La famille politique du président Joseph Kabila ne serait pas aussi étroitement unie et intimement solidaire qu’on pouvait le croire à partir de l’apparente allégeance de tous ses collaborateurs à ce qu’ils appellent affectivement » Autorité morale » le point de ralliement, le centre de réarmement moral des troupes.
La chapelle est ravagée par des conflits d’intérêts, des trafics d’influence, d’âpres luttes de positionnement politique, la compétition de se mettre en évidence et se faire valoir au chef, le culte de la personnalité imprégné d’hypocrisie, un assaut malsain de flatteries, des coups bas ça et là, autant de maux qui rongent intérieurement la Mouvance présidentielle.
La coupe est si bien pleine qu’on n’a plus scrupule de laver son linge très sale sur la voie publique. Deux ministres qui se rentrent dans le chou à travers les médias sans gêne et sans dignité. Deux chefs des corps constitués (Exécutif et législatif) se décochent réciproquement des quolibets par médias interposés.
D’autres cadres s’égratignent les uns les autres et ne sont jamais sur la même longueur d’onde concernant la révision de la constitution et la personnalisation du pouvoir.
Une coterie qui ressemble à une mare aux grenouilles, à un panier de crabes. Sans convictions personnelles. Le seul dénominateur commun est l’accès à l’intarissable fontaine de privilèges dont ils bénéficient du fait de leur appartenance à la plate forme politique du chef de l’Etat.
Le manque de cohésion et d’harmonie engendre des heurts et tiraillements que de temps en temps l’autorité morale les réunit à Kingakati pour leur remonter les bretelles, comme des enfants turbulents qui se font tirer les oreilles. Le chef de l’Etat serait il perpétuellement à la recherche de collaborateurs sérieux, accomplis, dignes de confiance ? Les réunions informelles de Kingakati n’instaurent jamais l’ordre et la concorde dans une paroisse minée par des rivalités et des incompatibilités de caractères, et où la devise est » chacun pour soi et l’autorité morale pour tous « . Pendant qu’on patauge dans cet imbroglio, le navire MP prend l’eau de toutes parts, exposé à sombrer corps et biens.
Le naufrage n’est plus lointain. Il est pratiquement difficile de colmater toutes les voies d’eau causées au navire par les passages saboteurs, négligents et inconscients que le capitaine a pris à son bord sans esprit de discernement, enivré par de basses flatteries dont ils le comblaient.
On ne voit pas de quelle manière peut-on préserver le navire de la submersion qui s’annonce fatale. L’espoir est bien mince, le commandant de bord se borne à des demi-mesures, à des palliatifs inappropriés, soit le replâtrage des brèches.
Pour prévenir le chaos qui se dessine déjà à l’horizon, plus dévastateur que la fameuse » congolisation » des années 60, la communauté internationale via le Conseil de sécurité de l’ONU devrait intervenir pour conjurer la catastrophe.
Un système en perdition
Ce n’est pas une hypothèse, un fantasme ou une chimère. C’est une donne réelle dont le secrétaire général de l’ONU et son représentant à la tête de la Monusco en RDC sont parfaitement conscients et dont ils sont en possession de tous les éléments de solution.
Ils avaient pressenti l’apparition de ce chaos aux conséquences incalculables.
L’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la Résolution 2098 du Conseil de sécurité étaient justement pensés, mûris et conçus en prévision d’un grand désordre généralisé qui résulterait du naufrage alors en vue du navire MP qui tanguait déjà dangereusement. Tout ce que les dirigeants rdcongolais tentent de faire soi-disant pour sortir de l’auberge, devient finalement le remède pire que le mal. C’est la preuve qu’ils ont atteint leurs limites de leurs capacités d’assumer les devoirs de leurs charges d’Etat.
Imaginées comme tremplin pour déboucher sur la cohésion nationale, les concertations politiques ont accouché d’une souris, par surcroît mort-née. Ses nombreuses résolutions laborieuses sont restées lettre morte, le gouvernement de large ouverture à sortir quand les poules auront des dents. Quand à la débâcle du M23 dont on se fait gloire, on sait qu’il en est comme du geai paré des plumes du paon.
On ne peut pas espérer d’un système politique en perdition le relèvement d’un pays au bord du gouffre. D’autant plus que les animateurs du système donnent l’impression d’avoir une vision de la situation du pays tout à fait autre que celle qu’ont la majorité des Congolais toutes couches sociales confondues et la communauté internationale.
Pour eux, ce pays est debout, en plein essor de développement, où la sécurité des personnes et de leurs biens est assurée, les droits de l’homme sont garantis et protégés.
Cette appréciation affective des réalités du pays contraste étrangement avec le constat décrit a grands traits significatifs dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, dont l’ébauche était l’œuvre du Conseil de sécurité de l’ONU.
Les déficiences du pouvoir sont soulignées dans ce document, et des recommandations à l’avenant. La préoccupation majeure des dirigeants, et de tous ceux qui gravitent dans leur orbite est de se maintenir à jamais au pouvoir en recourant à tous les moyens qui leur sont bons.
Toutefois, l’unité d’action et l’esprit d’équipe font cruellement défaut dans la recherche et l’utilisation des moyens, parce que leur paroisse politique est un fourre-tout, un tout-venant, où des gens de toutes provenances et de divers horizons se retrouvent à la » mangeoire » sans se sentir liés par un code d’éthique commun ni une identité de convictions politiques.
Cas d’école de Mobutu
L’acharnement à contrarier le processus de démocratisation pour se maintenir au pouvoir à vie que nous observons aujourd’hui n’est pas un phénomène nouveau dans ce pays, et les conséquences qui s’en suivent demeurent invariablement les mêmes. Malgré l’estime, la considération, la gloire et le prestige qu’il avait conquis et qui faisaient des envieux en Afrique et ailleurs, Joseph Désiré Mobutu alias Mobutu Sese Seko n’a pas terminé sa carrière politique et sa vie terrestre en beauté.
Ivre de pouvoir, entouré de mauvais anges et d’adulateurs, il a été mal inspiré de se mettre systématiquement en travers du processus de restauration de la démocratie.
L’un de ses proches collaborateurs qui composaient un brain-trust de ses stratèges en chambre, avait même déclaré que les résolutions, recommandations et actes de la conférence nationale souveraine ne franchiraient les grilles du Palais du peuple ! Chose étrange, certains de ceux qui étaient des stratèges de Mobutu sont devenus Kabilistes comme par miracle, et font la pluie et le beau temps dans les sphères du pouvoir actuel comme ils le faisaient autrefois.
Il est toute nature que de tels oiseaux de mauvais agure contaminent tout pouvoir avec lequel ils réussissent à flirter. Ce n’est pas étonnant qu’on en soit réduit à tourner en rond, à faire du surplace.
Par Jean N’saka wa N’saka/ journaliste indépendant