Moni Della : « Si Kabila respecte la Constitution, le peuple Congolais va le respecter »

Vendredi 4 décembre 2015 - 11:17

Adresse du président de la République par rapport à la convocation du dialogue, message des Evêques membres de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo), déclarations de Lambert Mende, mise en garde du Procureur général de la République sur l’article 64 et interdiction aux supporters de Mazembe d’assister à l’entraînement de leur équipe. Tels, sont les différents points d’actualité commentés par Moïse Moni Della, président ai. du Rassemblement des Congolais démocrates et nationalistes (RCDN) dans un entretien avec Congo Nouveau.

 

Congo Nouveau : Comment avez-vous apprécié la dernière adresse du chef de l’Etat par rapport au dialogue politique?

Moni Della Le discours de Kabila est indigeste, insipide, incolore et inclassable. Du début à la fin, il n’a fait aucune allusion au respect de la Constitution qui est notre Bible et notre Coran. C’est comme si on n’avait pas affaire à un président de la République. Au moins, ce discours a un mérite : M. Kabila vient de se dévoiler. Lorsqu’hier, nous disions qu’il voulait changer la Constitution, les gens ne nous croyaient pas. Nous savons maintenant que Kabila veut organiser le dialogue pour changer la Constitution.

 

Comment expliquez-vous cela?

Lorsqu’il dit qu’il faut revoir le mode de scrutin moins couteux. On veut priver aux Congolais le droit de choisir leurs dirigeants.

On veut nous faire basculer au mode indirect, à une élection de combinard où on veut mettre les gens dans une salle pour choisir un président de la République. C’et en flagrance contre l’article 70 de la Constitution qui dit que « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans ‘renouvelable une fois ». Le nombre de mandat et le principe de suffrage universel sont, en plus, verrouillés dans l’article 220 de la Constitution. Voilà pourquoi nous ne vot’1ns pas de ce dialogue qui vise à changer la Constitution contre la volonté populaire. C’est simplement de la haute trahison. Kabila qui devait être le garant de la Constitution, la viole.

 

Jusque-là, Kabila n’a pas violé la Constitution. Il n’a fait que des propositions aux participants au dialogue. Ce que vous dites, n’est-ce pas des simples soupçons?

Comment parler des soupçons quand lui-même dit qu’il faut réfléchir sur comment changer le mode de scrutin et consort. On savait bien qu’il y avait ce projet depuis longtemps. L’évènement c’est le message des évêques qui ont interpellé tout le monde pour éviter que le sang ne coule. C’est Kabila qui veut que le sang coule. Il y a aujourd’hui, d’un côté, le discours de Kabila qui ne va pas nous amener à la paix et de l’autre, celui dés évêques qui amène à la paix. Les Congolais doivent suivre le chemin des prêtres de l’église catholique qui est celui du respect de la Constitution.

 

Lambert Mende dit pourtant que c’est la CENCO qui appelle à l’insurrection?

C’est le contraire. L’insurrection c’est d’aller à l’encontre de la volonté du peuple. La Constitution est un pacte républicain issu de Sun City. Les gens ont dit “plus jamais question de prendre les armes pour arriver au pouvoir”. Le pouvoir, on l’obtient dans les urnes. Le fait de déchirer la Constitution comme veut le faire Kabila, c’est ne pas vouloir la paix, la sécurité, la concorde et l’unité. La déclaration de Mende, c’est l’histoire du voleur qui crie au voleur. C’est le monde à l’envers. La voie à suivre, c’est la voie du respect de la Constitution comme nous ont rappelé les Princes de l’église qui ont toujours été au rendez-vous de l’histoire de notre pays. Ils sont au milieu du village et appellent au bon sens. A nous, peuple, de s’assumer. Bientôt, nous n’aurons d’autres choix que d’appliquer l’article 64.

 

Le PGR met en garde quiconque incite à la violence derrière l’article 64 de la Constitution car jusque- là, personne n’a pris le pouvoir par la force.

Pourquoi vous vous précipiter à inciter le peuple de faire usage de cette disposition?

Les Burkinabè n’ont pas attendu la fin du mandat de Blaise Compaoré pour prendre leur responsabilité. Nous sommes dans le même cas de figure. Il n’y a aucune honte, de copier des bons exemples. Kabila veut nous amener au dialogue pour tripatouiller la Constitution comme l’a fait Denis Sassou Nguesso à Brazzaville. Nous connaissons les joueurs et leur jeu. Le Procureur général de la république n’est pas au-dessus de la Constitution. Cet article s’impose également à lui. Ce qu’il dit est nul et de nul effet. Il ne va pas nous intimider. C’est la Constitution qui va l’intimider. Lorsque quelqu’un énerve la Constitution, on n’a pas à prendre les armes, mais on applique l’article 64. Lorsque le peuple se met débout, il est plus fort qu’une bombe atomique. Si Kabila respecte la Constitution, le peuple congolais le respectera.

 

Que dire de la marche arrière de l’UDPS par rapport au dialogue?

Celui qui connaît l’UDPS et Tshisekedi, ne peut pas être surpris. Moi, je suis convaincu que Tshisekedi ne peut jamais violer la Constitution. Son combat a toujours eu comme sens le respect strict de la volonté populaire scellée dans l’actuelle Constitution. Le Tshisekedisme se résume en trois points la démocratie, le respect des textes et le respect des droits de l’homme. Je ne vois pas Tshisekedi donner des béquilles à un pouvoir finissant de Monsieur Kabila. Tout est à l’honneur du président de l’UDPS qui est mon père politique.

 

Et pourtant, il n’a pas encore rejeté l’idée du dialogue. Et si on répondait à ses préalables avant le dialogue, vous continuerez à l’encourager?

Pourquoi pas. Si le dialogue aura la finalité d’empêcher Kabila de violer la Constitution, c’est une bonne chose. Même si je ne participe pas, j’applaudirais de deux mains. Si deux, trois ou quatre personnes peuvent parler de l’intérêt du Congo, qu’on soit là ou non, on applaudirait. Une élection mal organisée, porte les germes de la division. Je rejoins Kabila quand il dit que “le peuple congolais n’est pas n’importe quel peuple”... Effectivement, nous ne sommes pas n’importe quel peuple. S’il croit que ce qui s’est passé au Congo-Brazzaville, au Burundi, se passera également ici, il se trompe.

 

Le chef de l’Etat a fait un parallélisme entre développement économique et la démocratie pour justifier les difficultés d’organiser des élections à des modes de scrutins peu couteux. Vous le comprenez quand même sur ce point?

Ce n’est pas vrai. C’est un débat dépassé. On ne doit pas prendre des Congolais comme des vanupieds. Ils savent réfléchir. La Constitution, c’est le vivre ensemble. De quel développement parle-t-il ? Qu’il parte d’abord et on va réfléchir du développement après. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. S’il n’y a pas d’argent, c’est un aveu d’incompétence car le gouvernement était censé le réunir au courant de cinq ans. Et non à la veille. Ailleurs, on lui dira de démissionner.

Mais moi je n’ai pas besoin qu’il démissionne. J’ai juste besoin qu’il termine son mandat et partir à l’heure H, le jour J.

 

Le 1er décembre, les supporters de Mazembe ont été empêchés d’entrer dans leur stade pour assister à l’entraînement de leur équipe. Comment expliquez-vous cela?

C’est malheureux et pitoyable. Il faut différencier le football et la politique. A travers Mazembe, on parle du Congo en bien. Les Congolais ont besoin de sourire. Si on a des problèmes avec Moïse Katumbi parce qu’il ne veut pas qu’on touche à la Constitution- c’est une personne à féliciter-, il ne faut pas toucher à Mazembe qui est un patrimoii1e national. Le sport nous donne non-seulement le sourire, c’est aussi une école de discipline, de fair-play et de l’unité nationale. On a vu quand les Léopards avaient gagné le Congo-Brazzaville la joie des Congolais. C’est dangereux de politiser le sport à outrance.

 

Propos recueillis par Katz.