30 octobre 1974- 30 octobre 2014, cela fait quarante ans, jour pour jour que Kinshasa avait abrité le plus grand combat de boxe qualifié par tous les spécialistes du noble art comme «combat du siècle». Il opposait pour la première fois deux de plus grandes légendes afro-américaines de la boxe sur le continent noir. Il s’agit de Mohamed Ali de son vrai nom Cassuis Clay et son challenger George Foreman.
Ce combat, c’est également une rencontre entre deux hommes d’exception. Don King, un promoteur de boxe américain qui cherchait à relancer sa carrière et le président Mobutu, président du Zaïre, qui cherchait une visibilité sur le plan international pour son régime qui venait de se lancer dans sa politique de l’authenticité.
Pour commémorer cet événement à la fois sportif et diplomatique entre la République Démocratique du Congo et les Etats Unis d’Amérique, une conférence débat a été organisée hier, jeudi 30 octobre 2014 au Centre culturel américain de Kinshasa.
Le professeur Jean-Chrétien Ekambo, spécialiste en communication, est intervenu pour partager ses souvenirs de jeune reporter et correspondant de l’Agence France presse et Pierre-Célestin Kabala Mwana Mbuyi, journaliste sportif de renom international, qui était chargé par l’organisation des accréditations de près de trois cent journalistes venus de trente-six pays pour couvrir cette grande messe sportive.
Sur le plan pratique, les animateurs du jour ont épinglé deux défis de taille que le Zaïre devait relever en abritant ce combat.
Le premier se situait sur le plan de l’organisation et le deuxième sur le plan technologique pour un pays qui venait d’accéder à la souveraineté internationale quatorze ans plutôt.
Un modèle de
communication
D’entrée de jeu, le professeur Ekambo a indiqué que ce combat, un vrai chef-d’œuvre de la communication avant l’heure, avait permis au pays sur le plan diplomatique de se faire connaître.
Car, on l’organisant le Congo qui venait de changer de nom pour passer à la République du Zaïre s’est fait connaitre. Le pays s’est dès lors saisi de cette occasion pour faire son marketing sur le plan international.
«Sur le plan purement professionnel pour moi qui n’était qu’un jeune débutant dans la profession, je devais me faire une petite place entre tous ces professionnels venus couvrir l’événement. Le combat de l’ex stade du 20 Mai m’a appris beaucoup de chose que je n’oublierais jamais : la couverture d’un événement planifié, la place de l’imprévu, notamment la blessure de Foreman, la charte rédactionnelle mais surtout la vertu de la confrérie », a-t-il indiqué. «Je note en passant, a affirmé le professeur Ekambo, que le sport peut être un véritable moteur d’intégration».
Ainsi, malgré tout le scepticisme que manifestait ma rédaction sur le déroulé de ce combat, tout s’est passé comme sur du papier musique, grâce à l’abnégation de tous les Zaïrois. Et c’était une première prouesse technologique que les images partent du continent noir, très peu outillé technologiquement en ce moment-là pour arroser le reste du monde».
Pierre-Célestin Mwana Mbuyi, était au cœur de cette grosse machine pilotée par Mandungu Bula, président du comité préparatoire qu’entouraient les deux frères Tshimpumpu, Lucien et Hubert ainsi qu’une flopée de collaborateurs.
D’ailleurs, une anecdote renseigne que ce comité avait solution à tout. Pour lui, pas de raison que la jeune génération se sente à l’étroit. La presse avait joué un rôle pour la réussite de ce combat. Ainsi, à la question de savoir pourquoi qualifie-t-on jusqu’à ce jour ce combat de combat du siècle, Kabala répond que tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il soit qualifié ainsi à travers tous les événements qui l’ont précédé.
D’abord, Ali a été en prison pour avoir refusé d’aller combattre en Vietnam et a tenu tête à des institutions publiques en déclarant que « je ne peux aller tuer mes frères ». Et ce combat a été au sommet. Car, plus jamais, affirme-t-il un combat de poids lourds quatre décennies après ne peut avoir la même aura que n’ont eu ces illustres boxeurs sur le plan international. C’est à partir de ce combat que la boxe a perdu ses lettres de noblesses. Plus personne n’est venu étalonner ces boxeurs.
En un laps de temps, l’Etat avait mobilisé toutes les ressources nécessaires pour mener à bon port le projet qui vendait l’image de marque du pays. Pour preuve, toutes les infrastructures avaient été remises à neuf.
Dans le secteur hôtelier, pour recevoir les trente mille visiteurs, les chambres d’hôtels sont passées au même chiffre. Cinq mille taxis ont été achetés afin de faciliter la circulation, cent mini-bus achetés, des routes bitumées et éclairées. Les lignes téléphoniques sont passées de trois mille à six mille, etc. Pour tous les immeubles inachevés, l’Etat avait également donné des moyens pour leur achèvement. Il reconnait également que sur le plan du travail, le président Mobutu n’avait cessé d’envoyer des gens, sans tenir compte de leurs origines, dans les meilleures écoles de formation pour apprendre. La télévision de cette époque n’avait rien à ses consoeurs occidentales.
Bref, ce combat était une véritable passerelle pour le développement de la ville et du pays. Parlant de l’échec de la dernière organisation du tour cycliste du Congo, il a exhorté à ne pas tout politiser, mais plutôt à recourir à toutes les compétences qui existent pour vendre l’image du pays. Kabala a par la même occasion invité ses jeunes confrères au travail et au professionnalisme pour redorer le blason d’une profession dont l’image est ternie par toutes les valeurs négatives qui rongent notre presse. Car, le journaliste congolais est encore capable de bien faire.
Enfin, présent au cours de cet échange, Badiashile, Secrétaire général du mouvement olympique congolais a résumé les deux interventions en trois vertus cardinales qui permettent au sport d’aller de l’avant : l’excellence, l’amitié et le respect mutuel.
VAN