MP vs G7: bataille autour du scénario du président intérimaire, qui a tort et qui a raison? Arbitrage de Ban Ki-moon attendu.

Mardi 23 février 2016 - 14:00

Que se passera-t-il au delà du 19 décembre 2016 si jamais, scénario non souhaitable, la présidentielle n'était pas organisée avant cette échéance?

Le président Kabila, dont c'est le dernier mandat continuerait-il à exercer ses fonctions comme si de rien n'était?
Sans surprise, la Majorité présidentielle (MP), sa famille politique, répond par l'affirmative au nom du principe de la continuité de l'État consacré notamment par l'article 69 de la Constitution du 18 février 2006.
En revanche, le G7, plateforme de l'Opposition, réputé proche de l'ex gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, a un avis contraire.
Pour le président de cette plateforme, l'ancien ministre de la Défense Charles Mwando Nsimba, il y aura vacance du pouvoir si le pouvoir n'organise pas les élections présidentielles dans le délai constitutionnel. À l'appui de ses propos, l'ancien vice-président de l'Assemblée nationale mentionne l'article 75 de la Constitution.
C'est le fameux scénario de la République d'Haïti. Là-bas, le président sortant, Michel Martelly, a quitté le pouvoir après avoir organiser le 1er tour du scrutin de la présidentielle début février 2016. Face à la crise politique persistante après ce 1er tour, il n'a pas pu organiser le second tour et a préféré démissionner. Ignorant le.principe de continuité de l'État notamment. Applaudis par les uns et honni par les autres, Michel Martelly divise au delà de ses frontières.
Haïti est depuis dirigé par un président intérimaire. La situation d'Haïti évoquée par le G7, et rejetée par la MP, tous, à coup des dispositions constitutionnelles, ressemble -t- elle cependant à la crise politique congolaise?

Pour répondre à cette question nous avons interrogé la Constitution haïtienne.
Dans ce premier pays noir émancipé (1830), le président est aussi le garant de la Constitution dont il veille à son respect (art. 149). Dans la Constitution de la RDC, c'est l'article 69 qui en parle.
Le président de ce pays des Caraïbes comme le nôtre, le président assure la continuité de l'État et le bon fonctionnement des pouvoirs publics (art. 136).
Malgré toutes ses dispositions, le président sortant, Michel Martely, a déposé le pouvoir d'État. Il n' y a pas eu pour autant chaos font remarquer les cadres de l'Opposition rd-congolaise.
Contrairement à la loi fondamentale congolaise, en Haïti c'est le président de la Cour de cassation, l'équivalent du président de la Cour Suprême de Justice en RDC, qui assume l'intérim. Alors qu'en RDC, en cas de vacance c'est le président du sénat qui exerce les prérogatives présidentielles.
La durée en RDC est de 120 jours au plus contre 90 jours en Haïti.
Mais la vacance en RDC pour être constatée obéit à une procédure rigoureuse: c'est la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement (art. 76). Mais à la différence de la procédure haïtienne, là-bas, c'est le premier ministre qui saisi l'Assemblée nationale qui a son tour investi le président intérimaire (président de la Cour de cassation). En Haïti, le président ad intérim n'a pas le droit de concourir à la présidentielle qu'il organise. Faudra qu'il attende celle qui viendra après. Alors qu'en RDC, le président provisoire n'a pas cette interdiction. La vacance est déclenché en RDC par le décès du président ou sa démission ou encore en cas empêchement définitif (art.75).  Peut-on interpréter la non organisation de l'élection présidentielle dans le delai constitutionnel comme un cas d'empêchement définitif? Non selon bon nombre de juristes. Mais en revanche. Le G7 et la Dynamique de l'Opposition, qui attribuent le blocage du processus électoral à la mauvaise foi du président Kabila, s' octroient une brèche juridique dans cette hypothèse. En effet, soutient un avocat, s'ils arrivent à le prouver, cela peut être assimilé à une haute trahison et partant donner lieu à un empêchement définitif du président de la République. Si jamais celui-ci était condamné par le Congrès, son juge en cas de haute trahison. Faut admettre en toute lucidité qu'on est loin de ce schéma.
Cependant en Haïti la vacance est moins encadrée qu'en RDC. Là le constituant évoque «quelque cause que ce soit». Martely s'y est engouffré et a transmis le pouvoir. Poussé la pression populaire bien entendu. Après tout, il ne pouvait plus briguer un deuxième mandat car la Constitution le lui interdit. En Haïti on ne peut exercer deux mandats présidentiels successifs. La durée du mandat est  limitée à 5 ans. On ne peut non plus briguer un 3è mandat. Pour briguer un 2è, il faut patienter au moins 5 ans.
Pour revenir à la bataille juridique en RDC autour du scénario de la vacance du pouvoir, la MP qualifie le G7 d'interprétation erratique. Minaku et Atundu l'ont fait savoir hier lundi 22 février dans un communiqué à l'issue du Bureau politique de la MP.
Quoiqu'il en soit le G7 n'en démord pas. Il continue à soutenir qu'au-delà du 19 décembre, Kabila n'aura aucune légitimité ni légalité, ce qui autorise de parler de vacance du pouvoir. G7 rappelle que la Transition prévue par la Majorité présidentielle à l'issue du Dialogue n'est pas prévue par la Constitution.
D'où l'idée par elle avancée, des «négociations directes» au lieu du «Dialogue» prôné par Kabila. Pour le G7, il est encore possible de tenir les élections présidentielles dans le délai constitutionnel. Ça sera cela la matière des «négociations directes». La MP elle ne jure que sur son «Dialogue». Elle se targuer d'avoir l'appui formel et mesuré de la communauté internationale depuis la missive de l'ONU de l'UE, de l'OIF et de l'UA encourageant le Dialogue politique dans le respect de la Constitution.
Peut-être que le patron des Nations-Unies, Ban Ki-moon, en séjour en RDC, va décanter la situation politique délétère en rapprochant les vues des uns et des autres apparemment inconciliables. Accusation de subversion d'un côté contre haute trahison de l'autre.
La solution ne viendra sans doute pas d'Haïti mais de la volonté à respecter ou à faire respecter la  constitution.