RD Congo – Massacres de Beni : Un an après… devoir de mémoire

Lundi 5 octobre 2015 - 13:49

Il y a un an débutaient les massacres de Beni dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Sans aucun signe annonciateur, un havre de paix, Beni, s’est transformé, du jour au lendemain, en sordide abattoir. Des escadrons de la mort s’exprimant, pour la plupart, en kinyarwanda, surgissent des fourrés et se mettent à tuer femmes, enfants, vieillards,… sans motif apparent. Les victimes agonisent et meurent dans des conditions particulièrement atroces. Les tueurs se servent de machettes, de haches, de pilons, de douilles de houe, de marteaux, de couteaux. Les scènes de crime livrent un spectacle insoutenable, mais ce n’est pas ce qu’il y a de pire. Le pire est qu’à chaque fois, les assaillants repartent sans que l’armée et les casques bleus, pourtant positionnés non loin de là, ne soient en mesure d’en capturer un seul.

Certains massacres durent des heures. On compte jusqu’à trois massacres par semaine. Dans leur déclaration du 23 mai 2015, les évêques du Kivu, réunis dans la ville voisine de Butembo, parlent de « génocide ».
Qui sont les massacreurs ?
Face au flou entretenu sur l’identité des tueurs, une pétition a été lancée sur le web réclamant une enquête pénale internationale. Pour le gouvernement de Kinshasa, les massacres sont le fait des rebelles islamistes ougandais des ADF, une version qui ne convainc pas. Ces rebelles ont été vaincus militairement en avril 2014. Leur chef, Jamil Mukulu a fui la région pour s’installer en Tanzanie. Les massacres ont commencé six mois après la fuite des dirigeants du mouvement islamiste. Les premières informations recueillies auprès de la population et des rescapés sont que les tueurs n’ont rien de commun avec les ADF, un groupe armé que la population locale connaît depuis 1995 et qui ne s’est jamais livré aux tueries de ce genre. Dans son article du 21 octobre, la journaliste belge Colette Braeckman doute que « ces atrocités soient réellement l’œuvre des ADF »[1]. Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mbusa Nyamwisi, originaire de Beni, le cerveau des massacres n’est autre que le général Mundos, un proche de Joseph Kabila qu’il accuse d’être à la fois le commandant des unités de l’armée sur place et le commandant des escadrons de la mort qui commettent les massacres[2]. « Les gens parleront », dit-il en lançant un appel pour une enquête pénale internationale.

Avec le temps, les soupçons vont de plus en plus peser sur certaines unités de l’armée en complicité avec des assaillants qui s’infiltrent sur le territoire congolais à partir des zones frontalières de l’Ouganda et du Rwanda voisins, où se sont repliés les éléments du M23, une milice tutsie parrainée par les gouvernements des deux pays[3]. Mais on n’est pas toujours avancé tant que des enquêtes judiciaires crédibles ne seront pas menées et que des poursuites seront engagées contre les tueurs, leurs complices et leurs commanditaires.

Pour une enquête pénale internationale
Pour éviter que ces atrocités ne rejoignent la pile des milliers d’autres restées impunies, des voix continuent de s’élever pour réclamer une enquête pénale internationale. L’organismeDESC a lancé une pétition appuyée par deux vidéos[4] illustrant une partie des atrocités. De son côté, dans son rapport de décembre 2014 l’ONG américaine Human Rights Watch a également appelé à la mise en route d’une enquête pénale internationale. En décembre 2014, un forum organisé par la société civile du Nord-Kivu s’est clôturé sur un ensemble de recommandations appelant notamment à la mise en route d’une enquête pénale internationale. Des appels qui sont parvenu au gouvernement de Kinshasa qui se mure dans le silence, probablement pour ne pas embarrasser des personnalités haut placées qui seraient derrière ces tueries.

En effet dans son point de presse du 24 novembre 2014, le ministre de la Communication Lambert Mende a affirmé que les massacreurs bénéficiaient de la complicité des personnalités « à tous les niveaux des institutions »[5] du pays. Il n’a jamais été entendu par la justice pour recueillir la liste de ces personnalités et les renseignements dont il disposait sur le niveau de leur implication dans les crimes. En tout cas, au même moment, plusieurs personnalités locales, des hommes d’affaires et des membres des partis d’opposition étaient arrêtés et transférés dans des prisons secrètes à Kinshasa[6], avant d’être relâchées. Les massacres se poursuivaient ce qui signifie que les autorités n’avaient pas cherché dans la bonne direction. Manœuvre de diversion ou égarement involontaire ?

Quoi qu’il en soit, il faudra un jour que lumière soit faite sur cette effroyable affaire. Cela passe par le devoir de mémoire. Ne jamais oublier ces victimes, car c’est à force d’oublier les victimes comme celles de Beni, que le bilan de la tragédie du Congo en est aujourd’hui au chiffre ahurissant de six millions de morts. Dans le silence de la « communauté internationale ». Le monde sera toujours dangereux non pas tant à cause des gens qui commettent ces actes de cruauté, mais à cause des gens qui regardent et laissent faire.

Boniface MUSAVULI

 

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