Nouvel Hôtel du gouvernement de la RDC : Il faut penser au déménagement scientifique des archives

Vendredi 26 juin 2015 - 04:28

Le temps est venu pour la République démocratique du Congo (RDC) de valoriser les talents locaux sur la gestion de l’avant, pendant et l’après-aménagement des archives des ministères dans le nouveau bâtiment qui va abriter le nouvel Hôtel du gouvernement à la place Royal, dans la commune de la Gombe, à Kinshasa.

L’imposant immeuble à six (6) étages du gouvernement central va bientôt être inauguré en bordure du boulevard du 30 Juin, dans le cadre la « Révolution de la modernité » des infrastructures.

Cependant, il y a de sérieux doutes qu’on ait pensé à la gestion scientifique des archives du gouvernement avant, pendant et après l’aménagement des administrations ministérielles dans ce nouveau bâtiment.

En effet, l’archivistique insiste sur le fait qu’« il y a, parmi les moments qui occasionnent la destruction des archives, le déménagement », comme celui qui va être effectué dans la foulée de l’inauguration de l’Hôtel du gouvernement.

Au cours d’un déménagement - moment appelé « Règlement de comptes » - on enregistre généralement la disparition et la destruction des documents. Pour cette raison, il est souhaitable que l’Etat congolais y associe les experts « congolais » en archives et les institutions qui maîtrisent la gestion des documents administratifs.

A cet effet, l’Etat congolais devra s’appuyer sur les produits de l’Institut supérieur de statistique de Kinshasa (ISS/Kin), une institution publique qui, chaque année, forme des cadres compétents dans la gestion des archives et la documentation, ainsi que le personnel des Archives nationales du Congo, « gardien de la mémoire collective ».

A cette occasion, le travail sera d’évaluer le fonds archivistique, organiser le tri et l’inventaire, emballer les documents et de veiller sur le déplacement des archives et leur reclassement dans le nouveau bâtiment.

Les archives de la RDC détruites 4 fois depuis 2006

En Afrique centrale francophone, la RDC est certainement le seul pays possédant des professeurs-experts en archives et archivologie qui peuvent accompagner ces travaux afin d’éviter la perte et la disparation des documents, à l’instar des professeurs Denis Nzonkatu et Bob Bobutaka.

Ainsi, en utilisant des experts et des institutions du pays, l’Etat répondra favorablement au slogan cher au ministre de l’Industrie « Consommons congolais » en vue de permettre la promotion des talents congolais et, par ricochet, protéger les secrets d’Etat.

Depuis le règne du Roi Léopold II, les archives en République démocratique du Congo connaissent beaucoup de problèmes. Elles sont soit détruites, soit négligées, soit encore volées sans qu’il y ait des poursuites judiciaires contre les auteurs des actes de destruction.

Au cours des neuf (9) dernières années, les archives de la RDC ont été détruites quatre (4) fois. En 2006, la destruction d’une partie des archives de la Cour suprême de justice a été provoquée par le contentieux électoral.

Des incendies ont détruit les archives de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion (CONADER) en 2007 et les archives médicales des Cliniques universitaires de Kinshasa en novembre 2009. La plus récente destruction est celle des archives au Secrétariat général et aux installations abritant le serveur central du système informatique du ministère du Budget, dans la nuit du 5 au 6 janvier 2015.

Dès lors, l’Etat congolais éprouve des difficultés à consulter certains documents administratifs en cas de problèmes internes, externes ou de litiges. Par conséquent, la mauvaise gestion et la mauvaise tenue des archives fragilisent la sécurité du pays.

La bonne gestion des archives

La force des pays occidentaux ne réside pas seulement dans l’armement dissuasif mais plutôt dans la bonne tenue des archives qui leur permettent de connaître et maîtriser leur passé, sécuriser et évaluer le présent afin de mieux préparer l’avenir.

C’est pour cette raison que le monde actuel veut que les archives et les documentations, quelles qu’en soient les institutions, soient gérées par des archivistes ou documentalistes attitrés, non par des historiens et autres hommes lettres, moins encore par n’importe quel lettré sorti de l’université.

« Parce que, soutient-on, il existe des techniques bibliologiques pour la gestion, pour la lecture et pour la communicabilité des documents d’archives. Il convient de noter que la bibliologie n’est pas seulement la science des écrits mais la discipline qui étudie le comportement et l’esprit ainsi la physique des écrits et du support document ».

Les archives sont, par définition, l’ensemble des documents - quelles que soient leur date ou leur nature, réunis (élaborés ou reçus) – détenus par une personne physique ou morale (publique ou privée) pour les besoins de son existence et l’exercice de ses tâches, et conservés d’abord pour servir de preuve et pour ses besoins administratifs, conservés ensuite pour leur valeur d’information générale ».

Dans leur document intitulé « Sauvegarder la mémoire de nos peuples : manuel d’archivistique », L. SMALLEY et R. SETON de l’Université de Yale(USA) recadrent l’importance des archives.

« Les archives constituent l’ensemble des ressources documentaires qui permettent aux générations futures de connaitre l’histoire des personnes et des institutions. Il peut s’agir de lettres, de procès-verbaux, des rapports de documents légaux, de publications, de photographies, de récits oraux, de documents relatifs aux conférences, ou de tout autre matériau susceptible d’apporter un témoignage sur des activités ou des événements passés », soulignent-ils.

Les archives s'occupent aussi des témoins accumulés d'une activité sociale ou institutionnelle. Il s'agit essentiellement des matériels non publiés, bien que ces témoins forment un ensemble plus complexe aujourd'hui.

Leur intérêt se porte davantage sur les documents constituant des traces collectives d'activité que sur les œuvres sciemment créées pour la publication.