Dans une lettre adressée au premier ministre
L’Ongdh fait part au chef de l’exécutif congolais de quelques préoccupations en rapport avec la mise en œuvre de l’ITIE
Dans une lettre adressée au premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo dont La Tempête des Tropiques s’est procuré une copie, l’Association africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) sollicite l’implication personnelle du chef du gouvernement pour la mise en œuvre du processus ITIE en RDC.
Dans cette correspondance de six pages, l’Asadho fait part au chef de l’exécutif national d’un certain nombre de préoccupations en rapport avec la mise en œuvre de l’Initiative sur la Transparence de l’Industrie Extractive au Congo-Kinshasa.
L’Asadho s’occupe des questions liées aux droits de l’Homme et au développement démocratique en RDC depuis plusieurs années.
En tant que tel, elle s’intéresse également aux questions touchant à la lutte contre la corruption et à la transparence des industries extractives. Pour l’ongdh, la corruption et l’opacité privent le gouvernement de moyens financiers nécessaires pour l’amélioration des conditions de vie (droits fondamentaux) des populations congolaises.
C’est ainsi qu’elle a adressé sa lettre au chef du gouvernement pour partager avec lui ses préoccupations au sujet de la mise en œuvre de l’Initiative de Transparence des Industries Extractives(ITIE) en République Démocratique du Congo.
C’est grâce à l’implication personnelle de Matata Ponyo que la mise en œuvre de l’ITIE a pris de l’envol et que le pays a atteint la conformité, note l’Asadho. Raison pour laquelle Madame Clare Short, présidente du conseil d’administration de l’ITIE, lors de son dernier séjour en République Démocratique du Congo, avait félicité fortement le gouvernement Matata pour tous ses efforts qui sont consécutifs à la volonté de rendre transparente la gestion des ressources naturelles.
Malgré la détermination de Kinshasa et tous les atouts dont dispose l’ITIE/RDC pour impulser la transparence du secteur extractif, ce processus rencontre encore d’énormes obstacles.
Vivement un nouveau décret sur l’ITIE/RDC
L’Asadho, par l’entremise de son président national, Me Jean Claude Katende, note que l’ITIE/RDC fonctionne sur base du décret 09/28 du 16 juillet 2009 portant création, organisation et fonctionnement du comité national de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives en République Démocratique du Congo.
Ce décret n’est plus aligné ni sur le fonctionnement actuel du comité exécutif (la composition du comité exécutif a déjà été changé, de nouvelles structures comme antennes ITIE mises en place…) ni sur la Norme ITIE. L’Ongdh invite Augustin Matata à s’impliquer pour adapter ce décret aux mutations indiquées.
Le comité exécutif de l’ITIE avait proposé le draft d’un nouveau décret pour examen et signature depuis le début de l’année 2014.
Fort malheureusement, plus d’une année après, ce décret n’a jamais été signé et le comité exécutif fonctionne encore sur base du décret dépassé.
Pour la société civile, le nouveau décret est nécessaire pour permettre aux organisations non gouvernementales au niveau des provinces de participer à la gestion des antennes ITIE et à sa mise en œuvre.
» Pourrions-nous vous prier, Monsieur le premier ministre, d’examiner la possibilité de rendre public le nouveau décret qui vous a été proposé « , écrit Katende.
Le coordonateur national de la coalition » Publiez Ce que vous Payer/RDC » déplore dans sa lettre adressée à Matata les intimidations et frustrations dont les acteurs de la société civile sont victimes de la part de certains animateurs de l’ITIE/RDC.
» La politisation » des débats au sein du comité exécutif et le fait de considérer que tous ceux qui disent OUI à toutes les propositions sont des patriotes, et que ceux qui disent NON quand la norme n’est pas respectée sont des non patriotes, risque de nuire aux débats démocratiques dans la mise en œuvre de l’ITIE. La conséquence sera que nous mettrons en œuvre une ITIE de mauvaise qualité, incapable d’impulser les réformes nécessaires pour renforcer la transparence « , écrit JC Katende.
Préoccupations
Dans cette lettre, Me JC Katende exhorte le chef du gouvernement congolais à s’activer pour qu’il y ait transparence de la dépense des revenus provenant des industries extractives.
En effet, le principe 5 de la Norme ITIE dispose que « …la compréhension du public des revenus et des dépenses des gouvernements sur la durée est susceptible de contribuer au débat public et de faciliter le choix d’options appropriées et réalistes favorisant le développement durable… « .
Au regard de la mise en œuvre de l’ITIE en République démocratique du Congo, les rapports ITIE se focalisent principalement sur la transparence des revenus, ce qui est un premier volet de l’ITIE, mais ne font pas de l’affectation desdits revenus, deuxième volet de l’ITIE, leurs préoccupations.
Pour rappel, le rapport ITIE 2010 avait fourni beaucoup d’efforts en ce qui concerne les paiements reçus dans le cadre du projet SICOMINES, en publiant non seulement les paiements reçus par le gouvernement, mais aussi la manière dont ils ont été affectés ou utilisés. Un progrès qui avait été salué par les organisations de la société civile impliquées dans l’ITIE mais qui n’a pas été maintenu dans les rapports ITIE 2011, 2012 et 2013 ni étendu à d’autres projets miniers ou pétroliers.
Ce qui est dommageable à la volonté d’assurer la transparence totale des revenus des industries extractives. Si cet effort de rendre transparents les paiements et dépenses a été possible pour le projet SICOMINES, ce qu’il peut être aussi possible pour les autres projets miniers et pétroliers.
» Nous savons que la transparence des dépenses exige des réformes importantes notamment de canaliser tous les revenus extractifs sur un compte spécial tant sur le plan provincial que national, mais de telles réformes sont nécessaires pour renforcer la transparence et la lutte contre la corruption.
Si dans certains pays un compte spécial a été créé pour canaliser les revenus pétroliers (Tchad), il est possible de créer ce compte pour tous les revenus extractifs en République démocratique du Congo.
Ceci permettrait de suivre ce qui a été fait avec les revenus provenant d’une industrie extractive X (cas de SICOMINES) en particulier, mais aussi du secteur extractif, en général « , martèle JC Katende. Ce dernier prie le premier ministre de se pencher sur cette question pour aider l’ITIE à impulser la transparence.
Il le supplie d’intervenir pour que ces mauvaises pratiques qui nuisent à l’image de la RDC, pays considéré comme un des modèles dans la mise en œuvre de l’ITIE de qualité, cessent.
La lettre de l’Asadho au premier ministre Matata Ponyo est disponible sur le site web de l’organisation (www.asadho-rdc.net)
Par Godé Kalonji Mukendi