Le président congolais, Joseph Kabila, a réuni lundi à Lubumbashi des personnalités politiques et des membres de la société civile, originaires du Katanga, son fief. Au menu de la rencontre : le respect de la Constitution.
C'est sous une immense tente dans sa ferme, située dans la banlieue de Lubumbashi, que le président congolais, Joseph Kabila, a rencontré, le 5 janvier, les notabilités du Katanga, dans le sud de la RDC. Une rencontre sous haute tension d'autant que les deux principales autorités de la province minière se sont récemment démarquées de la ligne directrice de la majorité au pouvoir.
Deux semaines plus tôt, Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga, empruntant le jargon footballistique, s'était prononcé en effet contre un "troisième faux penalty" en RDC. Décodage : non à la modification de la Constitution pouvant permettre à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat.
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De son côté, Kyungu wa Kamwanza, président de l'assemblée provinciale, a profité de la clôture de la session parlementaire de 2014 pour jouer à son tour les trouble-fête, en se prononçant contre le découpage de la province du Katanga, tel que prévu pourtant dans la Constitution en vigueur en RDC.
Kabila frappe le poing sur la table
"Il était temps que le chef de l'État, garant de la Constitution, frappe le poing sur la table", soutient Jean-Marie Kassamba, l'un des conseillers du président congolais. Devant près de 300 notables et hommes politiques katangais (députés, sénateurs, chefs coutumiers, ministres), Joseph Kabila a donné des "directives à court, moyen et long terme", se refusant de commenter des "discussions de bistrot", affirme le conseiller.
À en croire plusieurs sources concordantes, le président congolais a donc rappelé que le Katanga est une province comme les autres et qu'il est temps de rétablir de l'ordre dans cette entité. La région la plus du riche mais dont la population continue de vivre dans la pauvreté, a-t-il également souligné.
"À ceux qui veulent s'opposer au découpage pour protéger leurs intérêts miniers, Joseph Kabila les a appelé au respect de la Constitution", souligne une source proche de la présidence de la RDC.
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"Rappel à l'ordre"
Un "rappel à l'ordre" salué par Bijoux Goya, sénatrice de la future province du Haut-Katanga. "Le découpage est constitutionnel, rappelle l'élue. Il appartient donc aux autorités politiques de l'appliquer au lieu de privilégier des intérêts personnels".
Mais si Bijoux Goya semble être sur la même longueur d'ondes que Joseph Kabila, elle n'épargne pas pour autant le président congolais. "C'est lui le chef : il ne doit pas se plaindre mais passer des discours aux actes et sanctionner", estime-t-elle.
Un exercice périlleux pour Joseph Kabila, désormais "chantre de la cohésion nationale", qui cherche avant tout à resserrer les rangs de la majorité dans son fief du Katanga. Au cours de son allocution, il n'a donc fait aucune allusion sur son éventuelle candidature en 2016. Question de ne pas en rajouter à un débat qui divise dans la province. "En 2016, il n'y aura pas d'hécatombe", a d'ailleurs rassuré le chef de l'État.
"Mais, c'est trop tard : le Katanga n'est plus avec lui", croit savoir Jean-Claude Muyambo, l'un de principaux leaders katangais qui vient de quitter la majorité au pouvoir pour marquer son opposition à tout projet de révision constitutionnelle pouvant permettre à Joseph Kabila de briguer un nouveau mandat. Il en veut pour preuve l'absence remarquée à la réunion du jour de Moïse Katumbi, le gouverneur (officiellement empêché pour des "raisons de santé", il doit rentrer mercredi à Londres pour poursuivre des soins) et de Kyungu wa Kumwanza, le président de l'assemblée provinciale. "C'est un signal fort du désaveu", selon Muyambo.
Par Trésor Kibangula