(Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi, Présidente de la Cour pénale internationale)
Dans les salles d’audience de la Cour pénale internationale (CPI) et dans les communautés locales, nous entendons les voix de ceux qui ont survécu à certains des crimes les plus odieux qui soient. Nous entendons des récits de pertes terribles. Des récits de souffrances humaines qui auraient pu et dû être empêchées. " ".
À notre propre époque, dans des conflits qui font rage encore aujourd’hui, des atrocités sont planifiées et commises, laissant dans leur sillage des victimes de crimes généralisés ou systématiques. Des sociétés du monde entier ont été profondément marquées et divisées par des crimes tels que des attaques dirigées contre des civils, des meurtres, l’utilisation d’enfants soldats et le recours au viol comme arme de guerre. La violence en un lieu entraîne inévitablement l’instabilité dans d’autres. Pour certains, ce fait, bien qu’inquiétant, peut paraître bien lointain, mais pour des centaines de milliers d’autres, il s’agit-là de leur seule réalité.
Il y a 18 ans, le monde franchissait un grand pas en s’engageant à traduire en justice les responsables de pareils crimes. Le 17 juillet 1998, j’en ai été le témoin privilégié, à une conférence à Rome. Des nations du monde entier ont adopté ce jour-là un traité international, le Statut de Rome, pour la création de la Cour pénale internationale. Avec une détermination sans faille, des États, des représentants de la société civile et d’autres groupes partageant la même vision ont alors travaillé pour obtenir un nombre suffisant de ratifications du traité pour que la CPI devienne réalité. Elle a pour mandat de poursuivre et juger les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
Depuis, beaucoup a été fait pour connaître de ces crimes. La CPI s’est muée en une institution judiciaire solide. Son Bureau du Procureur a ouvert des enquêtes sur 10 conflits concernant 9 pays. Le Procureur examine en ce moment plusieurs autres conflits, étendant son action sur plusieurs continents. Des condamnations ont été prononcées pour des faits d’utilisation d’enfants soldats, de meurtres, de violences sexuelles. Grâce à la représentation légale, la Cour a permis à 13 000 victimes de participer aux procédures portées devant elle. À la CPI, nous disposons des outils pour veiller au déroulement équitable des procès. Nous sommes dévoués corps et âme à la lutte contre l’impunité et au devoir de justice vis-à-vis des victimes.
Des crimes atroces sont encore commis. Il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi, en ce 17 juillet, jour anniversaire du Statut de Rome et Journée de la justice pénale internationale, nous appelons une nouvelle fois à la solidarité pour faire de la justice une réalité et pour veiller à ce que ces crimes ne restent pas impunis.
Le Statut de Rome reconnaît la menace que représentent les crimes graves pour la paix, la sécurité et le bien-être de l’humanité et il vise à contribuer à la prévention de tels crimes en traduisant leurs auteurs en justice. Il est essentiel de soutenir cet objectif. Nous avons besoin du soutien universel des États qui n’ont pas encore ratifié le Statut de Rome, de ceux qui l’ont ratifié et de tous ceux qui luttent contre l’injustice.
La CPI doit aussi pouvoir compter sur des formes spécifiques de coopération afin d’enquêter et de poursuivre les auteurs des crimes et de garantir aux victimes l’accès à la justice. Nous avons besoin de témoins qui puissent venir à la Cour et déposer devant elle pour que les juges sachent ce qui s’est passé. Nous demandons à chacun d’aider la Cour à protéger les témoins, notamment en respectant leur anonymat lorsqu’il est nécessaire.
Comme nous n’avons pas de force de police propre, nous comptons sur la coopération des États pour procéder à des arrestations. Des États et des organisations nous aident également en recueillant et en conservant des éléments de preuve, en gelant les avoirs des suspects et en veillant à l’exécution des peines. Le Statut de Rome a aussi créé le Fonds au profit des victimes, qui est alimenté par des contributions d’États pour veiller à ce que des victimes puissent obtenir des réparations et un soutien. Plus de 180.000 victimes ont déjà pu bénéficier de ses programmes d’assistance.
Au-delà de notre travail quotidien, pour pouvoir atteindre nos objectifs les plus larges et faire efficacement face aux atrocités, nous aurons besoin d’une réponse unifiée et complète de la part de la communauté internationale. Nous devons démontrer que ceux qui commettent des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité auront à faire face aux conséquences de leurs actes. Il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les victimes de tels actes obtiennent justice. Cela ne pourra se réaliser que si les différents protagonistes nationaux, régionaux et internationaux réaffirment à l’unisson leur attachement à l’état de droit, aux droits de l’homme et à la justice. Pour dissuader quiconque de commettre de nouveaux crimes, nous devons systématiquement veiller au châtiment des auteurs de tels crimes.
Pour ceux qui ont souffert, nous réaffirmons fermement notre engagement à veiller à ce que justice soit faite. Pour notre génération et celles qui suivent, nous ferons tout notre possible pour empêcher de nouvelles souffrances. Nous demandons à tous et à toutes de se rallier à cette cause.
Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons transformer en réalité les espoirs du 17 juillet. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à construire un monde plus juste.