Dialogue national : que vise Kabila ?

Vendredi 15 mai 2015 - 10:41

La confirmation par le Chef de l’Etat, Joseph Kabila, le mercredi 13 mai 2015 dans sa ferme de Kingakati, devant les membres du Bureau politique de la Majorité Présidentielle, de son initiative d’organiser un Dialogue national avec les représentants des forces politiques et sociales du pays, avec la participation de la Communauté internationale, est fortement commentée dans les salons politiques de Kinshasa. Bien qu’il ait fixé les objectifs qu’il escompte atteindre à travers ce forum, à savoir la paix et la sécurité, la stabilité économique, la bonne organisation des élections et la cohésion nationale, la classe politique n’en continue pas moins de s’interroger sur ce qu’il vise réellement.

Dubitatifs, certains le soupçonnent d’entretenir un ou des agendas cachés à mettre en exécution quand il aura entraîné la majorité des participants sur une fausse piste. L’on rappelle, à cet effet, le fâcheux précédent des « Concertations nationales » (septembre-octobre 2014, dont plusieurs « Résolutions » semblent avoir été jetées dans les oubliettes et dont le gouvernement dit de « cohésion nationale » a été ficelé, en décembre 2015, sur fond de frustrations et déceptions sans nombre.

Certains nostalgiques se permettent de remonter même aux années Mobutu, avec la controverse autour de la « Commission Constitutionnelle » dans l’ex-Zaïre, au moment où la vague des « Conférences Nationales » soufflait sur plusieurs Etats d’Afrique. Il avait fallu une forte dynamique interne au niveau des « Forces acquises au changement » pour amener le Président-Fondateur du MPR (Mouvement Populaire de la Révolution) à se plier à l’option de la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine. Suspendue de septembre 1991 à mars 1992 puis rouverte en avril 1992 au prix du sang des chrétiens (massacre du 16 février 1992), elle allait connaître un atterrissage forcé en fin d’année 1992, avec au passage l’élection d’un Premier ministre, limogé sans qu’il ait eu le temps d’exercer ses fonctions. Après son atterrissage forcé à la fin de la même année, ce forum allait voir ses « Actes » ne pas dépasser l’enceinte du Palais du Peuple, comme annoncé par Mobutu lors d’une de ses sorties publiques.

La suite du refus du maréchal Mobutu de se soumettre aux « Résolutions de la CNS », réputées « opposables à tous », est connue : c’est la « Guerre de libération » menée avec succès en 1996-1997 par l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo), soutenue par le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, l’Erythrée et l’Angola.

Non au Dialogue « fourre-tout » !

Aussi, dans le souci de s’assurer de sa sincérité à rechercher réellement des résultats communs, les potentiels « partenaires » de Kabila au Dialogue National voudraient prendre connaissance de son « mémorandum » ou son « cahier de charges » à lui. Ils voudraient être fixés sur ce qu’il leur demande, à savoir les termes de référence (format, quotas de participation, durée, lieu, identité de la modération, thèmes et sous-thèmes). Dans plusieurs états-majors politiques de l’Opposition, l’on suggère que les participants proviennent des forces politiques et sociales qui comptent, capables de se faire entendre des masses. Ici, on se méfie singulièrement d’un forum qui prendrait les allures d’un « Congrès » de la Majorité Présidentielle, avec des partis politiques et organisations sociales fonctionnant dans des mallettes de leurs « fondateurs » destinés à lui conférer une majorité numérique mécanique.

L’on voudrait surtout éviter la prise en otage des participants par un « ordre du jour » préétabli, qui ressemblerait à un fourre-tout destiné à embrouiller les esprits et à favoriser l’exécution d’un ou de plusieurs agendas cachés ayant pour finalité la conservation du pouvoir ou le glissement de calendrier électoral.

D’où, certains partis politiques qui estiment disposer d’une réelle base sociologique souhaitent que soient posés les problèmes de fonds qui entravent la cohésion nationale, à savoir la crise de légitimité au sommet de l’Etat, persistante depuis les fraudes électorales de novembre 2011, l’insécurité, la gouvernance de l’Etat, le calendrier électoral non consensuel de la CENI, le fichier électoral non audité de la CENI, la cartographie des circonscriptions électrales, la neutralité controversée du Bureau de la CENI, le découpage électoral opéré dans la précipitation, la libération des prisonniers et détenus politiques, le contrôle de la territoriale par le pouvoir en place, la réouverture des médias fermés, la liberté d’opinion, d’expression et de réunion, le respect de la Constitution, etc.

Les dossiers qui fâchent devraient être discutés sans tabous, entre participants ayant le même statut, sous la modération de la Communauté internationale. L’objectif global à assigner à ce Dialogue devrait être de sauver la patrie en grand danger. Les signes du temps en provenance de plusieurs coins d’Afrique devraient servir de boussole aux Congolais afin de désamorcer la « bombe sociale » qui couve depuis janvier 2015. Kimp