Jérôme Kitoko fixe les limites du mandat de l’avocat dans l’exercice de son droit de défense

Mardi 20 octobre 2015 - 12:28

Pour mettre fin à la confusion entre les droits de l’avocat et de son client

La rentrée judiciaire de l’année 2015-2016, le jeudi 15 octobre dernier, restera à jamais gravé dans la mémoire non seulement des hauts magistrats de la République Démocratique du Congo, mais aussi des avocats.

Le discours magistral du Premier président de la Cour Suprême de Justice, Jérôme KitokoKimpele, ne cesse d’édifier l’ensemble de la population. Dans son allocution, le haut magistrat a développé un thème que d’aucuns considèrent d’actualité. Il s’agit de la notion de droits de la défense. Jérôme Kitoko a élargi le champ de son intervention en abordant plusieurs questions ayant trait à cette question.

L’objectif de son intervention n’est pas seulement de rappeler les avocats à l’ordre, mais aussi d’appeler les hommes de droits à demeurer dans le strict respect des normes et des lois de la République. Il a par exemple fixé les limites du mandat de l’avocat dans l’exercice de son droit de défendre.

A ce sujet, il a été clair, en expliquant que l’avocat ne peut aucunement se substituer à son client et qu’il ne peut agir que dans le strict mandat lui reconnu par la loi. Aussi, faut-il noter que les déclarations de l’avocat en dehors du prétoire n’engagent pas son client.

Dans son discours le Premier président a posé les jalons de la procédure en ce qui concerne les doits de la défense. Avant toute chose, il a souligné que les droits de la défense reposent, en matière pénale, sur la notion des garanties de jouissance des prérogatives, donc des droits à faire valoir ou à exercer et, en matière civile, commerciale et sociale, sur la notion des garanties fondamentales dont devront jouir les justiciables ou toute personne lésée dans ses droits.

En tant que prérogatives, il découle de la notion des droits de la défense la nécessité du juge indépendant et impartial ainsi que du délai raisonnable pour être jugé.

Il en découle aussi la nécessité pour toute personne accusée de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de la possibilité de communiquer avec le conseil de son choix et de pouvoir se défendre en justice, soit personnellement, soit assistée par un avocat ou par un défenseur judiciaire.

Quel est le rôle d’un avocat ?

Le magistrat a signalé que le juge, à cette phase de la procédure, doit respecter et faire respecter le principe sacré du contradictoire et de la loyauté lors de la  » mise en état  » du dossier.Les avocats des parties au procès doivent en toute célérité échanger par écrit les documents relatifs au conflit (demandes, conclusions et pièces probantes), afin que chacun puisse répondre aux arguments qui lui sont opposés. «

C’est ici où s’observe la pratique de la déontologie des avocats et autres conseils de telle sorte que lorsque les conclusions et pièces n’ont pas été communiquées, elles ne peuvent pas être prises en compte par le juge lors du délibéré « , a-t-il insisté.

Pour lui en gros, les avocats sont astreints vis-à-vis de leurs clients et de la juridiction à deux obligations qui se résument en devoirs de célérité, d’échange des conclusions et de communication mutuelle des pièces. En effet, selon l’article 71 de la loi sur le barreau, l’avocat doit conduire chaque affaire avec célérité et compétence.

Il engage sa responsabilité personnelle au cas où les intérêts du client viendraient à être compromis à la suite d’une négligence. Il en découle pour les avocats une double obligation à savoir la communication et la production des pièces. Communiquer une pièce, c’est fournir à l’adversaire une pièce dont on compte se servir comme élément de preuve, que l’on compte produire.

 » Peu importe que l’adversaire soit convaincu ou non, il faut communiquer car la personne à convaincre c’est le juge devant qui les parties doivent produire leurs pièces. Par contre, produire une pièce, c’est la verser au débat comme moyen de preuve.

Une pièce est produite au débat parce que la partie qui la produit estime que cette pièce établit ou concourt à établir la réalité d’un fait concluant.

La production des pièces intéresse les rapports entre la partie et le juge parce que c’est aux juges que doivent être apportés les éléments de preuve « , a-t-il noté.

Respectueux des textes, Jérôme Kitoko a rappelé que l’article 77 de la loi sur le barreau fixe le régime de restitution des pièces, selon que celles-ci ont été remises à l’avocat par une partie sur décharge ou encore obtenues aux diligences de l’avocat et ce, pour éviter les conflits d’intérêts.

Information du défendeur

Jérôme Kitoko a expliqué qu’il est de principe reconnu à travers plusieurs législations que  » nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée « . Le juge doit avant de procéder, vérifier si le demandeur (celui qui provoque le procès) a informé le défendeur (celui contre qui le procès est intenté) de l’action introduite contre lui.

le Premier président a fait savoir que pour permettre au défendeur d’être à même de se défendre, le juge, dans son pouvoir de contrôle consistant à l’observance du délai et de la forme de notification, veillera à ce que ce dernier ait un temps destiné à lui permettre de s’organiser.

Il devra vérifier si le demandeur a communiqué les motifs de son action, afin que le défendeur puisse préparer sa défense. Enfin, il devra vérifier si le défendeur a été informé de la date et du lieu du procès, afin d’être présent en temps et en heure pour se défendre.

Le magistrat a signalé qu’il y a lieu de noter que lorsque le défendeur n’est pas correctement informé de la procédure à son encontre, le juge devra annuler ladite procédure en se déclarant non saisi ou mieux que la cause n’est pas en état d’être jugée ;ceci appelle deux observations qui nécessitent des éclaircissements quant au principe d’être entendu ou d’être appelé.

Jérôme Kitoko Kimpele a affirmé qu’en principe, la volonté du législateur est que le défendeur soit appelé pour être entendu, mais les droits de la défense sont respectés dès lors que conformément aux normes, le défendeur a été appelé car appelé à être entendu, libre à lui de venir participer ou non au procès et dans cette dernière hypothèse, il supportera seul les conséquences de son abstention volontaire.

Pour lui ce qu’il y a lieu de retenir, c’est qu’il ne peut pas y avoir une prime à la mauvaise foi lorsqu’un défendeur par son abstention ou un collectif d’avocats par son retrait du prétoire voudrait paralyser le cours d’un procès.Deuxièmement, lorsque le défendeur fait défaut alors qu’il a été informé de demandes ou accusation formulées contre lui, le juge en tire les conséquences conformément à la loi à l’instar du droit canadien invoqué plus loin.

Dans sa conclusion, le Patron de la Cour Suprême de Justice recommande aux barreaux et aux corps de défenseurs judiciaires d’interpeller sévèrement ces derniers sur des abus fustigés dans l’exercice de leur droit de défense.

Par Julie Muadi

 

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