Opération Likofi : HWR amplifie le rapport de Scott Campbell

Mercredi 19 novembre 2014 - 12:54

Selon le rapport d’enquête publié par Human Rigthts Watch, l’opération menée par la Police dans la capitale congolaise a été entachée d’exécutions sommaires de 51 jeunes et de disparitions forcées de 33 autres personnes.
Un mois après la publication par le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’homme (BCNUDH) de son rapport sulfureux dénonçant les exécutions sommaires et disparitions forcées commises par la Police dans l’opération Likofi, Human Rights Watch(HRW) vient d’enfoncer le clou avec un autre rapport tout aussi accablant qui accuse la Police congolaise d’avoir tué 51 jeunes garçons au cours de cette opération menée contre les bandits urbains à Kinshasa.

Dans ce rapport publié hier mardi 18 novembre 2014, l’Ongdh américaine Human Rights Watch affirme que la police de la République démocratique du Congo a sommairement tué au moins 51 jeunes et garçons et soumis 33 autres à des disparitions forcées au cours de cette campagne anti-criminalité lancée il y a un an à Kinshasa.

Ce rapport de 63 pages intitulé » Opération Likofi : Meurtres et disparitions forcées aux mains de la police à Kinshasa « , décrit de manière détaillée comment des policiers en uniforme, portant souvent des cagoules, ont traîné des membres présumés de gangs connus sous le nom de » kuluna » hors de leurs demeures pendant la nuit et les ont exécutés.
Ce document avec des images photos des victimes accable davantage Kinshasa qui, après le rapport Scott Campbell, a déclaré ce dernier persona no grata en RDC.

Les policiers ont ouvert le feu et tué des jeunes non armés devant leurs maisons, dans les marchés ouverts où ils dormaient ou travaillaient, ainsi que sur des terrains à proximité ou dans des espaces isolés. Un grand nombre d’autres ont été emmenés sans que les policiers ne présentent un mandat d’arrêt vers des destinations inconnues, et soumis à des disparitions forcées, précise HRW dans son document.

» L’Opération Likofi a été une campagne brutale de la police congolaise qui a laissé une trainée de meurtres commis de sang-froid dans la capitale « , déclare Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. » Lutter contre la criminalité en commettant des crimes ne renforce pas l’État de droit, mais ne fait qu’aggraver un climat d’angoisse.
Les autorités congolaises devraient enquêter sur ces meurtres, en commençant par le rôle du commandant en charge de l’opération, et traduire les responsables en justice."

Human Rights Watch a mené des entretiens à Kinshasa auprès de 107 personnes, dont des témoins, des membres de familles des victimes, des policiers qui ont participé à l’Opération Likofi, des représentants du gouvernement, et d’autres personnes. Human Rights Watch a également diffusé une vidéo et des photos des » kuluna » présumés qui ont été tués lors de l’Opération Likofi, ainsi que des entretiens avec les membres de leurs familles.
Le gouvernement congolais a lancé l’Opération Likofi le 15 novembre 2013, à la suite d’un engagement public du président Joseph Kabila de mettre fin à la criminalité des gangs à Kinshasa. Les » kuluna » ayant été responsables d’une vague de vols à main armée et d’autres crimes graves dans divers quartiers de la capitale depuis 2006.

Durant les trois mois qu’a duré l’opération, d’après le rapport de HRW, la police a conduit de nombreux raids, prenant même pour cible plusieurs personnes qui n’avaient rien à voir avec les kuluna. Certaines victimes étaient des enfants de la rue, tandis que d’autres étaient des jeunes accusés à tort par leurs voisins dans des conflits non apparentés.
Certains ont simplement eu la malchance de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment lors de cette opération.
Human Rights Watch est arrivée à la conclusion que dans les cas qu’elle a examinés que les personnes qui ont été tuées ne représentaient aucune menace imminente à la vie qui aurait justifié l’utilisation de la force létale par la police.
Le 13 novembre, des membres des familles de 25 victimes tuées ou qui ont fait l’objet de disparitions forcées lors de l’Opération Likofi ont demandé justice dans une lettre adressée au Procureur général de la RD Congo.

Ils ont exhorté le gouvernement à les » informer dans les meilleurs délais sur le sort de leurs enfants portés disparus et de leur indiquer le lieu d’enterrement de ceux qui ont été abattus, afin de leur permettre d’organiser des funérailles en toute dignité et conformément à leurs coutumes".
Ils ont également appelé à des enquêtes, et demandé que » les plus hauts responsables civils et policiers ayant intervenu dans ladite opération soient traduits en justice … et que des réparations puissent être faites à l’issue de ces procès. «
Il y a lieu de rappeler que le 15 octobre, l’ONU a publié un rapport de 22 pages documentant les exécutions sommaires et les disparitions forcées commises par les forces de police ayant participé à l’Opération Likofi à Kinshasa.
Deux jours plus tard, le gouvernement congolais a demandé au Directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en RD Congo, Scott Campbell, de quitter le pays.

Cette » expulsion d’un haut responsable des Nations Unies pour avoir révélé les exactions de la police lors de l’Opération Likofi laisse craindre que les autorités congolaises ne prennent pas au sérieux la nécessité de mettre fin aux crimes commis par la police « , relève le rapport de HRW.
» Le gouvernement devrait se focaliser sur les enquêtes et les poursuites contre les auteurs de ces crimes, au lieu de continuer à les couvrir. « , conclut le document.
Par Godé Kalonji Mukendi