
Depuis fin janvier, la rébellion du M23/AFC a pris le contrôle de la ville, imposant sa présence au cœur de l'Est congolais. Pourtant, derrière les discours de « libération », une colère sourde monte parmi les habitants des quartiers dévastés.
Accroupie derrière une barricade improvisée, Ezedine, 32 ans, serre son enfant contre elle. Ses yeux, marqués par la fatigue, fixent le vide.
« Ils ont dit qu'ils venaient pour nous libérer de l'injustice. Mais ils sont entrés comme des voleurs. Sans pitié. Sans nous parler », dénonce-t-elle.
Et de s'interroger :
« le M23 ne m'a pas consulté. Qui leur a donné le droit de prendre Goma au nom du peuple ? »
Autour d'elle, les maisons témoignent encore des affrontements : portes défoncées, vitres brisées, un silence glacial. Les marchés sont encore vides, et la peur se propage plus vite que les patrouilles rebelles.
Jean, 40 ans, enseignant, n'a pas pu reprendre le chemin de l'école depuis l'occupation. Il est choqué par le discours des rebelles et par l'incertitude sociale et l'insécurité psychologique imposées à la ville.
« Ils prétendent défendre les congolais marginalisés, mais tout ce qu'ils ont fait, c'est nous imposer leur loi. A-t-on voté pour eux ? A-t-on signé une pétition pour qu'ils viennent ? Moi je suis Congolais, et je rejette leur guerre. Le M23 ne représente que lui-même », a-t-il dit.
Alors que les leaders du M23 s'efforcent de convaincre la presse internationale de leurs intentions de paix, de justice et de « révolution populaire », les rues de Goma racontent une tout autre histoire. Celle de milliers de familles fuyant vers Saké, Minova ou les collines du Kahuzi-Biega. Des écoles fermées. Des hôpitaux débordés. Des femmes victimes de violences.
Un défenseur des droits humains a exprimé son inquiétude quant à la situation alarmante des DDH actuellement.
« Je ne peux plus travailler. Je ne peux plus dormir. Je ne peux plus parler librement. C'est ça la libération ? Le M23 dit qu'il se bat pour les jeunes ? Mais ils ont tué notre futur », explique t-il.
Dans les quartiers populaires de Mugunga, Kasika ou Mabanga Sud, le rejet est quasi unanime. Un pasteur, rencontré devant une église endommagée par les combats, résume le sentiment général : « Le M23 ne parle pas notre langue, ils ne connaissent pas notre douleur. Ils parlent à la radio, mais ils ne nous regardent jamais dans les yeux. Leur guerre n'est pas la nôtre. Ils veulent des terres ? Du pouvoir ? Qu'ils le disent. Mais qu'ils arrêtent de mentir au monde en disant qu'ils parlent au nom de Goma ».
Avec la chute de Goma, ce n'est pas seulement un territoire qui est tombé, mais la confiance d'un peuple en ses protecteurs et en sa souveraineté. Face aux caméras de certains médias internationaux, les slogans du M23 semblent de plus en plus creux face à la dure réalité du terrain.
Un murmure devenu cri silencieux, résonne de maison en maison, de quartier en quartier : « Le M23 ne m'a pas consulté. Cette guerre n'est pas la mienne », apprend-on. Pendant que les rebelles paradent dans les grandes artères de la ville, les habitants de Goma comptent leurs morts, pansent leurs blessures et attendent avec dignité le retour d'une paix réelle. Une paix non pas imposée par la force, mais qui naîtra du respect, du dialogue et de la vérité.
Alphonse Muderwa