Haute Cour Militaire : Affaire Chebeya : l’audience reportée

Mardi 11 août 2015 - 11:35

Une simple maladie du rapporteur serait à la base de ce report

L’audience des plaidoiries du procès de l’assassinat de deux défenseurs des droits humains, Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, devrait avoir lieu le lundi 10 Aout courant comme d’habitude à la prison centrale de Makala, dans la commune de Selembao.

Mais cette audience a été reportée à jeudi prochain suite à une simple maladie d’un membre de la composition de la HCM statuant sur cette affaire en appel. Il s’agit du rapporteur.

A l’audience d’hier, Me Stanislas Mwamba devrait faire sa plaidoirie sur l’infraction » terrorisme « pour montrer le modus vivendi opéré par les assassins de Chebeya et de Bazana qui, selon lui, il s’agit d’un » terrorisme d’Etat » surtout que ces deux braves défenseurs ont été assassinés dans les installations de l’Inspection Générale de la Police Nationale Congolaise qui est une institution de l’Etat.

Du coté des avocats des parties civiles dont le collectif est conduit par Me Richard Bondo Tshimbombo , ils craignent un procès bâclé devant consacrer l’impunité des responsables intellectuels de la mort de Chebeya et de Bazana surtout du Général John Numbi, considéré toujours comme le premier suspect, mais qui échappe aux poursuites judicaires pourtant une plainte en bonne et due forme a été déposée par la veuve Chebeya contre cet officier devant l’Auditorat Militaire.

» Le caractère de crime d’Etat n’est plus à démontrer dès lors que l’on se rend compte que ces défenseurs des droits de l’homme ont été tués par les dépositaires de l’autorité de l’Etat, dans les installations de l’Etat « , expliquait un avocat des parties civiles au cours de sa plaidoirie.

Il a signalé que les exécutants de Chebeya et Bazana ont bénéficié de la protection des autorités publiques pour quitter le pays que Paul Mwilambwe qui voulait comparaitre devant le premier juge, mais il avait été soustrait à la justice.

Les avocats des parties civiles fustigent le manque de l’indépendance de la justice Congolaise qui, malgré les charges qui pèsent sur le Général John Numbi, le suspect N°1 de cette affaire, la justice met toujours hors cause cet Officier.

Il faut court-circuiter la HCM

S’appuyant sur l’article 171 du code de la justice militaire, dans une des audiences publiques sur cette affaire, Me Richard Bondo Tshibombo avait appelé à la mise en place d’une commission rogatoire composée des avocats de la défense, des parties civiles et des hauts juges de la HCM pour entendre le Major Paul Mwilambwe actuellement réfugié au Sénégal.

Selon Me Richard Bondo, cette commission aura la mission de se rendre à Dakar, capitale du Sénégal, afin d’auditionner cet ancien bras droit du Général John Numbi, suspect N°1 dans le double assassinat de Chebeya et Bazana.

Pour court-circuiter la HCM, une source proche du dossier informe que le Bâtonnier Jean Joseph Mukendi wa Mulumba, un des avocats des parties civiles s’était rendu à Dakar, au Sénégal, pour avoir d’autres éléments de preuves impliquant John Numbi.

Les va et viens effectués par le Bâtonnier Jean Joseph Mukendi à Dakar apportera un plus à la HCM de s’enquérir de degré de l’implication de la bande de Mukalay avec la protection de John Numbi dans cette affaire que d’aucuns taxent de » crime d’Etat « .

Face à l’inaction de la justice congolaise, la Fédération internationale de droit de l’homme (FIDH) et les familles des victimes avaient décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile, le 2 juin 2014, devant la justice sénégalaise sur la base de la loi sénégalaise dite de compétence extra territoriale du 12 février 2007 qui intègre en droit sénégalais la Convention des Nations Unies contre la torture.

Selon cette disposition du Code pénal sénégalais, les tribunaux sénégalais peuvent juger toute personne suspectée de torture, si elle se trouve au Sénégal, même si la victime ou l’auteur du crime ne sont pas sénégalais et que le crime n’a pas été perpétré au Sénégal.

Cette plainte visait Paul Mwilambwe, l’un des responsables présumés dans l’affaire du double assassinat des défenseurs Floribert Chebeya et Fidèle Bazana et qui a trouvé refuge au Sénégal.

La justice sénégalaise fait suite à cette plainte et a entendu, pour la première fois, le 26 août 2014, les parties civiles, confirmant ainsi la plainte et ouvrant l’information judiciaire sur le double assassinat des défenseurs des droits humains Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, alors que l’affaire était bloquée en RDC.

Le 8 janvier 2015, Paul Mwilambwe, a été entendu par un juge d’instruction sénégalais avant d’être inculpé et placé sous contrôle judiciaire à Dakar.

A la suite de la plainte déposée à Dakar par la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme(FIDH) sur le fondement de la compétence extraterritoriale, le Major Paul Mwilambwe a été inculpé par la justice sénégalaise et placé sous contrôle judiciaire.

En effet, la FIDH et les familles avaient déposé une plainte, avec constitution de partie civile, le 2 juin 2014. Ce qui, en vertu du droit sénégalais, a enclenché quasi automatiquement la mise en mouvement de l’action publique.

Major de la Police nationale congolaise à l’époque de l’enlèvement de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, Paul Mwilambwe était en charge de la sécurité du bureau du Général John Numbi, le chef de la Police nationale au moment des faits, dans les locaux duquel ont été assassinés les deux défenseurs des droits humains.

Peu après les faits, Paul Mwilambwe avait pris la fuite vers un pays d’Afrique avant de se rendre au Sénégal. Au cours de sa fuite, il avait témoigné devant la caméra de France 24 et dénoncé, outre sa participation, le rôle et l’implication de hauts gradés de la police congolaise, dont le général John Numbi, dans l’assassinat et la disparition forcée des deux défenseurs.

Un appât

Convoqué le 1er juin 2010 par le général John Numbi, inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC), Floribert Chebeya avait été retrouvé sans vie le 2 juin 2010, le matin, dans son véhicule, tandis que Fidèle Bazana est porté disparu jusqu’à ce jour.

A l’issue d’un procès marqué par de nombreux incidents, la Cour militaire de Kinshasa a reconnu, le 23 juin 2011, la responsabilité civile de l’État congolais dans l’assassinat de Chebeya ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de Bazana par plusieurs de ses agents et a condamné 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité.

Trois des condamnés à mort sont toujours en cavale, et trois policiers dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés.

Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, s’est déclarée incompétente pour instruire les questions procédurales et a décidé de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui a suspendu de fait la procédure judiciaire d’appel.

Le 21 avril 2015, après près de deux ans d’interruption, le procès en appel a repris devant la Haute cour militaire.
En première instance comme actuellement en appel, aucune procédure judiciaire n’a été engagée par les autorités congolaises pour instruire le rôle joué par le général John Numbi, qui a été depuis remplacé à la tête de la police nationale.

Ce, malgré l’existence de preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs. Depuis le double assassinat de Chebeya et Bazana, les voix se sont élevées à travers le monde pour exiger la lumière sur ce crime. Mais la manière dont cette affaire se déroule, il y a lieu de s’attendre à une parodie de justice consacrant l’impunité aux auteurs intellectuels de la mort de Chebeya et Bazana.

Par Godé Kalonji Mukendi