La question que tout le monde se pose aujourd’hui, au moment où Germain Katanga et ses six amis, tous anciens seigneurs de guerre de l’Ituri, comparaissent devant la Haute cour militaire, est celle de savoir si la justice militaire congolaise est compétente pour les juger pour d’autres faits.
Bien que les opinions divergent à ce sujet, la population congolaise, dans sa majorité, estime que la Cour pénale internationale, mieux outillée, devrait poursuivre son travail d’enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Ituri et dans d’autres coins de la RDC. Pour leur part, certains juristes ne trouvent aucune irrégularité, ni illégalité, pour que cet ancien officier général des Fardc, patron d’un groupe rebelle, fasse l’objet de poursuites judiciaires devant les juridictions congolaises. A titre d’illustration, ils évoquent l’affaire général Kakwavu condamné dernièrement par la Haute cour militaire.
Pour Germain Katanga, ses avocats soutiennent le contraire et avancent une série de raisons. Le collectif de sa défense met sur la balance l’article 108 du Statut de Rome qui relève que le condamné en détention, ne peut être ni arrêté, ni extradé pour des comportements antérieurs à son transfèrement à la CPI. Me Urbain Mutwale fait
observer en conséquence, que tous les faits antérieurs à son transfèrement à La Haye, échappent à la compétence de la Haute cour militaire. D’où cette dernière doit prendre un arrêt avant-dire droit
pour décliner sa compétence.
En appui à cette requête, un mémoire a été déposé par les avocats de la défense auquel ils ont joint une série de documents pour éclairer la lanterne des juges. Dans ce paquet, il y a l’accord ad hoc signé entre les responsables de la CPI et le gouvernement congolais qui a accepté d’accueillir Germain Katanga pour venir purger la dernière partie de sa peine en RDC.
A l’audience du vendredi 18 mars 2016, le président Jean Bivegete s’est assuré auprès du greffier, si tous les documents prétendument déposés à son office, étaient bel et bien dans le dossier. Chose qu’a confirmée le colonel Jean Philippe Nkiama Mata, greffier en chef de la Haute cour militaire, soucieux que l’ordre et la procédure soient toujours de rigueur à son office.
Des seigneurs de guerre sollicitent leur remise en liberté provisoire
Souffrant dans sa chair, le calvaire de ses 11 ans de détention préventive, le prévenu Mbodina Iribi Pitshou a imploré un regard plus humain sur leur situation carcérale. «Non seulement nous sommes séparés de nos familles et de nos amis depuis 11 ans, mais aussi certains d’entre nous, sont malades, souffrant de diabète. Je ne suis pas juriste», a plaidé Mbodina qui a ajouté que ce procès n’est pas une mince affaire. «D’où il faudrait vite débattre de notre demande de mise en liberté provisoire».
Leurs avocats, Mes Urbain Mutwale et Peter Ngomo estiment que sur base des documents versés au dossier, la Haute cour militaire peut décider de leur mise en liberté provisoire. Pour eux, la fuite des prévenus n’est pas à craindre, car ils ont des adresses connues.
D’ailleurs, les prévenus en liberté dans cette affaire, viennent comparaître à chaque audience, sans y être contraints. En réponse à cette requête, le général-major Bivegete a indiqué que la justice militaire est aussi une justice humaine». Soyez patients, a-t-il prévenu, car nous ne voulons pas rendre une décision précipitée». Et de conclure que la haute cour est sensible à leurs préoccupations.
Toutefois, le président de la haute cour a fait noter que cette demande de mise en liberté provisoire sera examinée, rappelant que l’OMP avait déjà donné sa position au cours de la dernière audience. Mais auparavant, il faudrait que la cour puisse statuer d’abord sur sa compétence à juger Germain Katanga.
Me Peter Ngomo effleurant une question procédurale, a déploré le fait d’avoir reçu en « retard » la notification de date d’audience. C’est d’ailleurs en passant par la Prison militaire de Ndolo qu’il a vu par hasard l’exploit. Le général Bivegete a alors demandé au greffier de tout faire pour que les exploits soient transmis à temps aux prévenus.
Gardien des traditions et de la procédure, le colonel Jean Philippe Nkiama Mata a exhibé l’exploit évoqué en soutenant que le délai exigé par la loi pour le dépôt des exploits aux parties, est de deux jours francs. L’exploit déposé depuis le 15 mars 2016, et réceptionné à cette date par le prévenu, ce compte aucune irrégularité au regard des dispositions de la loi. En conclusion, il a invité les conseils des parties à faire confiance aux greffiers qui abattent un travail délicat et ingrat. Greffier en chef, a-t-il laissé entendre, il veillera toujours au respect de la procédure quant à l’établissement et au dépôt des exploits aux parties. Confondu, Me Ngomo n’y a trouvé
rien à répliquer.
Le président de céans a clos cet incident, en signalant que la prochaine date d’audience sera communiquée aux parties par exploits du greffier.
J.R.T.