Alors qu'on annonce à nouveau pour dans quelques jours la nomination d'un gouvernement de cohésion nationale en République démocratique du Congo, l'invité Afrique est ce matin le Premier ministre Augustin Matata Ponyo. Le chef du gouvernement congolais est en visite en Allemagne pour un Forum économique. Plus de deux ans après sa nomination, comment voit-il son bilan ? Pense-t-il être reconduit par le président Joseph Kabila ? Soutient-il l'idée d'une nouvelle candidature de Joseph Kabila à la présidentielle et donc d'une remise en cause de l'article 220 de la Constitution qui limite son nombre de mandats ?
RFI : M. le Premier Ministre, bonjour. Cela fait presque un an que l’on attend la nomination d’un nouveau gouvernement dit de cohésion nationale. Cela avait été annoncé par le président Kabila lui-même à l'issue des concertations nationales. Un an après, toujours rien, comment l’expliquez-vous ?
Augustin Matata Ponyo : la formation du gouvernement de cohésion nationale relève de l’initiative du président de la République Joseph Kabila Kabange. C’est une question qui lui tient à cœur, parce que ça fait partie des recommandations des concertations nationales, donc je crois que nous devons être patient, d’autant plus que la formation du gouvernement national est un exercice délicat, complexe mais qui doit garantir l’efficacité de l’exécution de son programme.
Pensez-vous vous-même être reconduit à la tête de son gouvernement ?
Ca fait partie de la discrétion du chef de l’état, et si le choix est porté sur moi, je suis à la disposition du chef de l’Etat comme de l’ensemble de la République.
Vous avez été nommé il y a plus de deux ans maintenant, quel est pour vous le point le plus important dans le bilan que vous défendez ?
Depuis avril 2012 jusqu’à aujourd’hui, nous avons fait beaucoup de réformes. D’abord sur le secteur de la sécurisation de l’ensemble du pays, vous avez suivi le président de la République [qui] a dit que l’ensemble des provinces est sous contrôle. Il y a un leadership fort que le président Kabila a exercé pour pouvoir réformer l’armée, pour pouvoir discipliner les troupes. Le gouvernement a appuyé le chef de l’Etat dans cette démarche notamment en bancarisant la paie de tout le monde, y compris des militaires. Et donc ce leadership du chef de l’Etat a abouti à bouter dehors le mouvement M23 qui déstabilisait une bonne partie des provinces du nord et du sud Kivu.
Pourtant il y a encore beaucoup de groupes armés dans l’est du Congo qui sévissent. L’armée congolaise est également accusée de commettre beaucoup d’exactions ? Selon l'ONU, la moitié des exactions sont encore commises par les forces de défense et de sécurité.
Non je crois qu’il faut éviter de tomber dans le piège de l’excès. Tout le monde sait aujourd’hui, que l’armée congolaise se discipline davantage. Nous avons mené la guerre contre le M23. Vous n’avez pas entendu que, lors de cette campagne, il y a eu des exactions, il y a eu des dérapages. C’était une campagne, une victoire saine. Mais je crois, qu’aujourd’hui, les dérapages sont davantage mineurs.
Mais je voudrai aussi vous donner les résultats économiques, parce que là aussi nous avons réalisé des résultats exceptionnels : nous avons un taux de croissance économique qui plafonne aujourd’hui à près de 9% par an. En 2014, ici nous possédons un taux d’inflation de 1.2%, parmi les plus bas du continent. Les salaires sont payés régulièrement, les écoles sont construites, plus de 500 écoles construites en moins de 12 mois. L’économie congolaise est une économie en forte progression.
Pourquoi est-ce que les populations ne ressentent pas encore, en tout cas complètement, les bienfaits de cette croissance. Ils se plaignent encore du chômage croissant, de la cherté de la vie… Pourquoi un tel décalage entre les chiffres officiels et le ressenti de la population ?
Il faut éviter de tomber dans le piège du pessimisme. Lorsqu’on vous dit que la population ne ressent pas les effets de la croissance, c'est une affirmation qui n’est pas vraie. Quand vous avez 30 à 40 000 personnes qui trouvent du travail, est-ce que vous allez nous dire que les 40 000 personnes ne peuvent pas toucher les effets de la croissance ? Mais les écoles, ça profite à qui ? Nous venons de lancer le premier parc agro-industriel, ça va profiter à qui ?
Justement, vous parlez des écoles, une grande majorité des professeurs se plaignent de ne pas être payés, et de ne pas être payés régulièrement ?
Non, ça c’est faux, vous n’avez pas une bonne information. Si vous vous adressez aux enseignants, ils vous dirons qu’ils sont payés régulièrement.
Etes-vous favorable à un changement de constitution pour permettre, justement à Joseph Kabila de se présenter en 2016 ?
Je crois que le président Kabila a un bilan, du point de vue économique et social, largement positif. Un président de la République qui a travaillé pour la réhabilitation routière, la construction des écoles, la construction des hôpitaux. Le moment venu il donnera la réponse qu’il faut à cette question.
Donc ça veut dire que c’est une possibilité ?
Comme je vous l’ai dit, le gouvernement est concentré sur le travail et l’essentiel pour nous, c’est de faire reculer au mieux la pauvreté.
Alors justement, vous parlez du travail du gouvernement, et dans ce travail-là, il y a un projet de réforme de la constitution qui a été introduit et qui a été à l’ordre du jour du Parlement. Personne n’en connaît le contenu exact, de quoi s’agit-il ?
Il y a quelques propositions de révision de certains articles qui ont été faites par le gouvernement, c’est une question qui a été débattue en conseil des ministres, puis nous avons envoyé ça au Parlement. Il faut peut-être poser la question au Parlement : où est-ce qu’ils en sont ?
Ce projet de constitution qui est au parlement, pouvez-vous confirmer que l’article 220 ne sera pas modifié ?
Je crois qu’il faut rester patient et que 2016 est encore très loin. Laissons le débat aller à son terme.