être pris au sérieux par toutes les personnes soucieuses de voir ce pays se développer un jour. Cependant, il est tout aussi légitime que les fonds consacrés au développement des provinces arrivent réellement à destination. Ce, afin d‟éviter des actions de propagande politique qui ne durent que le temps d‟un matin. Car entre le décaissement des fonds et leur affectation réelle, il y a souvent des zones d‟ombre. Il faut donc, pour sortir le pays de l‟état que déplorent les gouverneurs, exercer un contrôle tous azimuts sur la chaîne des dépenses afin de s‟assurer que l‟argent arrive vraiment à destination pour réaliser les travaux d‟intérêt public. Même dans la ville Kinshasa, miroir du pays, on donne l‟impression de vivre dans deux républiques différentes. Celle de la Gombe, avec ses routes bien faites, ses immeubles à plusieurs niveaux, une desserte en eau et en électricité stable et le reste des communes à l‟état presque d‟abandon. Ainsi, bien que Kinshasa soit la capitale, on entend chaque jour les Kinois et Kinoises dire : je vais en ville, c‟est-à-dire au Centre-Ville. Dans les communes périphériques, il n‟y a pas des routes, ni d‟hôpitaux dignes de ce nom et d‟autres services essentiels. La police souffre parfois pour traquer des malfrats ou venir en aide aux paisibles citoyens en détresse. Loin de minimiser certaines réalisations réussies par le gouvernement, il est important d‟éviter la politique de l‟autruche. Il faut se dire la vérité comme l‟ont fait les gouverneurs. C‟est le seul moyen de prendre conscience de nos vrais problèmes et de les attaquer à bras le corps. Le développement du Congo, faut-il encore le répéter, passe par celui des provinces.