Jacques Djoli est formel : « La mort du MLC n’est pas pour demain »

Lundi 27 juin 2016 - 12:53

La lourde condamnation de Jean-Pierre Bemba à la Cour pénale internationale n’a pas ébranlé les fondements du Mouvement de libération du Congo (MLC). L’un de ses cadres, le sénateur Jacques Djoli Eseng’Ekeli. Il croit en la capacité du parti à surmonter toutes ces épreuves. Interview.

 

Etes-vous surpris par la lourde peine infligée à. Jean-Pierre Bemba?

Non. Parce que ce procès était déjà manifestement désorienté. On avait affaire à un procès politique. Comment comprendre que les rebelles qui étaient ennemis de JP Bemba sur le terrain puissent saisir la Cour contre son ennemi sur le champ. Bozizé en tant que putschiste n’était pas qualifié pour saisir la Cour en tant que chef de la RCA. Deuxièmement, la démarche du procureur d’émettre un mandat d’arrêt sûr base de l’article 25 contre un coauteur ou un complice sans interpeller les auteurs principaux à savoir Patassé traduisait déjà une démarche discriminatoire et boiteuse.

Ensuite, la chambre préliminaire qui devait constater seulement l’absence des éléments et des preuves va demander au procureur de s’orienter vers l’article 28 pour rechercher la responsabilité pénale de Bemba en tant que chef hiérarchique sur base de l’article 28 des statuts de Rome. Ignorant que dans la chaine de commandement de multiples troupes engagées en RDC, JP Bemba n’assurait aucune responsabilité de jure et de facto. Et le reste ne pouvait donc que nous amenait à cette peine la plus forte que la CPI ait prononcé dans une affaire juridiquement (une sorte de parodie de justice) qui décrédibilise cette cour et risque de conforter la thèse de l’UA invitant les pays africains de se retirer de cette justice politisée et orientée.

 

Croyez-vous que le jugement rendu par la CPI soit injuste?

C’est un jugement injuste pour des raisons évoquées ci-haut. Parce que, si on lie les motivations aux faits, le dossier est truffé des contrevérités. D’abord, un des témoins de la défense, Colonel Lengbe, a remis à la Cour le schéma de la chaine de commandement de cette opération du président de la République centrafricaine, assurant le commandement suprême, en passant par le ministre de la Défense et le chef d’Etat-major des armées centrafricaines puis, les centres de commandement des opérations qui coordonnaient les différents contingents - il y en avaient 9, y compris l’aviation libyenne. Dans cette chaine de commandement, JP Bemba n’apparaît nulle part. Lorsque la Cour évoque des incongruités juridiques telles que Bemba avait le contrôle de ses hommes alors qu’il ne connaissait pas le champ ni le terrain de la bataille ou refuse à Bemba toutes circonstances atténuantes en ne retenant que des circonstances aggravantes aléatoires telles que l’expérience et l’intelligence de Bemba, on se pose des questions sur le sérieux de cette  juridiction.

 

Après le verdict de la CPI, que reste-il encore à faire ?

 

La défense de JP Bemba a depuis le 20 juin 2016 déposé un appel dont la confirmation interviendra le 19 septembre 2016. Nous espérons que les égarements créés par l’approche spectaculaire de Moreno et la désorientation de Mme Ben Souda seront recadrés dans la sérénité par les 5 juges parmi lesquels il y a un spécialiste des questions militaires.

 

Ne craignez-vous pas que la condamnation de Jean-Pierre Bemba marque la mort politique du

MLC?

La mort du MLC est annoncée depuis 8 ans et souhaitée par une certaine presse. C’est dommage pour cette absence de culture nationaliste congolaise. Tout le monde devrait faire en sorte gue ce grand parti national résiste comme il l’a fait depuis 8 ans. Malgré quelques débauchages des cadres, les militants du MLC sont restés fidèles au parti. Le MLC est un grand parti, il est représenté à tous les niveaux des institutions, sauf au Gouvernement. C’est donc, une architecture puissante, membre à part entière de la dynamique de l’opposition. Et nous nous battons pour l’alternance pacifique du pouvoir en laquelle nous attendons assumer toute notre responsabilité.

 

Dix ans de plus dans es geôles de la CPI pour Bemba, c’est aussi la survie du parti qui est en jeu

L’erreur analytique malheureusement confortée par l’histoire politique de notre pays est la confusion existant entre un parti politique et son initiateur. On oublie facilement le principe de consolidation d’un parti politique par la vitalisation idéologique. Aujourd’hui Le MLC est une idée, un mouvement qui par-delà Bemba vise à libérer le Congo pour que ce pays soit davantage un pays uni, libre, prospère où ses filles et fils apportent leurs énergies créatrices à construire un présent heureux et surtout un avenir radieux pour ses enfants. Pour atteindre cet objectif, nous voulons bâtir un état de droit ayant pour socle la démocratie et la bonne gouvernance, une économie où la liberté d’entreprendre par les privés est modestement encadrée par un Etat stratège. Le Congo doit devenir un espace pertinent des gros investissements en matière d’infrastructures, d’agricultures, d’énergies et d’industrialisation. Le Congo c’est le cœur de l’Afrique, mais c’est surtout un moteur du centre. C’est la clé de voute entre l’Est et l’Ouest, e Sud et Nord de ce continent. Autour de cette vision, aujourd’hui plus qu’hier, des jeunes (architectes, juristes, avocats, économistes), et surtout après la condamnation de Bemba, adhèrent massivement au MLC. Bref, la mort du MLC n’est pas pour demain. Le vivier est immense.

 

Avez-us votre conscience tranquille pour n’avoir pas participé aux travaux du conclave de Bruxelles?

Le MLC a bel et bien été à Bruxelles. Membre de la Dynamique de l’Opposition, le MLC avait délégué six éminentes personnalités aux travaux de Bruxelles. Ces personnalités ont marqué et fortement contribué aux conclusions qui ont abouti à dégager un certain nombre d’approches communes. Un espace coordination a té mise en place et le MLC participe à la réalisation des objectifs communs à travers la dynamique. Ce qui importe, c’est cette cohérence politique dans la définition des objectifs et la stratégie pour atteindre ces objectifs, notamment le respect de la Constitution, l’organisation des élections, l’impératif de l’alternance et la consolidation de notre démocratie. Après cette phase très délicate qui exige la mobilisation de fous, nous passerons à une autre devant nous amener à trouver un candidat commun de l’Opposition. Et croyez-moi, dans toutes ces deux phases, le MLC sera au cœur de la manœuvre. Les spécificités de chaque partie, les sensibilités de chaque regroupent ne sont point des faiblesses mais des richesses.

 

Comment analysez-vous la situation politique et sécuritaire du pays?

La situation du pays est préoccupante. La Majorité présidentielle (MP) a démontré ses limites après dix ans d’une gouvernance erratique. La situation politique est bloquée à la suite d’une volonté manifeste de sabordage du processus électoral. Il y a une complicité malveillante de certains corps de l‘Etat y compris l’asphyxie malheureusement volontaire assumée de la CENI. Bientôt, le pays va entrer dans une incertitude qu’on croit résoudre par le dialogue dont le but manifeste est de tuer la Constitution. Au plan économique, le Sénat a mis à nu les limites d’une croissance virtuelle effectivement basée sur l’exportation des matières premières minérales brutes. Ce mauvais choix économique ou l’absence de schéma économique rationnel génère aujourd’hui la surchauffe sur le marché monétaire. Le dollar est à plus de 1000 Fc. Sur le plan social, c’est le désarroi. A mon avis, la MP devait tirer des leçons de son usure en permettant au peuple de renouveler les animateurs à tous les niveaux afin de régénérer les systèmes politiques, économique et sociale. L’instrumentalisation de la justice n’y pourra rien face à la volonté inébranlable du peuple. Ce pouvoir ne peut rien. Regarder ce qui se passe à Beni et ailleurs. Il faut éviter à la nation le chaos planifié en vue de conserver contre tout un pouvoir ludique à bout de souffle.

 

Quel lien gardez-vous avec votre nouvelle province, la Tshuapa?

Nous suivons la situation de la nouvelle province de la Tshuapa. Nous espérons que notre entité va bénéficier des appuis budgétaires et ponctuels nécessaires pour jeter les bases de son décollage. Nous sommes la province la plus touchée par la pauvreté et il faut des moyens pour redonner espoir à cette population. Nous allons nous rendre à Boende dans un bref délai en vue de faire le point de la situation et contribuer avec les autres à faire le plaidoyer pour la Tshuapa. Nous espérons que la caisse nationale de péréquation dont le texte a été voté par les deux chambres va rapidement être mise en place.

 

Propos recueillis par F.K. et M.M.